ROMEYER Paul, Joseph dit Paulin. Pseudonyme dans la Résistance : Rudy

Par Jean-Marie Guillon

Né le 22 février 1913 à Chambon-Fougerolles (Loire) ; militant communiste ; métallurgiste ; responsable CGT dans la Loire ; commissaire aux opérations régional (COR) des Francs-tireurs et partisans (FTP) de la Loire puis commissaire aux opérations régional (COR) FTP des Bouches-du-Rhône (ou commissaire aux opérations interrégional).

Fils de Joseph Romeyer et de Félicie Morel, cet ouvrier métallurgiste, célibataire, de Savigneux (Loire) était un militant communiste très engagé dans la vie politique et syndicale locale puisqu’il assura de 1936 à 1939 le secrétariat général de l’Union locale CGT de Montbrison (Loire). Il était aussi le secrétaire de la section des Amis de l’URSS et aurait fait le voyage à Moscou en 1937 ou 1938. Il fit son service militaire au 15e Génie à Toul et c’est dans cette unité qu’il fut mobilisé en 1939. Il fut libéré le 8 juillet 1940 après d’être évadé du camp de prisonniers de Saint-Dié (Vosges).
Alors que son père était conseiller municipal à Savigneux et avait adhéré aux Amis de la Légion française des combattants, Paul Romeyer participait sans aucun doute à la reconstitution clandestine du parti communiste bien qu’il affirmât à la police n’avoir plus fait de politique jusqu’en mars 1942. Il avait été interpelé vingt quatre heures pour examen de situation et perquisitionné en vain en mai 1941. Il avait été aussi condamné à 200 francs d’amende pour refus d’obtempérer le 20 novembre suivant. Il aurait été contacté par Joseph Ramier, ancien secrétaire général du syndicat des Métaux de Saint-Étienne (qu’il dit emprisonné dans sa déposition) pour militer à nouveau. Il aurait été chargé de constituer une cellule à Montbrison, sans succès d’après lui, car l’appareil politique de Saint-Étienne ayant été arrêté, il serait resté coupé du parti. Le responsable politique de la région communiste, Georges, reprit contact avec lui vers le 15 novembre 1942 et l’affecta en janvier 1943 aux FTP en tant que COR chargé d’organiser des sabotages de voies ferrées et d’usines. Basé à Montrond (Loire), il n’aurait eu aucune activité militaire faute d’effectifs. Il ne reconnut que l’étude de la prison du Puy (Haute-Loire) en prévision d’une évasion et le recueil d’informations sur le camp d’internement de Saint-Paul d’Eyjaux (Haute-Vienne) dans le même but. Il lui était difficile de le nier puisque il en avait conservé des traces parmi les documents saisis lors de son arrestation à Aix-en-Provence. Pour des raisons de sécurité, étant connu dans la Loire, le parti l’affecta en février 1943 dans la région de Marseille avec, d’après lui, les mêmes responsabilités. Muni d’un pécule de 2 000 francs, il s’installa à Aix le 12 mars 1943 en compagnie de Roger Courtade, ex-militant communiste de Montbrison, qu’il présenta comme un ami de Savigneux ignorant ses activités et qu’il dépannait en le logeant momentanément. Le rôle de Courtade, à qui Romeyer avait fourni une fausse pièce d’identité, ne fut jamais éclairci par la police. Romeyer, devenu Rudy, recevait instructions, faux papiers, argent, explosifs et détonateurs de Rita qui faisait la liaison entre l’interrégion FTP et la région politique (représenté par Eugène). C’est Rita qui lui donna pour consigne de ne pas loger à Marseille, ville où venaient d’avoir lieu les grandes rafles qui avaient précédé la destruction du quartier du Vieux-Port.
C’est pourtant à Aix qu’il fut arrêté le 1er mai 1943, vers 23 heures, à l’arrivée du tramway de Marseille, par des gardiens de la paix auxquels il essaya d’échapper. Il fut pris avec un revolver à barillet chargé, deux fausses cartes d’identité aux noms de Charles Peyer et Aimé Nortier, un reçu de loyer au nom de Delboise André, un peu plus de 6 000 francs, plusieurs feuillets de tickets de viande, des papiers avec des mots de passe et des schémas de rues. La perquisition à son domicile conduisit à la découverte de cheddite, de détonateurs, de cordon Bickford, d’un trousseau de rossignols, d’une pince monseigneur, d’un loup noir, de huit cartes de pain, de tracts, de circulaires, de cartes Michelin, d’une fausse carte d’identité au nom de Delboise André, de listes de noms, etc. Il reconnut être un responsable FTP et retraça en partie son parcours. Dans sa déposition la plus détaillée, fondée sur les documents découverts chez lui, il fit un tableau certainement minimal de l’état des FTP dans la région. Il reconnut ses contacts avec les détachements FTP de Marseille, surtout celui de l’Estaque, La Marseillaise, dont il avait rencontré, via Gilbert Charmasson, le responsable Raphaël Montarello, et le groupe mobile, spécial, dirigé par Lucien. Ce groupe, très protégé par l’organisation, était chargé, entre autres, de la liquidation des traitres. C’est Lucien qui lui aurait fourni les listes retrouvées chez lui, une liste noire de « renégats » et une autre avec le nom de certaines cibles, collaborateurs et « policiers tortureurs » à liquider. S’ajoutaient à ces contacts le groupe des cheminots dont le responsable était Eugène Brandouy, celui d’Aix-en-Provence (responsable Ange Camus) qui aurait été en formation, tout comme celui de Gardanne (Bouches-du-Rhône). Il avoua aussi avoir été l’instigateur du sabotage de l’usine d’alumine de cette localité et avoir remis de la cheddite et du matériel collecté par Ange Camus à Garabet Azarian qui s’en servit dans la salle des autoclaves, provoquant ainsi d’importants dégâts le 30 avril 1943. Il reconnut également avoir incendié trois wagons de paille destinés aux troupes d’occupation en gare d’Aix-en-Provence en avril avec des plaquettes incendiaires que Rita lui avait remises. Il dit aussi avoir en projet de prendre contact avec le maquis de La Nartelle (commune de Sainte-Maxime, Var) qui était l’un des tout premiers camps FTP et avait une vocation régionale puisque son recrutement s’étendait de Nice à Marseille. Romeyer minimisa certainement ses responsabilités et ses contacts. Pour la police, Romeyer était « un communiste notoire et actif, intelligent et dangereux ». Son arrestation fut suivie par celles de douze autres militants dont Charmasson, Montarello, Camus, Brandouy, Azarian.
Écroué le 6 mai 1943 à la prison d’Aix, Romeyer fit partie du groupe de prisonniers que les FTP d’Aix-en-Provence firent évader dans la nuit du 23 au 24 avril 1944 avec la complicité d’un gardien. La Section spéciale de la cour d’appel d’Aix le jugea donc par défaut 11 mai 1944 et le relaxa « sans peine ni dépens » à la suite du rapport d’expertise psychiatrique qui le considéra en état de démence au moment des faits « au sens de l’article 64 du Code pénal »…
On ne sait s’il avait un lien de parenté avec Jean-Marie Romeyer autre militant syndicaliste de la Loire.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article195274, notice ROMEYER Paul, Joseph dit Paulin. Pseudonyme dans la Résistance : Rudy par Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 11 septembre 2017, dernière modification le 9 novembre 2017.

Par Jean-Marie Guillon

SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, 8 W 67, section spéciale d’Aix-en-Provence et 2663 W 2. — Marcel-Pierre Bernard, Les communistes dans la Résistance, Marseille et sa région, Aix-en-Provence, Université de Provence (Aix-Marseille I), thèse de 3e cycle en Histoire, 1982. — La Voix du peuple, organe officiel mensuel de la CGT, février 1937 (BNF, Gallica). — Notes de Louis Botella.

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