SALIOU-GLOUX Monique (pseudonyme Frédérique Vinteuil)

Par Jean-Paul Salles

Née le 3 mars 1952 à Talence (Gironde), élève de l’ENS puis de l’ENA, agrégée d’Histoire puis haut fonctionnaire, militante de la LC/LCR de 1969 jusqu’au milieu des années 1980, puis militante du PS. ; embre des comités de rédaction de Critique communiste et des Cahiers du Féminisme, membre du CC de la LCR ; adjointe au maire PS du IIIe arr. de Paris.

Monique Saliou est la fille de Suzanne Thuaire et de Roger Saliou, receveur principal des impôts. Elle a fait ses études secondaires au Lycée Marie Curie de Tarbes (Hautes-Pyrénées) puis ses classes préparatoires au Lycée Molière (Paris, XVIe arr.). Admise à l’ENS (Ulm) et inscrite également à la Sorbonne (Paris IV), elle obtint une licence de Lettres classiques et l’agrégation d’Histoire. Elle fut professeur d’histoire et géographie à Houdan (Yvelines) puis au Lycée Rotrou de Dreux (Eure-et-Loir) de 1976 à 1986. Mariée à Olivier Gloux - administrateur général des finances publiques, il était directeur départemental des finances publiques de l’Eure en 2014 -, ils eurent un fils, qui devint lui aussi élève de l’ENS et de l’IEP, agrégé d’allemand et haut fonctionnaire.
Ses parents, proches du PC, lui ayant appris à se sentir concernée par « la chose publique », comme elle le dit (The Huffington Post, 2009), elle milita dès l’âge de dix-sept ans à la Ligue communiste, de 1969 jusqu’au milieu des années 1980. Elle eut des responsabilités dans cette organisation, membre du comité de rédaction de Marx ou Crève (vite devenue Critique communiste), la revue théorique de la LCR, dès le n° 1 (avril-mai 1975) et jusqu’au n° 28 (septembre 1979). Elle participa notamment à l’importante réflexion sur « Militantisme et vie quotidienne », objet du numéro double de décembre 1976-janvier 1977 (n°11-12). Attaquant de front Daniel Bensaïd, qui venait, dans son livre La Révolution et le pouvoir (Stock, 1976) de « réactualiser, écrit-elle, le révolutionnaire fier de son combat, muet et ombrageux sur sa vie privée, s’éloignant droit dans le soleil couchant vers sa « solitude solidaire », elle lui reprochait avec humour de « lire trop Lucky Lucke ». Certes, militer est nécessaire pour hâter la fin de l’exploitation capitaliste, reconnaît-elle, mais elle exhorte ses camarades à prendre conscience que « les valeurs nécessaires aujourd’hui menacent celles de demain : pouvoir et discipline impliquent des relations dominant-dominé et font le lit d’une société bureaucratique » (p. 70). Finalement, elle voyait le salut sans le surgissement du mouvement des femmes, antidote contre le « virilisme » qui imprègne les organisations du mouvement ouvrier, Ligue comprise. Il n’est donc pas étonnant de retrouver Frédérique Vinteuil au comité de rédaction des Cahiers du Féminisme, la revue nationale bimensuelle soignée de la LCR paraissant à partir de novembre-décembre 1977. Revue théorique certes, mais aussi instrument au service des luttes des femmes, étant entendu « qu’il ne saurait y avoir de libération des femmes sans révolution socialiste ». Ainsi, dans le numéro 18 (décembre 1981-janvier 1982), elle rend compte des « Assises Femmes » appelées par la coordination des groupes de quartiers et d’entreprises ayant réuni 700 femmes à Paris. En avril 1984, elle signe l’éditorial du numéro 28. Françoise Vinteuil s’exprime aussi dans Rouge, peu après le viol de deux campeuses belges dans les calanques de Marseille, pour demander que le viol soit considéré comme un crime, qu’il soit passible de la cour d’assises et que s’applique avec rigueur la justice, même si elle n’est pas parfaite dans cette société (Rouge quotidien n°27, 14 avril 1976). Cet appel à la « justice bourgeoise » suscita des réticences dans les rangs de la LCR, dont Rouge se fit l’écho. Cependant l’organisation encouragea les victimes d’un viol à faire appel à l’appareil judiciaire, même si Rouge critiqua parfois les décisions de justice.
Monique Saliou ne se désintéressa pas non plus du débat interne à la LCR. Membre de la T3, la tendance de la LCR la plus préoccupée par les problèmes de « militantisme et vie quotidienne », la plus éloignée d’une doxa bolchevik-léniniste à l’ancienne, elle avertit Michel Lequenne, le leader de cette tendance - à l’issue d’un stage du CC, en août 1978 -, de la possibilité d’une fusion avec les Lambertistes (Témoignage de M. Lequenne, in Salles, 2004, T.3, p.648). Ils étaient tous deux effrayés par cette perspective. Elle était devenue membre du CC cette année-là au titre de la T3, en remplacement de M. Lequenne.
Mais cet engagement ne tarda pas à lui peser. Au milieu des années 1980, expliqua-t-elle, elle rejoignit le PS pour passer de « l’incantation à l’action qui change la vie réelle » (The Huffington Post, 2009). Simultanément, elle donnait une nouvelle orientation à sa vie professionnelle. Reçue au concours interne de l’ENA - elle fit sa scolarité de 1987 à 1989 dans la promotion Liberté-Égalité-Fraternité -, elle devint Auditeur (1989-92) puis Conseiller référendaire à la Cour des Comptes. Elle fut consultante au Centre d’analyse et de prévision du Ministère des Affaires étrangères, puis chargée de mission auprès du même ministère jusqu’en 1996. Elle ne tarda pas à intégrer le cabinet ministériel de Jean Glavany, puis de François Patriat, ministres socialistes de l’Agriculture et de la Pêche, comme conseillère technique chargée des affaires budgétaires et financières, puis directrice de cabinet (1998-2002). Poursuivant sa carrière de haut fonctionnaire, elle fut présidente de section à la Cour des Comptes, membre du Conseil d’Administration de l’Office national des Forêts (ONF) depuis 2013 et membre de la Commission des Requêtes de la Cour de Justice de la République depuis 2014. Simultanément, elle prit des responsabilités au Parti socialiste, devenant secrétaire fédérale Europe à la Fédération de Paris et membre du secrétariat international du PS. Elle participa à la campagne présidentielle de 2007, aux côtés de Ségolène Royal, et fut membre du Conseil d’Administration de Désirs d’Avenir. Elle fut également élue adjointe au Maire du IIIe arrondissement de Paris, en charge de l’espace public - espaces verts, voirie, propreté, transports - de 2008 à 2014. Responsable des rubriques Politique internationale et Communautés européennes de L’Année politique depuis 1990, elle fut également Maître de Conférences à l’Institut d’Études politiques (IEP) de Paris (1990-2009).
Chevalier de la Légion d’Honneur et de l’Ordre national du Mérite, elle est aussi Commandeur du Mérite agricole.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article195508, notice SALIOU-GLOUX Monique (pseudonyme Frédérique Vinteuil) par Jean-Paul Salles, version mise en ligne le 18 septembre 2017, dernière modification le 18 septembre 2017.

Par Jean-Paul Salles

SOURCES : Rouge, notamment les numéros sur le débat sur le viol : Rouge hebdomadaire n° 335, 13 février 1976, Rouge quotidien n° 27, 14 avril 1976, avec l’article de Frédérique Vinteuil « Criminaliser le viol ? », mais aussi n° 30, n° 36 (Alain Brossat « Utiliser la justice ? »), n°68, n°79 (« Dix heures contre le viol à la Mutualité »), n° 84 (« Ras le viol ! Un fantasme ? Non ! »). -Numéro 11-12 de Critique communiste, décembre 1976-janvier 1977 sur « Militantisme et Vie quotidienne », notamment l’article de Frédérique Vinteuil : « Militer sans mythologies ». — Revue Les Cahiers du Féminisme. —Jean-Paul Salles, La Ligue communiste révolutionnaire (1968-1981). Instrument du Grand Soir ou lieu d’apprentissage ?, PUR, 2005, notamment les pages 199, 202, 333 et 338. — Jean-Paul Salles, La Ligue communiste révolutionnaire et ses militant(e)s. Étude d’une organisation et d’un milieu militant, Thèse, 2004, Paris I Panthéon-Sorbonne, Tome 3, entretien avec Michel Lequenne, p. 643-651. — Le Monde, 4 janvier 2002 : nomination de Monique Saliou comme directrice de cabinet de Jean Glavany. — Le Nouvel Observateur n° 2184, 14-20 septembre 2006 : Monique Saliou, L’européenne. -Monique Saliou, interrogée par l’équipe Désirs d’Avenir de Paris, mis en ligne par Franck Olivier sur le site du Huffington Post, 5 avril 2009. — Blog de Monique Saliou, consulté le 17 septembre 2017.

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