PERROTIN Léo, Marc

Par Alain Dalançon

Né le 17 octobre 1881 à Recloses (Seine-et-Marne), mort le 3 juin 1941 à Bordeaux (Gironde) ; professeur ; militant associatif et syndicaliste, membre élu du Conseil supérieur de l’Instruction publique.

Fils d’un couple d’instituteurs, François et Maria Perrotin, née Legrand, Léo Perrotin effectua ses études secondaires au lycée de Fontainebleau (Seine-et-Marne) comme demi-boursier d’État à partir de 1894. Bachelier en 1900, il fut élève en rhétorique supérieure au lycée Michelet de Vanves (Seine/Hauts-de-Seine) de 1900 à 1902. Il obtint une licence de Lettres en 1905 et une de Philosophie en 1906, tout en étant répétiteur, à partir de 1903, au collège Jacques Amyot de Melun (Seine-et-Marne), ville où il épousa le 8 août 1906, Blanche Durrien, originaire de Seine-et-Marne, professeure à l’École normale d’institutrices de Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord), dont il divorça dès 1908.

Il enseigna d’abord les lettres comme professeur délégué à l’école primaire supérieure de Lamballe (Côtes-du-Nord), puis à celle de Pithiviers (Loiret) en 1906-1907, et enfin au collège de Compiègne (Oise). À cette époque, il était inscrit à l’École des hautes études (section des études historiques et philologiques). Il était en effet membre de la Société psychologique de l’enfant depuis 1902, étudiait la pédagogie de Saint-Augustin, et collaborait à l’édition critique de L’Institution de la religion chrétienne de Calvin, sous la direction d’Abel Lefranc. Titulaire du diplôme d’études supérieures (1908) et d’un certificat d’études de physique (1910), il fut candidat à l’agrégation de Philosophie mais fut défaillant en juillet 1911 et à nouveau en 1919.

Ajourné en 1902 au service militaire pour « faiblesse et palpitations », et versé dans les services auxiliaires en 1903, il fut mobilisé début août 1914 à l’hôpital auxiliaire de la Croix Rouge n° 34 de Compiègne. Mais, en raison de l’avancée des troupes allemandes et de leur occupation de la ville à la fin du mois, il partit à Hendaye (Basses-Pyrénées/ Pyrénées-Atlantiques) où il s’était remarié, le 28 août 1911, avec une institutrice, Marie Clémentine Choubrac, avec laquelle il eut deux enfants.

Rappelé en novembre 1914 dans le même hôpital, il en était le gestionnaire comptable, faisant fonction d’officier d’administration de santé, puis fut affecté à la 6e Section d’infirmiers comme caporal jusqu’en septembre 1917. Il reprit son service au collège de Compiègne à la rentrée 1917, où il conciliait son travail administratif dans l’hôpital auxiliaire installé dans l’établissement, fut détaché au printemps 1918 au collège de Fontainebleau et ne fut démobilisé qu’en mars 1919. Il écrivit plusieurs articles à la fin du conflit sur l’articulation entre pouvoir militaire et pouvoir civil en temps de guerre et sur les ruines du pays.

À la rentrée d’octobre 1918, Léo Perrotin fut affecté à l’annexe Longchamps du lycée de garçons de Bordeaux, comme professeur licencié de lettres en 6e, tandis que son épouse était nommée maîtresse de classe élémentaire en 9e dans le même établissement. Ils enseignèrent ensuite constamment dans ce petit lycée et habitaient 50, rue Naujac à Bordeaux.

Forte personnalité, Léo Perrotin avait échoué trois fois à l’agrégation de grammaire, entre 1920 et 1923, peut-être parce qu’il avait osé répliquer au jury. Toute sa vie, un esprit de revanche l’anima pour démontrer ses compétences, aussi bien sur le plan des connaissances que de la pédagogie. Il écrivait en 1913 dans la Revue des langues modernes sur la vie dans les collèges et au début de l’année 1914 dans la Revue pédagogique un article, « Du laboratoire à l’école (Rapport adressé au ministère de l’Instruction publique) ». Adepte de l’Éducation nouvelle dès avant la guerre, il était partisan de faire appel à la culture des sensations liée à celle des textes pour la composition française : il écrivit sur le sujet, avec Léonce Bocquet, un manuel à destination des élèves des classes primaires, publié en 2 volumes, en 1913 à Compiègne, qui connut durant l’entre-deux guerres plusieurs éditions et fut publié à nouveau après sa mort dans les années 1950.

Hyperactif, il fut, de 1920 à 1931, vice-président de la section permanente et le rapporteur de la commission des études de l’Office départemental des pupilles de la Nation. Il s’impliquait dans la vie culturelle bordelaise en animant des causeries au théâtre, le jeudi en matinée, et en donnant des conférences à Radio Bordeaux dans l’émission « l’Heure littéraire ».

Il avait aussi élaboré une méthode d’apprentissage du latin dont il était un chaud partisan. Dans ses mémoires, André Mandouze, qui l’avait eu comme professeur, disait de lui qu’il incarnait « une sorte d’homme indomptable » ; dans sa classe de 6e, il exerçait « un sacerdoce absolu », « agité de tics au premier abord terrifiants » mais auxquels on s’habituait. Il concluait que ce maître, qui eut une grande influence sur le choix de sa voie, lui avait appris « dès la 6e, l’essentiel ou presque du latin que j’enseignerai plus tard jusqu’à la Sorbonne ».

Léo Perrotin avait d’abord milité, avant la guerre, à l’association des répétiteurs ; son principal au collège de Pithiviers avait indiqué dans un rapport son initiative d’une démarche revendicative des répétiteurs de l’établissement. Après la guerre, il militait à la Fédération des professeurs de lycée et du personnel féminin de l’enseignement secondaire, qui devint syndicat (connu sous le nom de « S3 ») en 1925. Il était membre de son bureau national, représentant les professeurs licenciés et certifiés dont il défendit constamment les intérêts dans un syndicat et un système secondaire dominés par les agrégés. Ainsi au congrès de 1934, il réclama l’accession des professeurs licenciés au cadre parisien, ce que l’association des professeurs licenciés, concurrente du syndicat, demandait également. Il fut élu la même année membre du Conseil supérieur de l’Instruction publique, et réélu en 1938 contre le candidat du syndicat autonome, alors qu’il était devenu militant du SPES (Syndicat du personnel de l’enseignement secondaire)-CGT. Proche de Laure Bréchot et de Maurice Lacroix, il était en effet un partisan de l’adhésion du S3 à la CGT et combattit toujours pour la démocratisation des études secondaires.

Ainsi au congrès du S3 de 1928, il dénonça les inégalités entre élèves dans la poursuite d’études secondaires, pour des raisons financières, et fit adopter à l’unanimité son rapport demandant la gratuité totale de l’externat des lycées et collèges, en commençant par la 6e. En 1933, il adressa au ministre Anatole de Monzie une lettre demandant la réduction des effectifs en classe de 6e pour permettre la réussite de l’accueil des élèves des classes élémentaires des lycées et collèges et des écoles primaires. Il défendit à la fin des années 1930 les classes d’orientation dont il fut un des plus actifs expérimentateurs à Bordeaux, et fut nommé en juillet 1939 membre de la commission des classes d’orientation. S’il souhaitait que tous les élèves de 6e commencent l’étude du latin sous forme d’essai, il était aussi partisan de la liberté de l’orientation en fonction des aptitudes et des goûts et se réjouissait que de bons élèves soient orientés en 5e vers l’enseignement technique : « nous n’avons pas voulu jouer le jeu ordinaire : les meilleurs au lycée, les moins bons à l’école pratique ». Il donnait d’ailleurs des cours de Français à l’École supérieure de Commerce de Bordeaux depuis 1931.

Il souhaitait le développement des contacts, d’une part entre professeurs et parents mais aussi entre enseignants des divers ordres. Il confessait dans un article publié dans Esprit (février 1939) qu’il avait le sentiment d’être dans son lycée un « professeur incomplet, empêché d’accomplir sa vraie tâche sociale […] par la tradition de notre enseignement secondaire, demeurant, quoi qu’on fasse, étriqué, rigide, distant des vivantes réalités », alors que dans la classe d’orientation, il avait « l’impression d’être mieux armé pour remplir sa mission sociale », notamment grâce au travail de « notre équipe, composée de maîtres très différents d’âge, de culture, de tendances », animés par « une égale révérence de l’enfant et un égal souci de le servir ».

Léo Perrotin ne craignait pas de manifester en toute occasion ses désaccords. Ainsi, convoqué en décembre 1938, à une réunion d’une commission des examens dans le cadre du Conseil supérieur, il refusa de s’y rendre puisque ses frais de voyage n’avaient pas été remboursés depuis le mois de mai précédent.

En congé de maladie depuis 1940, il mourut en juin 1941.

Le président de l’Association des études grecques dont il était adhérent depuis 1933, puisqu’il avait enseigné aussi le grec jusqu’en 1931 en complément de service au lycée de filles de Bordeaux, fit rapidement son éloge à l’assemblée générale de juin 1942, en s’appuyant sur le témoignage de Maurice Lacroix qui le qualifiait de professeur « passionné par sa tâche ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article195631, notice PERROTIN Léo, Marc par Alain Dalançon, version mise en ligne le 27 septembre 2017, dernière modification le 11 avril 2021.

Par Alain Dalançon

ŒUVRE : Le fichier de la BNF comprenait en septembre 2017 10 références dont :
Manuels avec Léonce Bocquet, La composition française (CM et CEP). Méthode de français par la culture des sensations et l’étude des textes et Le vocabulaire sensoriel, Colin, plusieurs éditions de 1924 à 1934. — Seul auteur, Répertoire de notes de latin, Librairie de Bordeaux, 1934. — Parmi les articles : « Le Haut Commandement militaire et le pouvoir civil en temps de guerre », Grande revue, juin 1918 ; « Pour Didon. Sur quatre vers d’Ausone traduit par Joachim du Bellay », Mélanges de littérature d’histoire et de philologie offerts à Paul Laumonnier par ses élèves et amis, Bordeaux, 1935.

SOURCES : Arch. Nat., F/17/23637/B. — Arch. Dép. Seine-et-Marne (état civil et registre matricule). — Arch. IRHSES, dont bulletins syndicaux du S3 et du SPES et Annuaires de l’Instruction publique. — JO, lois et décrets du 19 fév. 1933, du 7 juil. 1939. — Le Figaro, 5 avril 1928 ; Le Temps, 1er avril 1934 ; l’Express du midi, 11 janv. 1928, 7 déc. 1934. — Articles de Léo Perrotin, « Les rapports des professeurs et des parents », L’Education nouvelle, septembre-octobre 1937 ; sur les classes d’orientation, Esprit, février 1939, p. 714-715.— André Mandouze, Mémoires d’outre-siècle. A gauche toute, Bon Dieu ! Le Cerf, 2003. — Allocution de Louis Bodin Revue des études grecques, n°261, 1942, p. 15-26. — Notes de Jacques Girault.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable