ROBERT Émile, Adolphe

Par Pierre Baudrier et François Gaudin

Né le 25 mai 1830, à Melun (Seine-et-Marne), mort le le 27 août 1890 à Dornecy (Nièvre) ; instituteur, photographe, peintre, opposant au coup d’État de 1851.

Fils d’Eugène Natalis Robert, alors dessinateur, et de Marie Rose Clarisse Boulanger, Émile Robert était, en 1848, élève-maître à l’École normale primaire de Bourges, où il fut distingué en dessin linéaire et en plain chant. Devenu instituteur privé, il épousa, le 30 avril 1850 Zélie Baron à Dornecy (Nièvre), où son père était alors instituteur communal.
Émile participa avec Zélie à l’insurrection consécutive au coup d’État de 1851. Contumax, il fut condamné à la déportation dans une enceinte fortifiée de même que d’autres Dornecycois, qui, eux, comparurent devant le conseil de guerre de Clamecy, le 20 février 1852 : Auguste Geoffroy, dit Flambant, François Tapin, dit Titat, Louis Bouillery. Émile s’enfuit à Paris. Son épouse, enceinte de sept mois, fut condamnée à l’internement. Ils eurent deux fils, Aristide Robert, qui fut poursuivi et déporté après la Commune, et Paul, né le 25 mars 1856, artiste peintre qui fut un ami intime de Claude Debussy et décéda le 2 août 1925.
Émile s’exila,en Angleterre avant de gagner l’Irlande puis l’Espagne, où il résidait avec sa famille en 1858 et il vivait encore au début des années 1860. Peintre, il s’initia à la photographie et fit pour la reine Isabelle des portraits et des clichés qui lui valurent une décoration. Il mit également au point le procédé de la Photocolor. Son beau-père et un autre gendre, qui l’avaient rejoint, ouvrirent un magasin.
Il s’installa ensuite à Paris, au 12, rue de la Grange-Batelière, dans les années 1860. Émile habitait avec son fils Aristide, également photographe et peintre. En 1866, la presse évoquait son procédé « Photo-couleur, dont la presse espagnole avait souvent parlé ». En 1867, il fut récompensé par une médaille d’or par la Société des sciences industrielles, arts et belles-lettres de Paris pour son procédé fixant les couleurs « d’une façon inaltérable », et permettant d’obtenir « des dégradés de ton d’un très grand fini ». Cette même année, il fonda une succursale, « Photographie Parisienne », que tenait M. A. Delabarre, à Bruxelles, au 36, rue Fossé aux Loups, place de la Monnaie. Son frère Adolphe Robert y travailla un temps. On le tenait alors pour l’inventeur de la photographie mise en couleurs – peintes avec art – « M. Émile Robert a trouvé un procédé à l’aide duquel il est parvenu, en vingt minutes, à faire d’une épreuve peinte, et soumise ensuite à une préparation qui constitue le mérite de son invention, une peinture remarquable » disait la Revue britannique. Puis son rôle fut ensuite oublié. Il insérait des réclames en français, en allemand et en espagnol. L’année suivante, il fut invité aux Tuileries le 20 mai 1868 pour immortaliser des expériences sur le magnésium et la famille impériale. Ce fut ensuite à l’atelier que fut réalisé en juin, un cliché du prince impérial. Émile immortalisa également Prosper Mérimée et Sainte-Beuve, et ce dernier lui écrivit, le 19 juillet, pour le remercier de son portrait et l’inviter à dîner avec son épouse.
En octobre 1869, pour aider les victimes de la fusillade des mineurs en grève à Aubin (Aveyron), il mit en vente une photographie de Félix Pyat – la première qui ait paru en France, selon la presse. Il fixa aussi les physionomies de nombreux communards : outre Pyat, Ferdinand Gambon, la chanteuse Rosa Bordas, qui soutint la Commune, ou encore, n’oubliant pas ses compatriotes de la Nièvre, Pierre Malardier. Il travaillait avec son fils Aristide Robert et embaucha son frère Adolphe Robert comme caissier Il était encore rue de la Grange Batelière en 1870. Son entreprise fut déclarée en faillite, le 24 mars 1870, mais, en juillet, la presse recommandait encore de visiter son magasin pour y admirer les portraits qui étaient exposés.
En 1871, il fit notamment les clichés suivants : Redoute de Montretout, Mur de soutènement de la redoute de Breteuil, Redoute de Breteuil et pont de Sevres, Redoutes de Breteuil et de Brimborion, Château de Garches, Ruines de Garches, Pont de Sèvres, Vue de Saint-Cloud, Légion d’honneur en flammes, Palais Royal en flammes, Palais de Justice en flammes, Tuileries en flammes, Arsenal en flammes. Les clichés des destructions de la Place d’Armes, à Saint-Cloud, datent du 15 juin 1871. On sait qu’il déposa plainte parce que la police avait saisi des papiers qu’il avait déposés chez son ami Eugène Châtelain pendant la Commune.
Son fils Aristide ayant été arrêté après la fin de l’insurrection, les époux entrèrent en relations avec Victor Hugo pour obtenir son soutien. En 1872, ils résidèrent à Mulhouse, au moins de février à août. Parmi les lettres qu’il adressa à son épouse et qui figurent dans sa notice,. l’écrivain lui écrivit, le 8 février : « Je félicite M. Votre Mari de son succès à Mulhouse ; c’est un commencement de retour au bonheur. » De son côté, Émile reçut, le 14 octobre 1872, ce billet : « Je viens, Monsieur, de recevoir votre magnifique envoi. Vous êtes un artiste rare. Le groupe est un chef d’œuvre. La princesse M. est une merveille. Je n’ai pas ici mon portrait grand format, mais vous l’auriez aisément chez Carjat. Je ne m’étonne pas de votre succès. Ce que vous faites est vraiment beau. Je vous remercie avec mon plus cordial serrement de main.
Victor Hugo.
Mes respects empressés à Madame Robert. »
Émile fit le portrait de Victor Hugo vers 1875. Malgré sa faillite, le photographe était encore enregistré en 1876 dans l’Agenda photographique de Léon Vidal comme photographe à Paris.
En 1880, Émile et Zélie habitaient à Nice. L’atelier d’Émile était situé villa Abbo, rue Grimaldi, dans le centre de la ville. L’année suivante, leur fils Aristide Robert se maria. Émile qui s’était fait connaître pour ses miniatures, présidait le cercle de l’Athénée en 1883 et côtoyait l’aristocratie. La presse le présentait alors comme « père du peintre de grand talent que l’on sait ». Paul, son autre fils, connaissait un certain succès avec son Andromède qui lui valut une médaille à Paris. L’année suivante, Paul figurait parmi les deuxièmes médailles à l’Exposition de Nice, mais le jury prévu ayant été modifié, il refusa cette récompense.
Émile Robert exposait en novembre 1886 des fusains et des miniatures, au 22, rue Saint-François-de-Paule, près du bord de mer, où il avait son atelier et sa galerie. Il y donnait des leçons particulières et s’était spécialisé dans les peintures sur satin et sur soie, les fusains, les aquarelles et les miniatures sur ivoire. Il pratiquait le nu à domicile. Les époux Robert y résidaient encore en 1887.
Ils revinrent ensuite à Dornecy, où Émile décéda le 27 août 1890. Sa disparition, signifiée comme celle d’un peintre de valeur, père de Paul Robert, fut signalée par le Moniteur des arts.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article195791, notice ROBERT Émile, Adolphe par Pierre Baudrier et François Gaudin, version mise en ligne le 2 octobre 2017, dernière modification le 11 octobre 2022.

Par Pierre Baudrier et François Gaudin

SOURCE : Arch. nat. F 15 4060 et 4063, BB 30/ 399, Clamecy n° 132. – Arch. Paris, V4E 5341, acte n° 224. – Arch Paris, 09D 142. – Arch. Seine-et-Marne, 5MI 6030, acte n° 237. – Archives de la Nièvre ; 5M14 649, acte n° 9. – Journal du Cher, 19 août 1848, p. 2. — Pascal Duprat, Les tables de proscription de Louis Bonaparte et de ses complices, t. 2, Liège, Redouté, 1852. – Journal des débats, 22 et 23 février 1852. – L’Événement, 21 août 1866. – L’Écho du parlement, 23 juillet 1867 (Belgique). – Charivari, 7 décembre 1867. – Le Courrier français, 22 janvier 1868. – Le Pays, 22 mai 1868. – Revue britannique, 1869, t. 9, nov. 1869, p. 557. – Le Rappel, 29 octobre 1869. – Annuaire-almanach du commerce, de l’industrie…, 1871. – Nice artistique, 12 novembre 1881, 26 mars 1887. – Paris-touriste, 16 décembre 1883. – Journal des artistes, 20 juin 1884. - Catalogue de vente Néret, Minet, Tessier et Sarrou, mercredi 6 novembre 2013. – Michiel Demaeght, Directory of Belgian Photographers, FOMU-Fotomuseum Antwerpen, https://fomu.atomis.be. – Notes de Danièle-Alice Daniel.

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