MARTIN Louis [Dictionnaire des anarchistes]

Par Rolf Dupuy, Marianne Enckell, Dominique Petit

Mort fin mai 1900. Moine dominicain, puis anarchiste naturien.

Tout jeune, Louis Martin fut envoyé par sa mère au séminaire de Villecroze (Var) dont il se sauva avant d’être rattrapé et placé au grand séminaire de Fréjus ; au bout d’une année il s’enfuit de nouveau. Il gagna alors Dijon ; il rencontra le père Lacordaire, qui le convainquit d’entrer dans un cloître. Il fut un moine dominicain exemplaire jusqu’au jour où il ne crut plus à la révélation divine : « Là où la vérité m’a dit d’aller, je suis venu. Ce qu’elle m’a dit de quitter, je l’ai abandonné sans regret, sachant que je renonçais à mon pain quotidien assuré, à la gloire qui me guettait aux pieds d’une chaire chrétienne pour aller sans le sou, sans état, maudit de ma famille, par les chemins du monde hérissés d’épines, pieds nus, meurtrissant mes pieds aux cailloux et couchant à la belle étoile » (L’Aurore, 8 novembre 1897).

En 1886 il publia l’ouvrage Les évangiles sans dieu : un essai sur la vie de Jésus qui lui valut de recevoir de Victor Hugo ces quelques lignes : « Que celui qui a écrit ces nobles pages vienne à moi. Je serai heureux de lui serrer la main ». La Revue socialiste de Benoît Malon en fit un compte rendu élogieux et annonça que Louis Martin faisait désormais partie de la rédaction ; mais il n’y a guère publié.

En 1895, il collabora au Bulletin des Harmoniens dont un des rédacteurs était Emile Gravelle.

En 1897 Louis Martin était l’animateur du groupe L’État naturien, en rivalité semble-t-il avec le groupe Les Naturiens de la Bastille animé par Beaulieu dit H. Beylie. Il était parfois dit marchand de chapeaux.

Il demeurait alors à Montmartre, 96 rue Lepic, au « Pavillon Sans dieu » ; pour une somme modeste, il avait loué à cet endroit – près de « l’impie Sacré Cœur » et juste en face du Moulin de la Galette – quelques mètres carrés où de ses propres mains il avait « édifié un petit pavillon en planches qu’il a baptisé le Sans Dieu. Ce pavillon est situé au fond d’un petit jardin, aux rares plantes, dont quatre arbustes grêles et une statuette en plâtre constituent les seuls ornements » (L’Aurore). Sur la porte il avait pour habitude d’accrocher la pancarte suivante : « Salut ! Aux amis qui viennent serrer la main à un philosophe en son pavillon solitaire, le Sans Dieu » (ibid.). L. Martin y avait réuni tout ce que sa vie tourmentée lui avait permis de conserver : « De hautes glaces tapissent tout un coté de la pièce… Une grande baie vitrée inonde de clarté un véritable capharnaüm où l’on voit une double échelle près d’une presse à copier… une chimère en bois sculpté près d’un buste de la République auquel la tête manque, une marmite à demi remplie de colle de pâte… un lit de fer replié… » En sous-sol il avait également installé une cuisine et une salle à manger creusées dans l’argile de la Butte. Il fut aidé pour la décoration de son pavillon par Marie Huchet, qui trouva le temps au milieu de ses conférences de lui poser des tentures.

Dans cet entretien accordé à L’Aurore, il définissait ainsi sa conception de la société : « Si un seul homme, quel qu’il soit, dans la société, petit, fou, imbécile ou bon à rien, n’a pas le nécessaire que la nature octroie à toute bête, cette société je la condamne, je la répudie, je la foule aux pieds, je veux la détruire. »

En 1899 il était membre de la Ligue anticléricale et participait également aux réunions du groupe de l’Harmonie. Il représentait parfois le groupe lors des réunions de l’Union socialiste révolutionnaire du 9e arrondissement à laquelle il avait adhéré.

Louis Martin, qui était également franc-maçon, fut interné en 1900 à l’asile de Villejuif où il devait décéder fin mai 1900. Henri Zisly avait proposé d’organiser une petite manifestation sur sa tombe pour rendre hommage à « ce penseur qui avait rendu tant de services à la cause ». Martin, dont la femme avait refusé de payer les frais d’enterrement, fut inhumé au cimetière Montparnasse sous le nom de « Famille Dauphin » aux côtés de sa mère, sa tante et son oncle. Il avait un fils, prénommé Louis qui résidait alors 45 rue Boissy d’Anglas.

Le prestidigitateur Mowbray, conférencier anarchiste et libre-penseur, qui avait côtoyé Louis Martin au Bulletin des Harmoniens, donna une conférence sur lui au siège de l’Avenir théâtral, café Job, 33 rue de Douai, Paris 9e, le 21 juillet.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article195926, notice MARTIN Louis [Dictionnaire des anarchistes] par Rolf Dupuy, Marianne Enckell, Dominique Petit, version mise en ligne le 8 octobre 2017, dernière modification le 26 mars 2020.

Par Rolf Dupuy, Marianne Enckell, Dominique Petit

ŒUVRE : Les évangiles sans dieu, essai sur la vie de Jésus, Dentu & Cie, 1887, 296 p.

SOURCES : APpo BA 1497, BA 1498 — L’Aurore, 8 novembre 1897, « Le philosophe de la rue Lepic », article de Ph. Dubois — Les Temps Nouveaux, 21 juillet 1900 — Revue socialiste, décembre 1887. — René Bianco, Cent ans de presse anarchiste, op. cit.

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