TINTER Baruch [alias BOILEAU Paul]

Par Daniel Grason

Né le 21 juillet 1910 à Pomorzany (Pologne), mort en 1943 à Auschwitz (Pologne) ; comptable interprète ; militant de la Main d’Œuvre Immigrée (M.O.I.) ; résistant.

Fils de Leib et de Fanny, née Donner, Baruch Tinter entra en France le 3 juin 1937, il était titulaire d’une carte d’identité d’étranger délivrée par la Préfecture de police valable jusqu’au 20 juillet 1942. Il habitait alors au 147 rue des Voies-du-Bois à Colombes (Seine, Hauts-de-Seine).
Militant de la Main d’œuvre immigrée, il fut repéré par des inspecteurs de la BS2 alors qu’il rencontra à plusieurs reprises Ephraïm Lipcer. Deux inspecteurs l’interpellèrent le 4 juillet 1943 vers 17 heures, il présenta des papiers d’identité au nom de Paul Boileau né le 2 juillet 1909 à Cahors (Lot). Sa carte d’identité portait le timbre humide de la mairie d’Escaudin (Nord). Il vivait 4 rue Émile-Rostan à Paris (XIIIe arr.), il possédait une feuille de démobilisation, des titres d’alimentation portant le timbre humide de la mairie d’Arcueil (Seine, Val-de-Marne), tous les documents portaient le nom de Boileau. La perquisition de son domicile se révéla infructueuse, il était inconnu des différents services policiers.
Interrogé dans les locaux des Brigades spéciales à la Préfecture de police, il fit part de son parcours professionnel. Titulaire du CEP, il travaillait en qualité de comptable interprète pour l’entreprise Marcel Langlois, dont le siège social était 7 rue Saint-Luc à Paris (XVIIIe arr.). Il exerça sa profession tout d’abord aux Chantiers de Dreux (Eure) et au 68 rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris (Ier arr.), enfin sur les chantiers de l’entreprise à Lessay, arrondissement de Coutances dans la Manche.
Étant en déplacement sur les chantiers, depuis 1941, il venait de temps en temps à Paris. « Afin d’éviter de descendre à l’hôtel, et comme j’avais amassé un petit pécule j’ai loué un logement rue Emile-Rostan, que j’ai meublé avec des meubles d’occasion. » Serge Ostrowski l’aida à déménager les meubles de la rue des Peupliers dans le XIIIe arrondissement à son domicile. Or, Ostrowski n’était autre que Boruch Lerner qui avait été arrêté le 29 juin 1943 vers 18 heures au 15 rue Dauphine (VIe arr.) par trois inspecteurs de la BS2. Un important dépôt d’armes avait été saisi dont trente bombes, soixante-deux corps de bombes, quinze engins incendiaires etc.
Il connaissait effectivement Serge Ostrovski et son amie Miejeska, dite « Dédée ». Il déclara avoir fait sa connaissance « il y a cinq ou six mois […] j’ai lié connaissance avec Lerner dans un café du boulevard Saint-Michel. » Il le rencontra par la suite à deux reprises, il lui proposa de le faire entrer où il travaillait. Baruch Tinter affirma : « Je me suis jamais occupé de politique, je n’ai notamment jamais adhéré au Parti communiste ou à une organisation s’y rattachant. » Il raconta que son amie Suzanne Marzewska avait rendu service à Hadassa Tenenbaum dont l’enfant Claude était de santé fragile. Elle l’emmena une huitaine de jours à la fin juin à Escaudin où elle vivait dans le Nord pour le changer d’air.
Les inspecteurs firent part à Baruch Tinter que Lerner était un terroriste, des corps de bombes avait été découverts dans une chambre rue Dauphine. Baruch Tinter rétorqua ignorer l’existence de cette chambre, il ajouta : « Nous ne nous sommes jamais entretenus de politique. Je ne sais pas davantage si la maitresse de Lerner s’occupait de politique, car nous n’avons jamais effleuré ce sujet. »
Un inspecteur téléphona le 16 juillet 1943 à un responsable de la Première Brigade de police mobile et lui demanda de contrôler la date de naissance de Paul Boileau né le 2 juillet 1909 à Cahors. Il n’y avait pas de Paul Boileau sur le registre des naissances de l’état civil. Il soutint d’y être né, puis déclara qu’il se nommait Baruch Tinter et qu’il était Israélite.
Il expliqua qu’il avait acheté les fausses pièces d’identité à un Grec dans un café situé boulevard Saint-Martin (Xe arr.). « Le Grec qui m’a fourni la pièce d’identité m’avait affirmé que l’état civil porté sur cette carte s’appliquait à un Français émigré qui existait réellement. »
Cinquante-trois mille francs avait été saisis, Baruch Tinter avait la responsabilité de la comptabilité des chantiers de son entreprise. Il apporta la preuve que trente-six mille francs appartenait à l’entreprise Langlois, convoqué, le patron confirma l’exactitude des comptes.
Interné au camp de Drancy sous le matricule 3223, Baruch Tinter était le 31 juillet 1943 dans le convoi n° 58 à destination du camp d’extermination d’Auschwitz (Pologne). L’Armée soviétique libéra Auschwitz le 27 janvier 1945, du transport n° 58 d’un millier d’hommes et de femmes, vingt-huit survécurent. Baruch Tinter était mort, il a été homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF) et Déporté interné résistant (DIR).
Sur le mur des noms rue Geoffroy-l’Asnier à Paris (IVe arr.) au Mémorial de la Shoah a été gravé le nom de Baruch Tinter, prénom orthographié Barouch.
Son amie Susanna Marsewska, déportée à Ravensbrück (Allemagne) fut libérée le 30 avril 1945.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article196037, notice TINTER Baruch [alias BOILEAU Paul] par Daniel Grason, version mise en ligne le 10 octobre 2017, dernière modification le 12 octobre 2017.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo. Carton 14 rapport hebdomadaire des Renseignements généraux du 12 juillet 1943, BA 2298, GB 130. – Bureau Résistance GR 16 P 571806. – David Diamant, Par-delà les barbelés, 1986. – Site internet CDJC.

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