DORANCE (famille)

Par Jean-Luc Labbé

Nés et domiciliés à Niherne (Indre) ; journaliers et bûcherons ; fondateurs du syndicat des ouvriers agricoles de Niherne en mars 1895.

DORANCE-LIMOUSIN François, Eloi : né le 25 mai 1845 ; journalier et bûcheron ; syndicaliste à Niherne (Indre) en 1895 ; président du syndicat des bûcherons et journaliers en 1896 ; condamné à une peine de prison pour faits de grève. Dorance François-Eloi était le fils de François Dorance (né vers 1806) journalier « aux Marais », et de Marguerite Limousin. Son oncle Silvain Dorance (né vers 1808), témoin de sa naissance, était un journalier domicilié au bourg de Niherne.
DORANCE-DUPRÉ Louis : Né 14 septembre 1848, frère de François-Eloi. Entre 1895 et 1897, Louis Dorance était vice-président du syndicat des bûcherons et journaliers de Niherne. En 1891, Louis Dorance était domicilié au village de Surins avec sa femme Rosine (née Dupré), son fils journalier de 16 ans et un nouveau-né.
DORANCE-BLIN Louis, François : né 1858, marié à Blin Marie Joséphine, mort le 1er avril 1896 à 38 ans (journalier) à Niherne (Indre) ; président de l’Union syndicale des bûcherons et journaliers de Niherne en 1895. Fils du cultivateur (en 1858) et bistrotier (en 1870) Silvain Dorance et de Elisa Guilbault, Louis Dorance avait deux frères : Eugène né vers 1860 (boulanger) et Jean-Baptiste né vers 1866 qui reprit le bistrot familial. Louis Dorance-Blin était le cousin Germain des deux frères Dorance-Limousin et de Dorance-Dupré.
L’Union syndicale des bûcherons et journaliers de la commune de Niherne fut officiellement créée le 1er mars 1895. Le premier président, Pierre Vervins, pouvait compter dans son bureau syndical sur trois militants issus de la famille Dorance et sur une quarantaine d’adhérents domicilés dans cette commune de 1200 habitants de la Vallée de l’Indre entre Châteauroux et Villedieu-sur-Indre. Cette quarantaine de chefs de famille sur les 330 ménages recensés en 1891, représentait un pourcentage de syndiqués (12%) qu’on ne retrouvait dans aucune autre ville ou village du département de l’Indre. Ce pourcentage de syndiqués se montait à environ 50% des foyers dont le chef de famille se déclarait journalier.
Mais l’entrée en scène de la famille Dorance n’avait pas attendu la constitution officielle du syndicat. Les trois hommes avaient pris part à une grève des bûcherons du 5 au 22 mai 1891, mouvement social qui concerna une centaine de travailleurs de Saint-Maur et Niherne sur un chantier d’écorçage du bois. La revendication des grévistes fut en partie acceptée par les patrons qui payèrent 16 Francs pour 500 kg d’écorce de bois. Cette grève n’était pas isolée puisqu’elle était la manifestation locale d’un mouvement social régional qui concernait aussi (et surtout) le Cher et la Nièvre. Les Dorance, qui avaient alors 46, 43 et 33 ans, participaient ainsi, de fait, à la constitution de la Fédération nationale des bûcherons et journaliers dont le siège social fut fixé dans le Cher, quatre ans avant la création de la CGT en septembre 1895.
La création du syndicat de Niherne le 1er mars 1895 n’était donc que l’officialisation d’une situation déjà existante et qui préparait la campagne d’écorçage du bois du printemps suivant. Les 30 avril et 1er mai 1895 à Niherne, 83 bûcherons posèrent leur cognée (hache) pour des revendications salariales. Ils demandèrent 18 Francs pour 500 kg d’écorce alors que les patrons voulaient maintenir 16 Francs comme depuis 1891. Le mouvement social dut être déterminé et uni puisque deux ou trois jours suffirent pour obtenir un accord sur un tarif de 17,50 Francs (le syndicat demandait 18 Francs). Suite à cet accord, et selon les sources de la gendarmerie, 23 grévistes qui n’étaient pas de Niherne reprirent le travail suivis par la soixantaine de travailleurs locaux. A cette date, Louis Dorance-Blin était président du syndicat et Louis Dorance-Dupré vice-président. Le bureau syndical était complété par Arthur Penneron et Silvain Girard. Dorance-Blin décéda en avril 1896 (à 38 ans) et Pierre Vervins repris la présidence ; Dorance-Dupré restait vice-président.
Le seul témoignage direct sur cette période fut celui de François-Eloi Dorance-Limousin. Dans le journal socialiste, Le Progrès de l’Indre du 28 juillet 1895, il signe un article en soutien à la candidature d’Edmond Augras au Conseil général (Niherne faisant partie du canton de Châteauroux). Cet article lui permit de revenir sur un passé proche : « En lisant dans Le Département de l’Indre la profession de foi de M. Patureau [alors maire radical de Châteauroux et conseiller général], j’y trouve un passage où il dit qu’il soutiendra les questions sociales et le maintien des syndicats. Je peux vous dire que j’ai été joliment surpris. Depuis de longues années, bûcheron moi-même, je me suis occupé de soutenir les revendications des bûcherons comme moi, qui s’étaient mis en grève et finalement je fus acculé, il y a quelques années à une grève générale où plus de mille ouvriers ne voulaient plus travailler à vil prix comme autrefois. La gendarmerie me traquait continuellement et c’est dans le plus grand embarras que, me voyant complètement débordé, je vins trouver celui qui nous avait représenté au Conseil général et qui passait toujours à Châteauroux pour quelqu’un aimant les ouvriers. Il me répondit qu’il ne pouvait pas s’occuper de choses aussi délicates. Il me congédia sans vouloir s’occuper de nous. Finalement nous avons réussi à faire accepter nos revendications par les marchands de bois ... Nous n’étions pas syndiqués à cette époque, c’est notre camarade Augras qui a organisé notre syndicat ». Dorance faisait ici référence à la grève des bûcherons de Niherne et de Saint-Maur du 5 au 22 mai 1891. Les « plus de mille bûcherons » dont parlait Dorance renvoyait au fait que ce mouvement de grève concernait aussi Le Cher et La Nièvre.
Lors d’un procès à l’issue duquel il fut condamné à une peine de prison, François Dorance avait été défendu par l’Avocat Sautumier, élu député de Boulogne-Neuilly (département de la Seine) en mars 1896 : « c’est du fond du cœur que nous nous réjouissons du succès de celui qui s’est toujours montré le vaillant défenseur des déshérités et qui dernièrement lors des incidents de la grève des bûcherons de Niherne est venu prêter, au citoyen Dorance, l’appui de sa chaude l’éloquence ». (Le Progrès de l’Indre, 12 mars 1896).
En 1897, plus aucun membre de la famille Dorance n’apparaissait dans le bureau du syndicat des ouvriers de Niherne (Louis Dorance-Blin était décédé en 1896). Le syndicat poursuivit son activité, adhéra à la CGT et contribua à la victoire des républicains lors des élections municipales de mai 1900. Jean Gautrat et Auguste Delage furent les principaux militants de cette nouvelle phase de l’histoire sociale, syndicale et politique à Niherne.
SOURCES : Arch. Dép. Indre. – Etat annuel des grèves, 1891 et 1895. – Le Progrès Social, 1896. – Etat civil et recensement.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article196058, notice DORANCE (famille) par Jean-Luc Labbé, version mise en ligne le 13 octobre 2017, dernière modification le 13 octobre 2017.

Par Jean-Luc Labbé

SOURCES : Arch. Dép. Indre. – Etat annuel des grèves, 1891 et 1895. – Le Progrès Social, 1896. – Etat civil et recensement.

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