BACICURINSCHI Aron. Pseudonyme : François.

Par Daniel Grason

Né le 22 mars 1908 à Tiraspol (Roumanie, Moldavie), mort en 1943 à Auschwitz (Pologne) ; médecin ; communiste ; militant de la Main-d’œuvre Immigrée (MOI) ; membre du triangle de direction du groupe roumain.

Aron Bacicurinschi.
Aron Bacicurinschi.

Fils de Wolf et de Sophie, née Magazinière, roumaine, Aron Bacicurinschi vint en France où il suivit des cours à la faculté de médecine de Montpellier, puis à Paris. Il fut diplômé docteur en médecine en 1936. Il fit une demande de naturalisation qui resta sans réponse. Il était marié à Liuba, née Soche, couturière, le couple vivait 6, rue Lebel à Vincennes (Seine, Val-de-Marne). Aron Bacicurinschi obtint une carte d’identité d’étranger, valable jusqu’au 3 mars 1944.

Membre du triangle de direction du groupe de langue roumaine, à la déclaration de guerre en septembre 1939, Aron Bacicurinschi s’engagea dans l’armée française, il y resta en tant qu’infirmier au grade de 2e classe jusqu’à la fin des hostilités. Il fut démobilisé à la fin août 1940 par le centre de Caussade (Tarn-et-Garonne). Il reçut du Ministre d’État à la Santé publique l’autorisation d’exercer la médecine de novembre 1940 à mars 1942, il exerça sa profession à l’Hôpital Broca et à celui des Enfants malades afin de se perfectionner. Le gouvernement de Vichy, promulgua le 3 octobre 1940, un statut des juifs, qu’il aggrava le 2 juin 1941. Une ordonnance allemande du 29 mai 1942 était rendue publique le 1er juin, à compter du dimanche 7 juin 1942 le port de l’étoile jaune était rendue obligatoire. Aron Bacicurinschi redoubla de précautions. Avec sa femme, il utilisa à l’insu de Louis Salvetat son logement au 41, rue Broca à Paris (XIIIe arr.). Ami de la famille, Salvetat avait donné son accord pour que le couple entreposa des objets personnels, mais pas pour qu’il y séjourna.

Le 2 juillet 1943 vers 20 heures, deux inspecteurs de la BS2 en surveillance l’interpellèrent au domicile de sa sœur Liuba Bacicurinschi 28, rue du Marché à Vincennes (Seine, Val-de-Marne). Emmené dans les locaux des Brigades spéciales à la Préfecture de police, il fut fouillé. Il portait sur lui une carte d’identité française au nom de Jean Martak demeurant 44, rue des Laitières à Vincennes. Toutes les autres pièces saisies portaient le nom de Martak : deux cartes de travail de la société SADIR et quatre bulletins de salaires, un certificat de démobilisation de Marseille (Bouches-du-Rhône), une carte d’alimentation de la commune de Vincennes, un coupon d’achat pour une paire de chaussures, une feuille de tickets de viande portant le cachet de la mairie de Vincennes, un certificat de l’Hôtel Dieu, trois cartes d’inscription chez des commerçants, dont une à son nom domicilié 6, rue Lebel. Enfin, un ticket de métro annoté, un récépissé de mandat, deux agendas annotés et dix feuilles de papier manuscrites, il avait été porté disparu au service des Juifs depuis le 29 mars 1942. D’autres documents ont été saisis au domicile de Louis Salvetat rue Broca, émanant d’amis et de membres de la famille réfugiés en province.

Aron Bacicurinschi était inconnu des services de police. Il affirma : « Je ne me suis jamais occupé de politique et n’ai jamais été adhérent au Parti communiste ou à une organisation s’y rattachant. Ma femme, observe la même attitude que moi en matière politique. » Il formula une opinion similaire concernant sa sœur Liuba : « Je ne pense pas qu’elle s’occupe de politique militante. » Il précisa qu’il allait rarement voir sa sœur à Vincennes, « J’étais connu des policiers de la localité, et ne portant pas l’étoile « Juif » je risquais à tout moment de me faire arrêter, ma sœur ne venait jamais chez nous. » Il l’a voyait parfois dans un restaurant près des Buttes-Chaumont où sa femme prenait ses repas. Les policiers lui demandèrent s’il avait connu Pop l’ami de sa sœur, ce dernier était mort depuis le 10 mars 1943 par éclatement de sa grenade. Aron Bacicurinschi se souvenait l’avoir rencontré en octobre ou novembre 1942.

Il se procura, affirma-t-il, les fausses pièces d’identités au nom de « Jean Martak » contre une forte somme d’argent auprès de « Madeleine ». D’autres fausses pièces avaient été achetées à un inconnu au café « Chez Capoulade » boulevard Saint-Michel. Un document intriguait les policiers, il était question de la « direction du M.O.I. ». Il répondit que ce document appartenait à sa sœur Liuba « je ne sais pas du tout ce que signifie les initiales M.O.I. C’est vous qui m’apprenez qu’il s’agit d’une organisation communiste. » La ligne de défense d’Aron Bacicurinschi ne trompa pas les policiers de la BS2 qui le frappèrent, le torturèrent en vain…

Interné au camp de Drancy sous le matricule 4621, il participa dès le 22 septembre 1943 en compagnie de Ydel Korman, Alfred Besserman, Leiser Gelrud, Samuel Schpiro et d’autres au creusement d’un tunnel en vue de s’évader. L’appui logistique extérieur très conséquent de groupes FTP-MOI et FTP était impossible à mettre en œuvre.

Le 7 octobre 1943 Aron Bacicurinschi était dans le convoi n° 60 d’un millier de déportés à destination d’Auschwitz (Pologne). Dès l’arrivée, quatre cent quatre-vingt-onze déportés hommes et femmes furent gazés, puis trois cent quarante hommes et cent soixante-neuf femmes furent sélectionnés, puis gazés. Le 27 janvier 1945 les troupes soviétiques libéraient le camp, trente-et-un déportés étaient vivants dont deux femmes.

Le nom de Aron Bacicurinschi a été gravé sur le mur des noms au Mémorial de la Shoah rue Geoffroy-l’Asnier à Paris (IVe arr.).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article196146, notice BACICURINSCHI Aron. Pseudonyme : François. par Daniel Grason, version mise en ligne le 13 octobre 2017, dernière modification le 22 novembre 2022.

Par Daniel Grason

Aron Bacicurinschi.
Aron Bacicurinschi.

SOURCES : Arch. PPo. BA 2298, GB 130, carton 14 rapport hebdomadaire des Renseignements généraux du 12 juillet 1943, GB 190 (photo). — David Diamant, Combattants, héros & martyrs de la Résistance, Éd. Renouveau, 1984, et Par-delà les barbelés, Édité chez l’auteur, 1986. — Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger. Les immigrés de la MOI dans le Résistance, Fayard 1989. — Boris Holban, Testament. Après 45 ans de silence, le chef militaire des FTP-MOI de Paris parle…, Calmann-Lévy, 1989. — Dominique Rémy, Les lois de Vichy, Éd. Romillat, 1992. — Site internet CDJC.

PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 190 cliché du 5 juillet 1943.

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