DERRIEN Paul, François, Marie

Par Jean-Louis Ponnavoy

Né le 5 février 1893 à Plouaret (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), exécuté sommairement à Caen (Calvados) le 6 juin 1944 ; docteur en médecine ; résistant du réseau Hector, de l’OCM et de l’ORA.

Le docteur Paul Derrien était le fils de Joseph Marie, âgé de 27 ans, marin et de Marie Françoise Omnès, âgée de 31 ans, couturière. Il se maria le 26 juillet 1920 à Plougonver (Côte-du-Nord) avec Jeanne Yvonne Marie Coantien, dont il était veuf et eut deux enfants.
Il était ancien combattant de 1914/1918, appartenant au Service de santé. Docteur en médecine, diplômé de la faculté de médecine de Paris, il s’installa après la guerre comme médecin, à Argences (Calvados).
En septembre 1939, il fut mobilisé comme médecin major. Après l’appel du général de Gaulle, il devint gaulliste et ne cachait pas ses sentiments antiallemands et son opposition au régime du maréchal Pétain, allant jusqu’à arborer une croix de Lorraine sur son veston. Son épouse étant décédée, il s’installa avec son assistante Andréa Vayssier, qui devint sa compagne.
Dès la fin de l’année 1940, il entra dans la Résistance avec sa compagne, comme membre du réseau "Hector" qui fut démantelé en 1941, puis de "Ceux de la Résistance", intégré dans l’OCM (Organisation civile et militaire), et enfin comme cadre de l’ORA (Organisation de Résistance de l’armée), dont il implanta les structures destinées à préparer l’insurrection et le soutien aux Alliés en surveillant les dispositifs et transports ennemis, en hébergeant des réfractaires du S.T.O. et des évadés. La Résistance sabota par deux fois la voie ferrée à Airan (Calvados) dans les nuits des 15-16 avril et 30 avril-1er mai, provoquant le déraillement de trains de permissionnaires allemands qui firent 40 morts et une cinquantaine de blessés. Le Docteur Derrien soigna les soldats blessés mais fut quand même soupçonné d’avoir organisé l’accident. On ne sait toujours pas aujourd’hui s’il avait connaissance du sabotage et s’il y avait participé. Un de ses protégés ayant sans doute trop parlé à des agents de l’ennemi, le réseau du docteur Derrien fut démantelé par la "bande à Hervé", du nom de son fondateur Raoul Hervé, conglomérat de collaborateurs fanatiques à la solde des nazis et qui semait la terreur dans tout le département du Calvados. Avec sa compagne, il fut arrêté par la Gestapo dans son cabinet médical, à Argences, le 2 février 1944 et interné à la maison d’arrêt de Caen.
Par la suite sa maison, appelée la Villa des "Trois Platanes", devint le siège de la Gestapo repliée de Caen et de nombreux résistants y furent martyrisés. Elle fut dynamitée par les allemands avant leur départ, à la fin du mois juillet 1944 pour ne pas laisser de traces. À l’emplacement de sa maison, un square a été implanté et un monument portant son buste et son nom y a été érigé (voir ci-après).
Le jour du débarquement en Normandie le 6 juin 1944 et suite au bombardement de la gare de Caen, le chef du SD de Caen, Harald Heynz décida d’éliminer la plupart des prisonniers afin qu’ils ne soient pas libérés par les troupes alliées. Le docteur Derrien fut sorti de sa cellule et conduit ainsi que 86 autres résistants dans une courette du chemin de ronde de la prison où il fut abattu d’une rafale dans la nuque. Les corps des victimes furent inhumés provisoirement dans une cour de la prison. Dès le lendemain 7 juin, les britanniques donnaient le premier assaut à la ville. Le 30 juin devant l’imminence de la prise de la ville, les allemands exhumèrent les corps pour les faire disparaître sans laisser de traces. Ceux-ci furent transportés en camion en un autre lieu à l’ouest de la ville, probablement dans des carrières de calcaire. Selon certains témoignages, ils auraient pu être emmenés près de Rouen, dans la forêt de La Londe, à l’entrée de laquelle une stèle "À la mémoire des victimes du nazisme dans la forêt de La Londe 1940-1944" a été érigée et incinérés dans une carrière en contrebas. Les corps n’ont donc pas été retrouvés pour être identifiés. Des bûcherons ont vu à cet endroit des camions et des soldats allemands, ainsi qu’une épaisse fumée. En même temps, il y avait une odeur de corps qui brûlent. Cela dura deux jours. S’agissait-il des fusillés de Caen ? Le mystère demeure.
Le docteur Derrien avait obtenu la croix de chevalier de la Légion d’honneur par décret du 25 décembre 1929. Il obtint également la Médaille militaire, la Croix de guerre, avec palme, étoile d’argent, étoile de bronze, étoile de vermeil et la Médaille de la Résistance, à titre posthume.
Son nom figure sur les monuments aux morts, à Argences (Calvados) et à Plouaret (Côtes-d’Armor), sur le monument commémoratif des fusillés du 6 juin 1944, à Caen (Calvados), sur la plaque commémorative, située à l’intérieur de l’église, à Argences, et sur la plaque commémorative 1939-1945 de la faculté Paris-Descartes, à Paris (VIe arr.)
Sur la maison 34 rue Maréchal Joffre, à Argences (Calvados) est apposée une plaque avec l’inscription suivante : "Ici fut arrêté par la Gestapo le 02/06/1944 le Docteur Paul Derrien, martyr de la Résistance, fusillé le 06/06/1944 à la Prison de Caen." Un monument surmonté de son buste a été érigé dans le square attenant qui porte son nom. Son nom a été donné également à l’école élémentaire d’Argences.
Une plaque apposée sur le mur d’entrée de la prison de Caen porte l’inscription suivante : « À la mémoire des prisonniers fusillés par les allemands le 6 juin 1944. L’oppresseur en les tuant a cru les faire mourir, il les a immortalisés ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article196159, notice DERRIEN Paul, François, Marie par Jean-Louis Ponnavoy, version mise en ligne le 15 octobre 2017, dernière modification le 24 juillet 2018.

Par Jean-Louis Ponnavoy

SOURCES : SOURCE : Centre de recherche d’histoire quantitative de l’Université de Caen, Quellien J. [dir.], Livre mémorial des victimes du nazisme dans le Calvados, Caen, Conseil Général du Calvados, 2004. — Site en ligne Le forum du débarquement et de la bataille de NormandieUn hommage au Docteur Derrien, membre de la Résistance dans Ouest-France du 19 août 2014 (publié sur internet).— Site Mémoires de guerre, La bande à Hervé.— Mairie d’Argences Patrimoine.— Wikipédia Airan, chapitre 3 Histoire.— Mémorial GenWeb.— État civil.

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