PEYRAUD Marcel, Jean Marie, François

Par Jean-Luc Souchet

Né le 31 janvier 1921 à Soissons (Aisne), mort le 7 septembre 2016 à Nantes (Loire-Atlantique) ; comptable, directeur de sociétés ; militant JOC ; syndicaliste CFTC puis CFDT, secrétaire à l’UL de Nantes (1945-1948), membre du bureau de l’UD de Loire-Atlantique (1958-1967), membre du conseil d’administration de la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) de Nantes (1950-1955), président de la Caisse régionale d’assurance-maladie (CRAM) des Pays de la Loire (1955-1967), administrateur puis secrétaire général adjoint de la Fédération nationale des œuvres de Sécurité sociale (FNOSS) de 1951 à 1967, vice-président du Conseil supérieur de la Sécurité sociale (CSSS) de 1963 à 1967 ; mutualiste, président de l’Union mutualiste de Loire-Atlantique (1976-2002).

Marcel Peyraud en 1965.

Son père, François Peyraud, limousin de la Haute-Vienne, sans jamais avoir appris ni à lire ni à écrire, devint ouvrier, chef d’équipe puis chef de chantier dans des entreprises de travaux publics. Sa profession amena la famille Peyraud à effectuer de nombreux déménagements dans toute la France. Sa mère, Marie Antoinette Peyraud née Joulot, à Ussel (Corrèze) rencontra François Peyraud, réformé pour des problèmes d’yeux et cantonné au camp militaire de La Courtine (Creuse). En 1914, ils se marièrent à l’église de la Courtine et eurent trois garçons, Jean (1918), Marcel (1921) et René (1922).

Marcel Peyraud fut scolarisé à l’école publique de Douai en 1930, puis à l’école publique Paul-Bert de Malakoff en 1932 où il obtint le certificat d’études primaires. Il fréquenta ensuite le cours complémentaire Jean-Jaurès où, poussé par ses instituteurs, il passa des concours pour entrer dans des écoles parisiennes. Il fut reçu à celui de l’École primaire supérieure Lavoisier, à Paris. Après une bonne première année, les dynamiques militantes du Front populaire détournèrent le jeune étudiant de ces formations. L’influence de son père, bien que sans engagement militant officiel, fut déterminante. Ils fréquentèrent ensemble, les manifestations qui marquèrent à Paris la montée du Front populaire. Les nombreuses réunions, animées par la municipalité communiste de Malakoff où la famille Peyraud résidait à cette époque, forgèrent son sens militant.

Le 2 novembre 1936, il entra dans son premier emploi comme « mousse » dans un chantier de travaux publics, près de Dijon. Son père et son frère y travaillaient déjà. En septembre 1938, ils furent licenciés tous les trois et revinrent à Malakoff. Ce fut alors le chômage et la quête des petits boulots et de la subsistance quotidienne. En novembre 1939, son père partit travailler à Nantes. Marcel Peyraud, pour sa part, retourna à Paris où il fréquenta deux fois par semaine, durant des mois, un bureau de placement. Il fut embauché à Boulogne-Billancourt, dans une chaudronnerie industrielle d’aviation comme aide-comptable. Durant cette période d’emploi, la guerre ébranla le pays. Il dut quitter ce travail pour partir au STO en Allemagne, dans la région de Thuringe. Il y séjournera du 10 mars 1943 au mois de mai 1945 et y rencontra des militants de la JOC. Il s’affilia clandestinement à leur réseau qui déploya une activité militante dans laquelle beaucoup d’entre eux laissèrent leur vie. Bravant l’absolutisme nazi, ces jocistes se réunissaient pour des assemblées secrètes de prière, d’échanges, de solidarité : une forme de résistance pacifique, violemment réprimée, pour affirmer leur imprescriptible liberté. Cette rencontre avec le christianisme social fut une rupture pour le jeune militant agnostique de Malakoff. Elle marqua profondément et irrémédiablement sa vie.

Lorsqu’il revint à Nantes où ses parents s’étaient réfugiés, il retrouva quelques survivants du réseau jociste de Thuringe. En quête d’un travail, il fut alors contacté par Gilbert Declercq et engagé, en juillet 1945, par l’Union locale CFTC de Nantes comme secrétaire permanent. Jeune militant sans expérience mais porteur d’un fol espoir de transformation de la société, il dut faire face, non seulement au conservatisme de militants de la CFTC, à l’ostracisme de leaders charismatiques et historiques de la CGT, mais aussi à la violente hostilité des employeurs dans les zones rurales du Sud-Loire dont il était chargé. Convaincu très tôt de l’importance majeure de la Sécurité sociale, il s’attacha notamment à convaincre, en vain, les militants nantais de la CFTC de désigner des représentants au conseil d’administration provisoire de cette nouvelle institution, dans l’attente des élections générales prévues en 1950, comme les militants nazairiens l’avaient fait.

Il quitta ses fonctions de permanent à l’UL-CFTC en février 1948 et fut alors engagé à la quincaillerie Cheval à Nantes. Il prépara un diplôme de comptabilité par correspondance avec un stage chez un expert-comptable. Le 1er janvier 1951, il fut embauché comme comptable par le Crédit immobilier familial (CIF), organisme de logement social animé par des militants proches de la CFTC. Il en devint successivement directeur adjoint, directeur associé et directeur général en 1960 au départ d’Alphonse Beillevaire qui l’avait recruté. Il occupa cette fonction jusqu’au 24 décembre 1982, date de son départ en retraite. Il en devint alors un administrateur influent. Il laissera un groupe important, qu’il avait dirigé avec le souci de préserver les objectifs politiques qui avaient présidé à sa création : rendre l’accès au logement possible pour tous. Il occupa ensuite au plan national, durant plusieurs années, des fonctions d’administrateur à la Fédération nationale des crédits immobiliers et à la Société nationale de caution mutuelle.

Après son départ de l’UL, il continua à militer à la CFTC-CFDT. Il devint membre du bureau et trésorier de l’UD de la Loire-Atlantique de 1958 à 1967. Il concentra désormais son engagement militant sur la Sécurité sociale et fut élu en 1950 à la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) de Nantes sur la liste CFTC. De 1953 à 1983, il siégea comme administrateur pour la Sécurité sociale au CHU de Nantes. Après les élections de 1955 où il fut élu sur une liste CFTC, il devint à trente-cinq ans le président de la Caisse régionale d’assurance-maladie (CRAM), il fut alors le plus jeune président de caisse régionale de France. Il assura ce mandat de 1955 à 1967. Il mena de front ces responsabilités régionales avec des mandats nationaux à la FNOSS, qui disparut avec les ordonnances Jeanneney de 1967, et au CSSS qui fut transformé en commission par Robert Boulin en 1970.

Son action en matière de Sécurité sociale, Marcel Peyraud l’associa toujours à son mandat syndical. Construire l’outil Sécurité sociale, négocier des conventions avec les médecins et les cliniques, faciliter l’installation et le renouvellement des équipements sanitaires, assurer une gestion autonome et utile des fonds d’aide sociale laissés à la gestion des caisses furent l’effort constant de son action durant vingt-trois années. Elle le mena souvent à des combats difficiles. Il s’opposa avec détermination, aux dérives de la Sécurité sociale, poussées par les reprises en main autoritaires du CNPF avec son rapport de juin 1965 qui conduisit aux ordonnances Jeanneney de 1967. Celles-ci instituaient la gestion paritaire des caisses dans lesquelles les administrateurs salariés avaient jusqu’alors la majorité. Après ces ordonnances, il entama jusqu’aux élections de 1983, auxquelles il ne prit pas part, opposant une résistance opiniâtre à ces mises en cause de la démocratie sociale. Le 29 mai 1968, il reprit symboliquement, à l’appel des UD-CFDT et CGT, la présidence de la caisse de Nantes à la majorité patronale qui s’en était emparée en 1967.

Après les événements de 1968 où il joua un rôle important en tant que dirigeant CFDT, Marcel Peyraud, décida de chercher dans la Mutualité une organisation gérée par les intéressés eux-mêmes, pour initier des réponses pertinentes aux besoins et pour inciter la Sécurité sociale à les généraliser pour l’ensemble des assurés. Pour atteindre cet objectif, il joua un rôle déterminant pour réaliser l’unité mutualiste en Loire-Atlantique où le mouvement était divisé dans de multiples mutuelles fédérées respectivement par la mutualité traditionnelle et par la mutualité issue des syndicats chrétiens. Ce fut chose faite en 1976. Il devint alors le premier président de l’Union mutualiste de Loire-Atlantique qui regroupait alors plus de six cent mille adhérents. Il fut un président visionnaire, promoteur du développement d’établissements mutualistes sanitaires et sociaux de toutes sortes dans le département : cliniques, centres dentaires, centres d’optique, pharmacies, établissements pour personnes âgées… Il s’agissait désormais pour lui d’œuvrer à faire de l’organisation mutualiste, un acteur de santé incontournable, témoin et pilote pour la qualité des soins et des services, pour l’innovation, pour la maîtrise des coûts.

Au niveau national, il devint un administrateur écouté de la Fédération nationale de la mutualité française et, à ce titre, un membre important du Comité économique et social. Ses interventions et ses propositions, pour faire de la mutualité l’outil de développement universel d’une sécurité sociale pour tous, furent écoutées et attendues. Sa conception de la mutualité ne pouvait reposer sur autre chose que le service des intérêts des mutualistes. Il poursuivit ces engagements jusqu’en 2002. Il abandonna tous ses mandats en 2008, non sans avoir contribué à poser les bases d’Harmonie mutuelle, et transmis les relais nécessaires pour que cette puissante mutuelle nationale, poursuive l’action qu’il avait initiée.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article196299, notice PEYRAUD Marcel, Jean Marie, François par Jean-Luc Souchet, version mise en ligne le 20 octobre 2017, dernière modification le 29 octobre 2020.

Par Jean-Luc Souchet

Marcel Peyraud en 1965.

SOURCES : Fonds d’archives UD-CFDT de Loire-Atlantique déposées au Centre d’histoire du travail de Nantes. – Collectif, Un printemps sur l’estuaire. Saint-Nazaire, La CFDT au cœur des luttes, Éditions du Centre d’histoire du travail, 2005. – Frank Georgi, L’invention de la CFDT 1957-1970, L’Atelier/CNRS, 1995. – Jean-Luc Souchet et Denis Roux, La Mutualité en Loire-Atlantique, dix générations de traditions et d’innovations solidaires, Mutuelles Atlantique 1996. – Jean-Luc Souchet et Denis Roux, La génération Harmonie Atlantique. Construire un avenir solidaire, Harmonie Mutualité, 1996-2008. – Jean-Luc Souchet, document dactylographié La protection sociale en Loire-Inférieure, Loire-Atlantique : notes à partir d’archives conservées au Centre régional d’archives historiques (Crah) du Mans et des registres de comptes rendus du CA de la CPAM de Nantes (1944-2000), en ligne. – Jean-Luc Souchet, entretiens avec Marcel Peyraud le 5 octobre 2001 et premier semestre 2016. – Paul Beschet, Mission en Thuringe, Les Éditions ouvrières, 1989 (réédition). – Jean-Luc Souchet, Rue d’Bel Air. Le CIF Crédit immobilier familial de Nantes 1929-1999, le CIF, 1999. – Rapport CNPF, La Sécurité sociale et son avenir. Pour une politique adaptée à l’expansion économique et au progrès social, Imp. Georges Lang, Paris, 3e trimestre 1965.

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