BAC Jean [Pseudonyme dans la Résistance : Lenoir]

Par Eric Panthou

Né 19 février 1914 à Issoire (Puy-de-Dôme), mort le 28 janvier 2011 à Chamalières (Puy-de-Dôme) ; militaire de carrière puis agent d’assurances ; militant du PCF ; résistant, responsable des Francs-Tireurs et Partisans (FTP) dans le Puy-de-Dôme, condamné pour fait de résistance ; président d’honneur de l’ANACR et président de la FNDIRP du Puy-de-Dôme.

Fils de Marguerite, Jean Bac est né à Issoire (Puy-de-Dôme) le 19 février 1914. Il ne connut pas son père, tué la même année à la guerre. Orphelin de mère peu de temps après, il fut élevé par une famille nourricière de paysans à Saint-Angel, dans les Combrailles (Puy-de-Dôme). Il alla à l’école et en même temps fut garçon de vaches.

Il s’engage tôt à l’armée, sans doute vers 16 ans. Il fit son service militaire en Algérie et fut intégré au corps des Spahis, accédant au grade de lieutenant.
En 1937, il fut embauché chez Michelin comme ouvrier vérificateur.
Il se maria le 23 octobre 1937 à Clermont-Ferrand avec Armande, Rolande Rougerie. Ils eurent une fille.

Il entra au Parti communiste avant la déclaration de guerre de 1939 mais à une date que nous ignorons.
Il dit s’être engagé dans la Résistance au soir du 25 août 1940, après sa démobilisation, alors qu’il était à Clermont-Ferrand avec son ami Rémy Jamet : "Nous nous baladions, sans rien nous dire. La place de Jaude était envahie d’Allemands. Je me souviens avoir lu la plaque sous la statue de Vercingétorix : J’ai pris les armes pour la liberté de tous." Quand je me suis retourné j’ai vu que Rémy avait des larmes aux yeux. Le soir même nous imprimions notre premier tract." Il forma ainsi l’un des premiers noyaux de la résistance locale avec deux autres jeunes camarades communistes : Charles Beaulaton et Rémy Jamet. Leur première tâche est d’imprimer des tracts clandestins dans une cabane sur les hauteurs de la ville. Cette cabane fut également utilisée par d’autres jeunes militants communistes, isolés les uns des autres : Roger Champrobert, Louis Cuoq.
Ces tracts appelaient la population à s’organiser contre l’occupant et le gouvernement de Pétain. Le 1er tract fut distribué à 1000 exemplaires la dernière semaine de septembre 1940. Jean Bac considérait que la réalisation et la distribution de ces tracts restait parmi les opérations clandestines les moins spectaculaires et celles demandant pourtant le plus de sang froid pour éviter de se faire arrêter. Il glissait les tracts dans les placards, sans se faire voir. Un jour, un ouvrier lui passe un tract dans la main, avec un sourire entendu. Il s’agissait d’un tract que Jean Bac venait de lui glisser dans son armoire. Il rappela cette anecdote pour montrer que les contacts se faisaient d’instinct, en relayant les tracts auprès de ceux dont on avait confiance.
Il ajoute que leurs moyens de leur permettaient pas d’aller vite et qu’il leur fallait une quinzaine de jours pour éditer mille tracts. Il affirme qu’il dut fuir devant la police le 13 septembre 1940 et abandonner des armes et munitions récupérées auprès de soldats français. D’autres armes furent récupérées fin octobre avec l’espoir de s’en servir un jour. En octobre, son camarade Hénot, ancien délégué CGT chez Michelin et à la direction clandestine du Parti, lui remit un paquet de cent journaux. C’était L’Humanité avec à l’intérieur l’appel du 10 juillet de Maurice Thorez et Jacques Duclos, qui venait d’arriver à Clermont-Ferrand. Un second tirage du premier tract fut décidé, ce qui déchaîna les interventions de la police.
Dans une attestation délivrée pour Jean Bac en 1952, Raymond Pasciuto affirme qu’il est un ancien responsable de de la “première résistance dans les Chemins de Fer du Puy-de-Dôme”, membre du Mouvement des Ardents dès 1940.
Il déclare que Jean Bac était sous ses ordres et qu’il amenait à ce dernier des prisonniers de guerre évadés ayant passé la Ligne de Démarcation. Raymond Pasciuto transporta en 1940 des armes et des munitions avec Jean Bac, “en vue de coups de mains éventuels contre l’ennemi”. Les armes furent notamment cachées par Pierre Lacour en octobre 1940.

Les arrestations se multiplient alors dans les milieux communistes. A la suite d’une perquisition et après avoir été arrêté et frappé, l’un de ses camarades le désigne à la police comme distributeurs de tracts. Jean Bac est arrêté immédiatement, ce 25 novembre 1940, avec deux autres camarades. Après avoir lui aussi été frappé, il est incarcéré pendant 150 jours à la maison d’arrêt de Clermont-Ferrand dans des conditions d’hygiène infâmes, souffrant par dessus tout de malnutrition. Le 2 mai 1941 il comparaît devant le Tribunal militaire permanent de la 13ème Région et est condamné à 4 ans de prison. Après-guerre, les faits étant prescrits, l’Administration judiciaire ne fournit pas copie du jugement, se contentant de dire que Jean Bac a été condamné pour avoir distribué L’Humanité où il était écrit notamment que le gouvernement soviétique "n’avait pas à entrer en guerre pour faire tuer des travailleurs soviétiques pour leurs pires ennemis, à savoir les impérialistes anglais (archives justice militaire, 3 décembre 1956).
Il est défendu par Charles Rauzier, alors jeune avocat clermontois qui devint bientôt le principal chef du Mouvement les Ardents dans le département. Jean Bac affirme qu’environ cent quatre-vingt patriotes avaient déjà été arrêtés à cette date dans le département.
L’attestation fournie par le Commissaire de l’époque, Robert Bellon, en faveur de Jean Bac, indique qu’il avait été arrêté "pour activité anti-nationale", "suspecté d’activités multiples, hostiles aux entreprises du Gouvernement de Vichy, et notamment d’apporter une participation clandestine à des camouflages de matériel de guerre et de prisonniers de guerre évadés.
Le 22 juin 1941, il est transféré à la Centrale de Riom. Le régime y est très dur et de plus, la cohabitation avec les bagnards "relégués était difficile. Durant cette incarcération, selon les propos du Docteur Tabourin, parrain de Jean Bac lors de sa remise de la Légion d’Honneur, il aurait refusé de travailler pour les Allemands. Sur une note manuscrite relevant les souvenirs de Georges Daigneau, qui lui aussi fut interné ici, il semblerait que Jean Bac ait été alors mis à "l’index" et qu’une délégation de détenus fut organisée en sa faveur. On n’en sait pas davantage. Il retrouva là ses camarades Charles Beaulaton, Marcel Brun et Raymond Pasciuto. L’un de ses camarades de l’époque avoua après-guerre, dans le cadre de la demande du statut d’interné-résistant pour Jean Bac, qu’il avait été amené sous la torture à avouer que les tracts trouvés chez lui avaient été établis par Jean Bac au titre du Front national. Ce sont ces aveux qui conduisirent à l’arrestation de Jean Bac.

Il est libéré le 2 août 1943 par une grâce médicale. Il soufrait alors d’un énorme goitre qui faisait dire aux médecins qu’il était condamné et c’est la raison pour laquelle il fut libéré plus tard. La santé de Jean Bac fut profondément marquée par cette période de détention. Cela lui a imposé un régime alimentaire strict tout au long de sa vie ainsi que des cures thermales. Beaucoup de ses compagnons de cellules périrent dans cette prison aux conditions de vie extrêmement dures. Ceci le marqua si fortement que sa première pensée une fois sortie et après s’être rétabli, fut de préparer l’évasion des camarades restés enfermés.

Selon le témoignage recueilli par Roger Champrobert auprès de Guy Périlhou, responsable du PCF de 1937 à 1939, ce sont des personnes de chez Michelin ou Bergougnan qui seraient intervenues en faveur de la libération de Jean Bac. Mais rien n’atteste d’un quelconque lien entre ce dernier et les dirigeants d’une de ces firmes. Le souvenir de ces 32 mois de détention fut l’objet de son premier ouvrage, paru en 1972.

Nommé recruteur régional des Francs Tireurs et Partisans Français, Jean Bac organisa militairement des maquis dans le Puy-de-Dôme et le Cantal, sous le grade et le pseudonyme de commandant Lenoir. Avec les hommes du maquis FTP de Chambonnet (Puy-de-Dôme), il mène plusieurs opérations dont le sabotage de la centrale électrique du Puy-de-Dôme. Avec ses hommes, il s’est toujours attaché à méticuleusement préparer chaque opération de façon en premier lieu à éviter autant que possible les blessés et les morts.
Le 12 mai 1944, il est à l’origine du dégagement d’une situation désespérée de 150 Résistants encerclés à Mandailles dans le Cantal.
Le 15 juin 1944, il prépare et conduit l’attaque de la centrale électrique d’Enval, gardée par une centaine de GMR et procède ainsi à la récupération d’une grande quantité d’armes, de munitions et de matériel.
Le 15 juillet 1944, c’est l’expédition d’Aigueperse où Miliciens et GMR ont des victimes et où Jean bac ramène tous ses hommes dont deux grièvement blessés.
Mais Jean Bac est resté dans la mémoire de la Résistance comme celui qui a organisé la spectaculaire évasion de 114 patriotes, dont 30 condamnés à mort, de la prison de Riom, le 13 août 1944. Cette opération fut préparée dans la précipitation. Philippe, Henri Saby-Viricel, responsable du Front national, vient à Saint-Georges de Mons (Puy-de-Dôme) dans l’arrière boutique d’Yvonne Bourdarot, rencontrer Jean Bac et Archimbaud, commissaire aux opérations de la 1103 éme compagnie FTP, le 9 août 1944 en fin de journée. Il vient à la place du responsable du service B, service de renseignement, bloqué dans une quartier de la gare de Clermont-Ferrand, par les SS et la Milice. C’est lui qui informe Bac que le 13 août les Allemands devaient s’emparer de 114 patriotes dont 30 condamnés à mort, détenus à la prison de Riom. Philippe déclare donc que les FTP doivent essayer de sauver ces prisonniers. Il fournit les plans de la prison et quelques renseignements concernant sa surveillance. Bac lui donne immédiatement son accord pour organiser l’opération et Philippe peut repartir en vélo à Clermont en informer la direction régionale. Dès le soir même, Bac arrête avec Archimbaud les premiers détails de l’opération qui doit intervenir à partir du 13 août à 2 heures du matin. Il part dès le lendemain superviser les lieux et rassembler des éléments sur les heures de relève des gardes, fournis par le service de renseignements. Il comprend tout de suite que rien ne peut être tenté par la force et qu’il faut intervenir avant l’arrivée des Allemands à 5h30 du matin. Il décide alors qu’une partie du commando porterait un uniforme allemand tandis que lui serait en civil.
Jean Bac connaissait l’état d’esprit des prisonniers et savait que pour gagner leur confiance il fallait qu’un membre du commando, en l’occurrence le fils d’une femme arrêtée, puisse avoir la confiance absolue d’un de ces prisonniers. Les hommes manquant d’armes, on sollicita l’aide du Corps francs de Pognat (Puy-de-Dôme). Ceux-ci refusèrent de prêter des armes mais acceptèrent de fournir des hommes pour l’opération mais refusèrent les plans proposés par les FTP, décidant seuls de la position de leurs hommes. Au total, 77 FTP furent utilisés. Jean Bac fut celui qui pénétra le premier dans la prison, aux côtés de 3 FTP déguisés avec des uniformes allemands. Il se fit passer pour un officier de la Gestapo française.
L’opération fut un succès total et personne ne fut blessé, les 114 prisonniers, dont 16 femmes, étant acheminés en camion au camp FTP du Chambonnet. La grande majorité des hommes rejoignirent les FTP.

Après la Libération du pays, il est réintégré dans l’armée au grade de capitaine et nommé à la direction du 1er bureau de l’état-major de la 13éme région Militaire. Il fut admis à l’École militaire de Saint-Maixent et prendra sa retraite comme chef de Bataillon. Il retourna dans ses foyer le 1er décembre 1946 après avoir démissionné de son poste de commandant. Selon son petit-fils, cette démission serait due à son refus de partir servir en Indochine à la fois pour des raisons de santé mais aussi idéologiques. Il ne voulait pas combattre contre un peuple en lutte pour son indépendance. Un doute subsiste sur la date précise à laquelle il quitta l’armée. Une attestation indique un retour à la vie civile le 1er décembre 1946, les souvenirs de son petit-fils penchent plutôt pour l’année 1948, et dans son dossier de demande de la carte d’interné résistant, rédigé en 1950, Jean Bac indique comme profession "officier d’active".

Jean Bac se lance alors professionnellement dans l’immobilier. Il achète et rénove des appartements, en vend certains, en fait profiter à certains amis. Il achète un bar place des Bughes à Clermont-Ferrand et y créé les premières fêtes. Il y installe les parents de son épouse. Lui-même créé avec un associé sa société immobilière à Clermont-Ferrand.

Jean Bac, comme beaucoup d’autres militants communistes, eut beaucoup de mal à faire reconnaître son statut d’interné résistant par les autorités pour la période d’avant juin 1941 et d’entrée en guerre de l’Union soviétique. Il demanda le 8 décembre 1950 l’attribution de la carte d’interné résistant. Il reçut un premier refus du Ministre des Anciens Combattants en date du 26 mars 1952. Ce refus suivait l’avis de la Commission nationale des déportés et Internés Résistant. Jean Bac fit un recours gracieux en date du 20 mai 1952. Le Ministère confirma son refus le 17 juin 1952.
Jean Bac fit alors un premier pourvoi auprès du Conseil d’État le 7 août 1952.
Dans son mémoire en défense, le 28 juillet 1953, le Ministère estime que les attestations assurant que Jean Bac a réalisé des actes de résistance étaient "inopérantes" par rapport à l’attestation fournie par l’Administration pénitentiaire selon laquelle les motifs de l’arrestation étaient liées à des "menées communistes". On estime que les témoignages de Pascuito, Lacour et Mugnier sont trop peu précis pour attester de la relation de cause à effet pour l’arrestation de Jean Bac et les faits reprochés.

Le mémoire en défense du Ministère en date du 12 mars 1954 rappela que le FN fut créé en mai 1941 donc lors que Bac était en prison, que les tracts distribués en raison de leur date ne pouvaient émaner d’organisations reconnues comme appartenant à la Résistance. Le lien de cause à effet entre action se voulant de la résistance et l’internement n’est pas établi clairement. En outre, un document délivré par la Maison d’arrêt de Riom le 20 janvier 1948 indique que Bac a été arrêté pour menées communistes, donc pour motifs politiques et non pour un action résistante.

Dans son mémoire en réponse, enregistré le 7 avril 1955, Jean Bac déclare répondre aux trois exigences permettant l’attribution du titre d’interné résistant et qu’il a fourni suffisamment d’éléments prouvant la réalité de ces actions de résistance ayant conduit à son arrestation. Il ajoute que si le FN n’existait pas au moment de son arrestation, il a fait partie des groupements qui l’ont constitués par la suite.
Le 10 juin 1955 est enregistré le mémoire en réplique du Ministère persiste dans sa position, rappelant la date d’arrestation de Jean Bac, qui prouve qu’il n’a pu agir au titre du FN. Y a t’il eu acte de résistance isolés, reconnus par l’article R 321 et devant être établis par deux attestations ? Le Ministère rejette l’attestation de Mugnier qui dans une seconde attestation indique que les tracts émanaient de groupes qui ont donné naissance ensuite au Front national. En droit, l’intéressé ne peut se prévaloir d’un mouvement qui n’existait pas au moment des faits reprochés.

Le 29 juin 1955, Jean Bac dépose un nouveau mémoire où il évoque la jurisprudence Poirier du Conseil d’Etat (21/01/1955) qui affirme qu’il est impossible de dénier systématiquement à toute activité politique un caractère d’acte de résistance.

Le Tribunal administratif, dans sa décision du 13 juillet 1955 rejette le recours de Jean Bac. Il rappelle que Jean Bac ne peut se prévaloir comme il le fait dans son recours d’avoir appartenu au moment de son arrestation au Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France, organisation reconnue comme de la Résistance. En effet, cette organisation n’existait pas à cette date. Jean Bac agissait alors comme militant du Parti communiste. Le Tribunal estime que le rejet du titre d’interné-résistant par le Ministère des Anciens combattants est mal fondé parce Jean Bac a hébergé, nourri et habillé gratuitement des prisonniers de guerre évadés, qu’il a rédigé, imprimé et distribué des tracts et des journaux clandestins appelant la population à s’unir dans la lutte contre l’Occupant, il a transporté des armes, fourni gratuitement un local en vue de l’organisation de réunions de groupes clandestins en vue d’actions contre l’effort de guerre de l’ennemi, contre les autorités policières placées sous son contrôle, contre les individus collaborant avec lui.
Néanmoins, le Tribunal donne raison au ministère, retenant le document de l’administration carcérale indiquant que l’arrestation de Bac était due à des "menées communistes" comme preuve du caractère politique de son activité ayant entraîné son arrestation.
Le 31 octobre 1955, Jean Bac fait un pourvoi.
Dans son mémoire en réponse, le Ministère des Anciens Combattants, daté du 29 janvier 1957, estime que l’attestation de Marcel Mugnier, liquidateur du FN, n’est pas assez précise, notamment quand il évoque la distribution de tracts "patriotiques" par Jean BaC, sans préciser de quelle formation ils émanaient. Le Ministère rappelle que le PC n’a pas été homologué comme organisation de la Résistance et donc qu’un tract communiste ne peut être considéré comme un acte de résistance.
On reconnaît que les actes isolés réalisés par Jean Bac (hébergement de prisonniers, transports d’armes, etc.) peuvent être reconnus comme actes de résistance mais il n’y a aucune preuve de cause à effet entre ces actes et l’internement. On ajoute que si Jean Bac avait été considéré comme dangereux, il n’aurait pas bénéficié d’une remise de peine de 18 mois. On conclut en disant que les faits ayant conduit à l’internement de Jean Bac ne relèvent pas de la loi du 6 août 1948 fixant le statut des Déportés et Internés Résistants.

Le secrétaire général de la FNDIRP s’inquiète alors du fait que cette décision puisse faire jurisprudence et lui conseilla donc de faire un recours auprès du Conseil d’État. C’est effectivement ce que fit Jean bac, qui eut finalement satisfaction dans le délibéré du 3 mars 1958.
Le Conseil d’Etat réfute l’utilisation du document de l’administration carcérale, lui-même émanant d’un tribunal d’exception.

Il fut reconnu membre de la Résistance intérieure française (RIF) du 25 août 1940 au 2 août 1943, date de sa libération, avec le grade de lieutenant. Il a servi dans les FFI du 2 août 1943 au 28 août 1944.

C’est surtout après qu’il ait pu faire valoir ses droits d’anciens prisonniers et résistants que Jean Bac consacra la fin de sa vie à défendre les droits des anciens résistants et s’est préoccupé de préserver la mémoire de la Résistance . Cela s’est traduit par son investissement dans les associations de Résistants.
Il fit partie de ceux qui sous la présidence de Giscard d’Estaing permirent de faire avancer le dossier des pensions des déportés, au titre de la FNDIRP.
Dès cette époque, c’est davantage vers la cause des résistants et déportés que se porte son attention que vers sa réussite professionnelle et l’activité de son agence.

Il écrivit deux livres témoignages dont l’ensemble des droits fut reversé à la FNDIRP, permettant à cette dernière de s’installer dans ses locaux. Jean Bac raconte à la fois sa période d’emprisonnement puis son action de résistant. Il n’hésite pas à faire quelques entorses à la réalité, faisant apparaître par exemple un de ses camarades dans une action armée bien qu’il n’était pas présent. Quand son amie résistante, Gilberte Besset, lui fit la remarque, il répondit qu’il avait fait cela pour faire plaisir à son camarade !

Jean Bac participa dès 1966 à un projet de grande exposition organisée par l’ANACR 63 et ayant pour commissaire Alphonse Rozier. Bac est alors président d’honneur du Comité départemental de l’ANACR du Puy-de-Dôme, aux côtés de Robert Huguet.
Des tensions naissent à propos de cette exposition qui écorne l’image de la levée vers le Mont Mouchet et de la Truyère en mai 1944, à l’initiative des MUR et sous le commandement du colonel Gaspard (Aimé Coulaudon). Jean Bac essaie d’apaiser les tensions au sein de l’ANACR. Dans des circonstances non élucidées, l’ensemble des panneaux de exposition brûla le 15 janvier 1970, quelques jours avant l’inauguration de celle-ci. Les panneaux avaient été entreposés, contre l’avis de Rozier, dans un dépôt appartenant à Aimé Coulaudon, celui qui s’était le plus opposé à l’aboutissement du projet...

Jean Bac a toujours conservé un attachement très fort à la cause des FTP tout en défendant la mémoire de l’ensemble des courants de la Résistance. Cela ne l’empêchait pas d’avoir personnellement un avis très sévère contre certains chefs qui cherchaient à accaparer toute la lumière sur eux et surtout qui avaient commis de graves erreurs pendant la Résistance. Jean Bac a toujours considéré l’appel au Mont-Mouchet comme une erreur majeure, envoyant des maquisards contre une armée constituée, ce qui ne pouvait que conduire à un massacre et affaiblir la Résistance. Il ne comprenait pas qu’un acte qu’il considérait comme une catastrophe passe pour un haut fait de la Résistance. Mais malgré cet avis sévère, Jean Bac œuvra à rassembler les différents courants, essayant d’éviter les conflits.

Dès 1985 ou 1986, et alors qu’il est président de l’association des Anciens internés et déportés FNDIRP, Jean Bac est à l’initiative des premières réunions qui débouchent en le 18 avril 1994 sur l’inauguration du Musée de la résistance de l’internement et de la déportation, à Chamalières (Puy-de-Dôme) grâce à une souscription.
Jean Bac a été l’âme de ce Musée, il a porté ce projet du début jusqu’à son ouverture, s’investissant d’abord pour lui trouver un local puis pour rassembler des documents puis enfin pour se charger lui-même de la scénographie. Consterné de constater au fil des ans que la préfecture du Puy-de-Dôme ne se donnait pas les moyens d’accueillir un "grand musée de la Résistance", Jean Bac se mit à la tâche. Pendant 4 ans, il a puisé dans ses souvenirs et collections personnels, "sacrifiant" plus de 300 livres pour monter, à grands coups de ciseaux, de collages et de photocopies, une exposition thématique et chronologique.

Le projet mit autant de temps à aboutir d’abord parce qu’il y eut des tergiversations du maire de Clermont-Ferrand, Roger Quilliot, pour fournir ou non un local. Finalement, c’est Claude Wolff, maire de Chamalières et politiquement très éloigné de Jean Bac et des FTPF, qui lui fournit un local et l’assure jusqu’au bout de son soutien. Il regretta l’exiguïté des locaux qui ne lui permirent d’exposer que 500 des 5000 documents et témoignages d’époque qu’il avait pu amasser.
Il prit plaisir à assurer chaque après-midi les visites, tant que sa santé le lui permit.
Ensuite, il faut évoquer les tensions qui ont pu exister entre associations partie prenante de l’avancée du projet. Roger Champrobert écrit à ce propos en 1990. Jean Bac “est toujours en peine de “son” musée de la Résistance, qui n’avance guère. Il faut dire que le fameux “esprit gaulois” est aussi de querelle, et il y a matière avec ce que l’on appelle pudiquement “les diverses composantes de la Résistance”.
Le 24 octobre 1992, l’assemblée générale de l’Association donne lieu à des critiques de la part de deux représentants FTPF. “Jean Bac s’étonne des questions posées et de ces obstructions “alors que pendant quatre ans, ceux qui se posent aujourd’hui en censeurs ne se sont pas distinguées particulièrement par une aide efficace à ses côtés. Indigné, il ajoute : Ceux qui ne sont pas contents peuvent partir.”
Jean Bac reçoit le soutien de l’unanimité des présents moins les deux représentants FTPF. Le maire de Chamalières, Claude Wolff, confirme l’engagement de la ville à fournir un local pour accueillir le musée et que “tout le nécessaire sera fait à la moindre remarque, ou au plus petit désir formulés par Jean Bac pour l’achèvement du dispositif prévu dans les meilleures conditions possibles”. On perçoit clairement à travers ces documents le poids considérable pris par Jean Bac dans l’avancée puis l’achèvement de ce projet.
Les désaccords portèrent notamment sur la scénographie et le contenu des panneaux présentés. Jean Bac s’est beaucoup investi dans ce travail de collectage et de présentation des documents, refusant parfois l’aide que certains lui proposaient. Tout ce qui était dans le musée le jour de son inauguration était son idée.

Par son implication dans le milieu associatif, par l’énergie déployée pour parvenir à la création de ce musée, par son passé de résistant aussi, Jean Bac a beaucoup fait pour mieux faire reconnaître l’action de la Résistance, en particulier celle initiée et dirigée par les hommes et femmes venus du PCF. Il est nommé président d’honneur du bureau provisoire de l’association du Musée, le 4 décembre 1995, mais, déjà affaibli par ses soucis de santé, il donne délégation à Yvette Philibert.
Jean Bac était très secret, même avec sa famille, et on ne sait ce qu’il a pu advenir des archives qu’il avait pu constituer tout au long de ces années. Son petit-fils, qui l’a beaucoup aidé pour mener à bien le projet de musée, pense que Jean Bac possédait des dossiers sur un certain nombre de gens, ce qui explique que certains aient pu être bien intentionnés à son égard, ce qui lui permit de faire avancer la cause des résistants. Il ne les utilisa jamais pour son intérêt personnel.

Jean Bac s’investit aussi au niveau de sa commune, Mirefleurs, au sud de Clermont-Ferrand, devenant conseiller municipal de 1977 à 1983. On lui proposa de devenir maire mais il refusa.

Jean Bac fut nommé Officier de la Légion d’honneur en mai 1975, médaillé de la Résistance (décret du 15 octobre 1945) et fut titulaire de la Croix de guerre. Il fut président de la Fédération des Maquis d’Auvergne ; président du CODURA et des comités départemental et interdépartemental de la FNDIRP. Jean Bac compte parmi les figures les plus souvent citées et honorées dans les milieux de la Résistance en Auvergne. Pour autant, il n’a jamais cherché à se mettre en valeur.
Jean Bac resta membre du PCF jusqu’à la fin de sa vie. Il conserva des liens étroits avec plusieurs de ses anciens camarades, Émile Finck, Roger Champrobert ou Guy Périlhou notamment.

Une grave maladie le priva trop tôt de toute activité, en particulier parce qu’il perdit progressivement la mémoire. Dès 1994 et l’ouverture du Musée, Jean Bac est très affaibli et il cesse bientôt toute activité. Il finit ses jours dans un centre de santé à Chamalières où il est mort le 28 janvier 2011. Il est enterré à Mirefleurs où il avait vécu ses années de retraite avec sa femme et ses parents.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article196795, notice BAC Jean [Pseudonyme dans la Résistance : Lenoir] par Eric Panthou, version mise en ligne le 7 novembre 2017, dernière modification le 30 juillet 2022.

Par Eric Panthou

SOURCES : AVCC Caen, AC 21 P 700747. Dossier Jean Bac .— Notice biographique rédigée par Roger Champrobert, 2 pages manuscrites (archives privées Roger Champrobert) . — Note manuscrite sur Jean Bac (archives privées Roger Champrobert) ; Délibéré du Conseil d’État, n°36586, lu le 24 mars 1958. Jean Bac (archives privées Roger Champrobert) . — Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 1296W75 le commissaire chef de la sûreté au préfet, 27 février 1941. — Archives Henri Verde : Lettre de Charles Joineau, secrétaire général de la FNDIRP à Henri Verde, 3 août 1955. — Nécrologie dans La Montagne, édition Clermont-Ferrand, 29 janvier 2011 . — Nécrologie dans Résistance d’Auvergne, n° 152, avril 2011 . — “Jean Bac est mort”, Regards sur l’Auvergne (bulletin du PCF 63), n°761, 14 mai 2011 . — Jean Bac, Le Calvaire des patriotes dans les prisons françaises : 1940-1944, Clermont-Ferrand, de Bussac, 1972, 144 p .— "Août 1940 à Clermont-Ferrand : les communistes résistant. De la statue de Vercingétorix aux usines Michelin : sept témoignages, La Montagne, circa octobre 1981 .— Jean Bac, Avec les maquisards, Aubière, imprimeries Jean Drouin, 1978, 208 p. Bureau provisoire de l’association du musée de l’Internement de la résistance et de la déportation élu à l’unanimité par les présidents d’associations présents le 4 décembre (archives Roger Champrobert). Procès-verbal de l’Assemblée générale de l’A.M.R.I.D., 24 octobre 1992 (archives Roger Champrobert). Entretien avec Laurent Garcia, son petit-fils, le 1er décembre 2017 ; Témoignage de Jean-Luc Besset, recueilli le 22 novembre 2017 .— "Un héros de la Résistance. Le commandant Lenoir des FTP", La Nation, 6 septembre 1944 .—"Pas d’oublis au musée du pardon", La Montagne, 21 septembre 1994 .— Notes sur Georges Daigneau. Archives Robert Marchadier, conservées par Eric Panthou .— État civil.

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