ISLER Pierre [ISLER Eric, Pierre]

Par Alain Dalançon

Né le 17 septembre 1904 à Frauenberg (Moselle), mort le 6 juin 1991 à Orsay (Essonne) ; professeur agrégé d’allemand ; Résistant ; militant du SNES, membre du Conseil supérieur de l’Éducation nationale.

Fils de Johann Peter Isler, instituteur de la Moselle alors allemande, et de Maria Lorich, Pierre Isler obtint le baccalauréat (Philosophie) en 1921. Élève en khâgne aux lycées Henri IV puis Louis le Grand, il échoua au concours d’entrée à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm. Il était alors membre du groupe d’études socialistes SFIO où se retrouvaient de nombreux khâgneux et normaliens, dont son ami germaniste, Pierre Bertaux.

Licencié ès lettres à la Sorbonne en 1923, puis titulaire du diplôme d’études supérieures en 1925, il fut reçu premier à l’agrégation d’Allemand en 1927. Après avoir été nommé au lycée Pothier d’Orléans (Loiret), il partit en novembre 1928 accomplir son service militaire jusqu’en avril 1930. Il épousa alors à la mairie du Ve arrondissement de Paris, Clémentine Veber, née le 8 mars 1903 à Sarreguemines (Moselle), qui fut elle aussi reçue à l’agrégation d’Allemand en 1933, et devint professeure au lycée Victor Hugo à Paris. Le couple eut un fils et accueillit pendant la guerre une nièce.

À son retour du service militaire, il termina les trois derniers mois de l’année scolaire 1929-1930, nommé au lycée Corneille de Rouen (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), puis fut affecté à la rentrée suivante au lycée de garçons de Laon (Aisne), avant d’être muté en 1933 au lycée Faidherbe à Lille (Nord), où il obtint en outre une charge de cours à la Faculté des Lettres. En octobre 1937, il fut nommé au lycée Henri IV à Paris, tout en continuant à être chargé de conférences à la Faculté de Lille pendant deux années universitaires, et commença à enseigner en 1938-1939 en première supérieure.

Pierre Isler illustrait assez bien l’attitude des germanistes français, à la fois défenseur de la langue et de la pensée allemandes contribuant à la culture universelle opposée à la « Kultur », et adepte de la « germanistique de la défiance ». Ainsi commença-t-il à traduire en français Der Tor und der Tod, drame lyrique de Hofmannsthal (parution dans la revue Le Mail en 1928), et en allemand Les Nourritures terrestres de Gide. Il écrivit aussi une étude sur les Élégies de Duino, de Rainer Maria Rilke et fut le traducteur en 1932 des Trois Bonds de Wang Lun, d’Alfred Döblin, écrit en 1915. En même temps, il passa en 1931 le concours d’officier interprète de réserve. C’est d’ailleurs dans cette fonction qu’il fut mobilisé, rattaché à un état-major, de septembre 1939 à août 1940.

À la rentrée 1940, il reprit son enseignement au lycée Henri IV et fut maître de stage d’agrégation à partir de l’année 1942-1943. Il participa à un réseau de résistance, était membre du Front national universitaire, et fut reconnu membre des Forces françaises combattantes.

À la Libération, Pierre Isler obtint la chaire de la classe préparatoire à l’École normale supérieure de Saint-Cloud où il enseigna jusqu’à sa retraite en 1969.

Adhérent de la Société des agrégés et membre de son bureau national, il fut élu sur la liste du Syndicat national de l’enseignement secondaire, membre du Conseil de l’enseignement de second degré aux élections de 1950, 1954 et 1958 et membre suppléant du Conseil supérieur de l’Éducation nationale en 1950, puis titulaire. Comme toute la délégation du SNES au CSEN, il s’opposa en 1956 au projet de réforme Billères.

Il participa avec son aîné, Léon Bodevin (reçu premier à l’agrégation en 1912), puis avec son cadet, Pierre Deghaye (reçu à l’agrégation en 1951), à la rédaction de nombreux manuels scolaires, dont 9 volumes de la célèbre collection Deutschland aux éditions Masson, la première édition du manuel à destination des élèves de 6e datant de 1943. À une époque où l’étude de l’allemand souffrait d’une forte désaffection, ses manuels traduisaient sa conception de la culture allemande et se gardaient d’aborder la période contemporaine, en donnant de l’Allemagne une image idéalisée, occultant les problèmes et les conflits. Ils furent donc l’objet de critiques pour l’image irréelle et passéiste qu’ils donnaient de l’Allemagne et le parti pris de ne montrer que le bon côté d’une Allemagne « éternelle ». Pourtant Pierre Isler n’était pas insensible à l’actualité politique, mais qu’il traitait ailleurs, en 1948, dans la revue Études germaniques. Et le manuel de terminale édité en 1955, comportait l’étude d’extraits du roman Die Jeromin-Kinder publié en 1945-1947, d’Ernst Wiechert, un opposant au nazisme, interné à Buchenwald dès 1938.

Pierre Isler et son épouse résidaient rue de Navarre dans le Ve arrondissement de Paris, et, la retraite venue, allèrent habiter à Bures-sur-Yvette (Essonne).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article196990, notice ISLER Pierre [ISLER Eric, Pierre] par Alain Dalançon, version mise en ligne le 12 novembre 2017, dernière modification le 6 août 2021.

Par Alain Dalançon

ŒUVRE : Le fichier de la BNF comportait en 2017, répartis en trois ensembles distincts, 20 références de manuels d’allemand.

SOURCES : Arch. Nat., AJ/16/6028, F/17/29844. — J.O. 1931. — Arch. Dép. Moselle, état civil en ligne. — Arch. mun. Frauenberg, état civil. — Arch. IRHSES (Conseils d’enseignement). — SHD (dossier GR 16P/302141).— Pierre Bertaux, Un normalien à Berlin. Lettres franco-allemandes (1927-1933, Presses Sorbonne nouvelle, 2001, p. 130. — Jean-François Sirinelli, Génération intellectuelle : Khâgneux et Normaliens dans l’entre-deux-guerres, Fayard, 1988. — Christian Puren, Histoire des méthodologies des langues vivantes, Nathan, 1988. — Monique Mombert, s. dir., L’enseignement de l’Allemand au XIXe et XXe INRP, 2005. — Caroline Doublier, « Enseignement de l’allemand et image de l’Allemagne depuis la Seconde Guerre mondiale », Histoire de l’Education, n°106, 2005. — Notes de Jacques Girault.

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