RAHMEL Hedwig, épouse ROBENS [RAHMEL-ROBENS Hedwig] alias « Hede »

Par André Balent

Née le 9 novembre 1896 à Rosslau (land de Saxe-Anhalt — alors duché d’Anhalt — , Allemagne), morte exécutée sommairement à Servas (Gard) le 26 juin 1944 ; infirmière, militante de la tendance d’extrême-gauche (Ligue spartakiste) du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) puis du Parti communiste d’Allemagne (KPD) ; volontaire en Espagne républicaine (1937-1939) ; réfugiée en France ; associée au « Travail allemand » organisation impulsée par le KPD clandestin en France auprès des réfugiés allemands et autrichiens, des militaires des troupes d’occupation ; résistante en Lozère et dans le Gard (AS puis FTP-MOI) ; membre de Brigade Montaigne (maquis de l’AS dans les Cévennes gardoises et lozériennes).

Berlin, plaque commémorative apposée sur la maison où avait résidé Hedwig Rahmel avant 1935
Berlin, plaque commémorative apposée sur la maison où avait résidé Hedwig Rahmel avant 1935
Plaque apposée en 1976 et rénovée en 1988. Photo : Holger Hübner (Site https://www.gedenktafeln-in-berlin.de)

Hedwig Rahmel, communiste allemande, infirmière de profession, vivait à Berlin. Elle milita en Allemagne dans la Ligue Spartakiste (Spartakusbund) tendance de gauche du SPD (Parti social-démocrate d’Allemagne) animée par Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, puis dans le KPD, dès sa fondation en décembre 1918. Après la prise du pouvoir par les nazis, elle se réfugia en 1935 en Tchécoslovaquie. En 1937, elle se porta volontaire en Espagne républicaine et fut employée comme infirmière du Service sanitaire des Brigades internationales. Elle y fit la connaissance de Christian Robens, militant communiste originaire de Rhénanie et combattant des Brigades internationales. Elle se maria avec lui en 1939. On la connut désormais sous le nom d’Hedwig (familièrement « Hede ») Rahmel-Robens.
Après un parcours dont on ne connait pas toutes les étapes à la suite de la Retirada, nous savons qu’elle était, en 1940 internée à Gurs (Basses-Pyrénées/Pyrénées-Atlantiques). Libérée, elle retrouva son mari, avant 1942, dans le Gard puis en Lozère. Membre du KPD clandestin en France, elle était active dans le cadre de l’organisation de ce parti, le « Travail allemand », qui, avec le PC français, essayait d’organiser dans le cadre de la Résistance les Allemands et les Autrichiens.
L’invasion de la zone sud par les forces du Troisième Reich, l’amena, comme beaucoup d’Allemands et Autrichiens employés dans divers GTE (Groupements de travailleurs étrangers) du Gard et de la Lozère à se replier dans les maquis des Cévennes. Accompagnée de son amie Lisa Ost, elle gagna comme beaucoup de ses compatriotes un maquis de l’AS (Armée secrète) formé dans les Cévennes par François Rouan* alias « Montaigne » et connu sous les noms de « Brigade Montaigne » et de MOI (Mouvement ouvrier internationaliste). Ce maquis avait pour particularité de ne rassembler, à quelques rares exceptions près, que des étrangers, principalement des Allemands et des Autrichiens, anciens combattants des Brigades internationales (BI). Rouan, son fondateur, était lui aussi un ancien des BI. Il avait été exclu du PC français pour « trotskisme ». Résistant, il avait milité à Combat avant de participer à la création de l’AS dans l’Hérault.
Renforcée en janvier 1944 par le groupe (AS) de Louis Veylet/Otto Kühne, formé initialement dans l’Aubrac, au nord de la Lozère, la Brigade Montaigne récupéra, en février 1944, les derniers, parmi les Allemands, qui avaient été momentanément détachés depuis le Gard à des travaux de bucheronnage dans la Drôme. Leur regroupement dans la Brigade Montaigne les empêcha de mettre à exécution leur projet de constituer, en liaison avec les FTP-MOI, un corps franc « Allemagne libre ». En février 1944, Hedwig et son amie Lisa Ost étaient logées à La Fabrègue (Lozère). Elles soignaient les maquisards blessés ou malades et assuraient les liaisons de la brigade Montaigne en acheminant les courriers. Elles se rendaient ainsi à Saint-Frézal-de-Ventalon (Lozère) à la gare des Chemins de fer départementaux (ligne de Sainte-Cécile-d’Andorge, Gard, à Florac, Lozère, à voie métrique) où, lorsqu’elles prirent le maquis, elles avaient laissé leurs bagages en les confiant au chef de gare Raymond Brès et à son épouse, Olga. Après l’attaque des GMR contre la Brigade Montaigne cantonnée à la Fare, les 11 et 12 février 1944, les deux femmes se réfugièrent à Nozières (commune de Saint-Germain-de-Calberte, Lozère) dans une maison inoccupée que le fermier, Éloi Folcher, mit à leur disposition à la demande François Rouan*. Par la suite, en mars-avril 1944, Hedwig Rahmel-Robens se retrouva au cantonnement de la Brigade Montaigne au Galabertès (commune de Saint-Germain-de-Calberte). Elle regagna Nozières après les combats de la Vallée Française (7-12 avril 1944) à la suite du regroupement d’une partie des combattants au Plan de Fontmort. Le 30 mai, elle se trouvait toujours à Nozières. Le 30 mai 1944, les "Waffen SS" français de la division Brandenburg [dépendant en fait de l’Abwehr] cantonnés à Alès entreprirent une opération de démantèlement de la Résistance, déguisés en résistants français. Ils se rendirent à la ferme cévenole du Magistavol lieu de passage de résistants. Soit à l’aller, soit au retour, ils tuèrent Hans Mosch un résistant allemand qui se trouvait à proximité du Magistavol où il allait. Ils furent conduits à Nozières par un autre Allemand, le Bavarois Paul Huber qui s’était joint à eux étant persuadé qu’ils étaient des résistants de l’AS à Nozières, ils trouvèrent Hedwig Rahmel, son mari Christian Robens et son amie Lisa Ost. Ils demandèrent à Robens, qui accepta, de les conduire auprès d’Otto Kûhne*, chef du groupe allemand de la MOI. Sans doute, Robens comprit-il lorsqu’il était en leur compagnie qu’il avait été leurré. Les Waffen SS ne purent s’emparer du camp des Allemands antifascistes et de leur chef. La résistante lozérienne Anna Rousseau* (Combat, AS), professeure à Mende et dont le mari avait été tué deux jours auparavant pendant les combats de La Parade (Lozère), se rendit à Nozières. Elle se rendit compte, avec les deux Allemandes et les deux résistants présents à Nozières, l’Espagnol Saturnino Gurumeta et l’Allemand Albert Stierwald, quelle était la véritable identité des « maquisards » avec qui Christian Robens était parti. Le 5 juin 1944, des "Waffen SS" français de la division Brandenburg accompagnés d’agents de la Sipo-SD revinrent à Nozières. Bloqués par le mauvais état de la route, ils durent poursuivre leur chemin à pied. Hedwig Rahmel, Lisa Ost et Anna Rousseau qui les avaient aperçus abandonnèrent la maison et partirent. Les assaillants se vengèrent en pillant et en incendiant la maison. Ils rebroussèrent chemin et furent interceptés par la résistance (Français, Allemands, Italiens) aux Portettes près de La Rivière (commune de Saint-Hilaire-de-Lavit (Lozère). Deux résistants allemands présents au combat de La Rivière, Martin Kalb et Paul Hartmann surent le sort réservé à Christian Robens et en informèrent les deux Allemandes.
Il fut décidé qu’elles quitteraient les Cévennes et se rendraient à Nîmes. Antonin Combarmond* alias « Mistral » avait pour mission de les amener à la gare de Rouve-Jalcreste sur la ligne de chemin de fer à voie étroite des CFD reliant Florac (Lozère) à Sainte-Cécile-d’Andorge (Gard). Là elles prirent un train qui avait pour terminus Alès. On leur avait fourni de faux papiers d’identité qui étaient sensés faire d’elles des Lorraines. Devant passer la nuit à Alès avant de prendre un train le lendemain matin pour Nîmes, elles décidèrent d’aller passer la nuit à l’hôtel. Elles se rendirent au Rich’Hôtel (où logeaient des Waffen SS). L’hôtelier trouva bizarre que des Lorraines éprouvassent tant de difficultés avec leurs fiches d’hôtel. Il alerta la Milice qui procéda à l’arrestation des deux femmes dans la soirée du 6 juin 1944
Hedwig Rahmel et Lisa Ost furent amenées au Fort Vauban d’Alès où les Waffen SS les torturèrent sauvagement. Après la Libération, Auguste Aubaret interné lui aussi au Fort Vauban du 7 juin au 1er août 1944, raconta leur calvaire : « [Elles] ne savaient pas le français et se prétendaient Lorraines » (…) « Elles étaient toutes les deux condamnées à mort et conservaient, malgré ça, l’une et l’autre, un admirable moral. Je faisais, lorsque cela m’était possible, passer des cigarettes à ces deux femmes. Un jour, elles me montrèrent leurs doigts mutilés qui avaient été tordus et disloqués par leurs tortionnaires au moyen de tenailles et de pinces ». Après la Libération un ouvrier d’Alès détenu à Fort Vauban indiqua à leur camarade de maquis Richard Hilgert « ce que furent leur courage et leur fermeté. Par leur tranquille résolution, elles donnèrent de l’énergie à leurs compagnons de souffrance ».

Le 26 juin 1944, à cinq heures du matin, les Waffen SS les amenèrent, avec deux autres détenus, à Servas (Gard) au puits désaffecté de la mine de lignite de Célas dans une camionnette Peugeot de l’armée allemande. Tous les quatre furent abattus avant d’être précipités dans le puits.

Elle fut inhumée avec Lisa Ost au cimetière d’Alès où deux simples pierres rappellent le souvenir de ces deux Allemandes qui furent assassinées pour avoir lutté contre l’ennemi nazi et leurs alliés français, ces derniers ayant provoqué leur arrestation, les ayant torturées et assassinées.

Le nom d’Hedwig Rahmel-Robens figure sur le monument commémoratif du puits de Célas, à Servas (Gard). Son domicile berlinois, 9 Küselstraße, dans le quartier de Prenzlauer Berg porte une plaque commémorative posée en 1976 et restaurée en 1988 avec l’inscription suivante :
HIER WOHNTE DIE ANTIFASCHISTISCHE WIDERSTANDS-KÄMPFERIN HEDWIG RAHMEL GEB. AM 9.11.1896 ERMORDET IM JUNI 1944 (« Ici vivait la résistante antifasciste Hedwig Rahmel, née le 9-11-1896, assassinée en juin 1944 »).
Hedwig Rahmel reçut la mention « Morte pour la France ».

Voir Servas, Puits de Célas (9, 10, 26 juin 1944 ; 11, 12 juillet 1944)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article197247, notice RAHMEL Hedwig, épouse ROBENS [RAHMEL-ROBENS Hedwig] alias « Hede » par André Balent, version mise en ligne le 24 novembre 2017, dernière modification le 26 mai 2022.

Par André Balent

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Berlin, plaque commémorative apposée sur la maison où avait résidé Hedwig Rahmel avant 1935
Plaque apposée en 1976 et rénovée en 1988. Photo : Holger Hübner (Site https://www.gedenktafeln-in-berlin.de)
Tombe d'Hedwig Rahmel, épouse Robens
Tombe d’Hedwig Rahmel, épouse Robens
Cimetière d’Alès (Gard), tombes des résistants exécutés à Servas et précipités dans le puits de la mine de Célas
Hedwig Rahmel Robens (1896-1944), Brès, op. cit,, 1987, cliché hors-texte n° 60

SOURCES : Éveline & Yvan Brès, Un maquis d’antifascistes allemands en France (1942-1944), Montpellier, les Presses du Languedoc/Max Chaleil éditeur, 1987, 348 p. [pp. 130, 140, 157, 205, 257, 258 -261, 265-264, 266-268, 284-285, 287 (note), 313-314, 335]. — Éveline & Yvan Brès, « Des maquisards allemands dans les Cévennes », Hommes et migrations, 1148, 1991, pp. 30-35. — Éveline et Yvan Brès, « Des Allemands maquisards dans les Cévennes des camisards », in Philippe Joutard, Jacques Poujol, Patrick Cabanel (dir.), Cévennes, terre de refuge, 1940-1944, Sète, Nouvelles presses du Languedoc et Club cévenol, 5e édition, 2012, pp. 95-101. — Claude Émerique, Laurent Pichon, Fabrice Sugier, Monique Vézilier, La Résistance dans le Gard, Paris, Association pour des Études sur la Résistance intérieure (AERI), 2009, CDROM avec un livret de présentation, 36 p. — Stefanie Endlich (Berlin, Brandenburg), Nora Goldenbogen (Sachsen), Beatrix Herlemann (Sachsen-Anhalt), Monika Kahl (Thüringen), Regina Scheer (Mecklenburg-Vorpommern), Gedenskstäten für die Opfer der Nazionalsocialismus, II, Berlin, Brandenburg Mecklenburg-Vorpommern Sachsen-Anhalt Sachsen Thüringen, Bonn, Bundeszentrale für politische Bildung, 2000, 1009 p. [entrée « Gedenktafel für Hedwig Rahmel-Robens, Küselstraße bzw. Silberschmidtweg 9 », pp. 141-142.] — Site https://www.gedenktafeln-in-berlin.de/ consulté le 24 novembre 2017. — Site MemorialGenWeb consulté le 24 novembre 2017 : le site commet quelques erreurs dans quelques notes biographiques concernant l’intéressée ; il localise le puits de Célas à Mons et non à Servas.

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