Par Georges Haupt
Né le 2 mars 1865 à Stuttgart ; mort le 14 novembre 1934 à Vienne ; historien ; professeur d’université ; militant social-démocrate.
Le père de Ludo, le poète révolutionnaire Moritz Hartmann, fut député d’extrême gauche à la Diète de Francfort en 1848 et l’itinéraire politique et intellectuel du fils fut marqué par son attachement aux valeurs et aux idées du radicalisme allemand de 1848. Il fit de brillantes études d’histoire à Vienne et à Berlin et fut nommé en 1889 chargé de cours à l’université de Vienne. Il fonda en 1893 avec Stephan Bauer, Carl Grünberg et E. Szanto la Zeitschrift für Wirtschafts- und Sozialgeschichte (Revue d’histoire économique et sociale) qui devait devenir Vierteljahresschrift für Sozial- und Wirtschaftsgeschichte (Revue trimestrielle d’histoire sociale et économique).
Membre à partir de 1895 de la société fabienne de Vienne, groupe d’intellectuels modernistes, Hartmann entra en contact à la même époque, peu après son doctorat ès lettres, avec le cercle d’éducation populaire de Vienne, grâce à Eduard Leisching. Il déploya une grande activité, soutenue par les sociaux-démocrates, en faveur de la création d’universités populaires. C’est sur son initiative que fut organisé un type d’enseignement calqué sur le modèle de 1’« University extension » anglaise. La présidence du comité ad hoc lui fut confiée. Il parvint même à faire effectuer des conférences à la périphérie viennoise et en province par des professeurs de renom.
En 1901, Hartmann adhéra au Parti social-démocrate dont il était proche depuis longtemps, ayant notamment collaboré à la Neue Zeit (Temps nouveaux) depuis 1896 sous le pseudonyme de Verus qu’il utilisa souvent par la suite. Ses recherches historiques et ses travaux sur la culture populaire lui conférèrent bientôt une réputation internationale. Mais cet élève favori de Mommsen, dont les travaux sur l’histoire du Moyen Age en Italie et l’œuvre de sociologie et de philosophie de l’histoire faisaient autorité, ne parvint pas à obtenir une chaire à cause de ses engagements politiques. Ce n’est qu’après la proclamation de la Première République qu’il fut nommé professeur à l’Université de Vienne.
Mais l’apport théorique essentiel de Hartmann se situe dans ses réflexions sur le problème des nationalités. Il pensait que la lutte pour la délimitation des zones linguistiques inaugurait le déclin de l’Empire austro-hongrois qui passerait par le stade du fédéralisme avant que l’Autriche allemande ne soit rattachée à l’Allemagne. C’était, selon lui, à la social-démocratie qu’incombait la tâche d’accélérer ce processus. Plus concrètement, il aurait voulu que le programme des nationalités fût établi par une conférence des députés de la Ve curie. Certaines de ses idées furent reprises ou combattues par Kautsky et Renner.
Il déploya également une grande activité dans l’association « École libre » créée en 1905 où il était l’un des représentants du Parti social-démocrate, avec Glœckel et Seitz à la direction. A la conférence du Parti réunie pendant la guerre, le 28 mars 1916, il fit une intervention remarquée lors du débat sur « l’Autriche après la guerre » et présenta une résolution protestant contre les restrictions budgétaires imposées à l’éducation et réclamant la réorganisation et la démocratisation du système scolaire après la guerre.
Au sein du Parti, il fut, aux côtés de Pernerstorfer, l’un des chefs de file des partisans de la Grande Allemagne. Peu de temps avant l’attentat de Fritz Adler, il réunit, le 22 octobre 1916, une conférence de juristes pour demander la convocation du Parlement. Germanophile militant, Hartmann, qui fit partie de la délégation autrichienne à la conférence socialiste de la paix à Stockholm en 1917, fut, après l’écroulement de la monarchie, un partisan acharné du rattachement de la République autrichienne à la République allemande.
Elu en février 1919 au Conseil national, il perdit son mandat l’année suivante et fut alors nommé ambassadeur à Berlin. Sa mission n’y fut que de courte durée, car après le retrait des sociaux-démocrates autrichiens du gouvernement de coalition, en octobre 1920, il démissionna. Il siégea dès lors jusqu’à sa mort au « Bundesrat » (Conseil fédéral).
Par Georges Haupt
ŒUVRES : Untersuchung zur Geschichte der byzantinischen Verwaltung in Italien (Recherches sur l’Histoire de l’administration byzantine en Italie), thèse de doctorat ès lettres, 1895. — « Ecclesia Sancta Mariae in Vita lata Tabularium » (Recueil de documents). — Zur Wirtschaftsgeschichte Italiens im frühen Mittelalter (Contributions à l’histoire économique de l’Italie au début du Moyen Age), 1904. — Über historische Entwicklung (Sur le développement historique), Gotha, 1905. — Der Untergang der antiken Welt (Le déclin du monde antique). Conférences populaires, 1910. — Œsterreichs Deutschtum und Freiheit (Germanité et liberté en Autriche), Munich, 1910. — Fortbildung in Wien (La Formation postscolaire à Vienne). Bibliothèque centrale de l’Association culturelle populaire, Vienne, 1911. —Ein Kapitel vom spätantiken und frühmittelalterlichen Staat (Un chapitre de l’histoire de l’État de la fin de l’Antiquité et du haut Moyen Age), Berlin-Leipzig, 1913. — Geschichte Italiens im Mittelalter (Histoire de l’Italie au Moyen Age), 4 vol., 1897-1915. — Hundert Jahre italienischer Geschichte (Die Grundlagen des modernen Italien 1815-1915) (Gent ans d’Histoire italienne ; les fondements de l’Italie moderne, 1815-1915), Munich, 1916. — Christentum und Sozialismus (Chrétienté et socialisme), Munich — Leipzig, 1916. — Kurzgefasste Geschichte Italiens von Romulus bis Viktor Emmanuel (Brève histoire de l’Italie, de Romulus à Victor Emmanuel), 1924. — Die nationale Grenze vom soziologischen Standpunkt (La Frontière nationale du point de vue sociologique), Munich — Leipzig. — Über den Beruf unserer Zeit ; optimistische Betrachtungen (La vocation de notre temps ; considérations optimistes), Vienne —. Leipzig. — Weltgeschichte in gemeinverständlicher Darstellung (Histoire du monde à la portée de tous), Gotha, Andréas Pethes, 1919.
SOURCES : Hans Mommsen, Die Sozialdemokratie und die Nationalitätenfrage im habsburgischen Vielvœlkerstaat (La Social-démocratie et la question des nationalités dans l’État multinational des Habsbourg), Vienne, 1963. — Rudolf Neck, Arbeiterschaft und Staat im ersten Weltkrieg, 1914-1918 (Les Ouvriers et l’État pendant la Première Guerre mondiale, 1914-1918), Vienne, 1964. — Jacques Hannak, Karl Renner und seine Zeit (Karl Renner et son temps), Vienne, 1965.