Par Félix Kreissler
Né le 1er novembre 1894 à Stuttgart ; mort le 1er avril 1960 à Vienne ; fils de Karl Kautsky ; théoricien socialiste ; directeur de banque ; chargé d’enseignement à l’Université de Vienne.
Né à Stuttgart, le fils cadet de Karl Kautsky et Luise Kautsky passa son enfance à Berlin, où ses parents s’étaient établis en 1899. Bendel ou Bendix, comme on l’appelait, fut le préféré de Rosa Luxemburg, amie de la famille. Il fréquenta à Berlin l’école primaire, puis l’école secondaire et commença ses études universitaires. Pendant les deux dernières années de la Première Guerre mondiale, Benedikt Kautsky travailla dans les services de ravitaillement de l’administration de Berlin. En 1917, il fut mobilisé. Son régiment entra à Prague en novembre 1918, mais Benedikt déserta et s’enfuit à Vienne où il se mit à la disposition de Victor Adler. Il devint alors secrétaire d’Otto Bauer. En 1920, il rentra en Allemagne pour terminer ses études.
Revenu à Vienne, Kautsky, docteur ès sciences économiques, travailla dans les organismes d’éducation ouvrière et de formation de militants du parti social-démocrate et fut secrétaire chargé du service économique de la Chambre des ouvriers et employés de Vienne et le rédacteur de la revue Arbeit und Wirtschaft (Travail et Economie). Dans ses diverses fonctions, B. Kautsky s’avéra un éducateur remarquable. Il fut également l’étroit collaborateur de son père qui s’était établi à Vienne.
L’activité de publiciste de Benedikt Kautsky fut variée et abondante. Il aborda l’économie, l’histoire, la sociologie et se livra à des études littéraires classiques. Après les événements de février 1934, il tenta de poursuivre son action politique au sein de la Chambre des ouvriers et employés. L’occupation de l’Autriche par les nazis mit fin à son activité. Arrêté par la Gestapo le 27 mai 1938, il passa sept ans dans les divers camps de concentration du IIIe Reich : fin mai 1938, Dachau, puis, en septembre 1938, Buchenwald où il demeura jusqu’à fin octobre 1942, ensuite Auschwitz, et Buchenwald de nouveau fin 1944.
Son livre Teufel und Verdammte (Diables et damnés) issu de ces épreuves, est une analyse sociologique des structures concentrationnaires et explique le mécanisme diabolique mis au point par les S.S. Alors que B. Kaustky survécut aux camps de la mort, sa mère mourut à Auschwitz le 8 décembre 1944.
Libéré de Buchenwald le 11 avril 1945, B. Kautsky passa d’abord quelque temps en Suisse, puis en Hollande, enfin aux États-Unis chez son frère Karl, mais il rentra bientôt en Autriche où il fut chargé de la direction de l’École Otto-Mœbes de la Chambre des ouvriers et employés de Graz. En décembre 1957, il s’installa à Vienne et devint directeur général adjoint du plus grand établissement bancaire de l’Autriche, Creditanstalt-Bankverein, fonction qu’il conserva jusqu’à sa mort.
Dès 1954, il avait obtenu la « Venia legendi », c’est-à-dire le droit d’enseigner à l’Université de Graz, droit qui lui fut confirmé en 1958 par l’Université de Vienne où il exerça comme chargé d’enseignement (Dozent). Son activité d’enseignant lui valut un renom de professeur brillant et l’Université de Vienne décida de le nommer professeur à titre personnel le jour même de sa mort.
Révisionniste convaincu, il combattit toute orthodoxie. Le système communiste lui semblait une dégénérescence. Il créa un groupe de travail qui, après sa mort, prit le nom de « Benedikt Kautsky » et continua des recherches sur le socialisme démocratique dont il s’était réclamé. B. Kautsky fut l’un des principaux conseillers dans l’élaboration d’un nouveau programme du Parti socialiste qu’il rédigea en commun avec Bruno Kreisky et Alois Piperger. Les sociaux-démocrates allemands firent également appel à lui pour qu’il participe à l’élaboration de leur programme de Godesberg.
Parmi ses publications, citons l’édition commentée de la correspondance de son père Karl Kautsky avec Friedrich Engels et Victor Adler, des commentaires sur les cours d’économie politique d’Otto Bauer et sur des passages du Capital de Marx.
Il mourut le 1er avril 1960 au moment où il prononçait une conférence devant un auditoire d’étudiants socialistes.
Par Félix Kreissler
ŒUVRES : Was ist Sozialismus ? Ein Führer durch die sozialistische Literatur (Qu’est-ce que le socialisme ? Un Guide à travers la littérature socialiste), Vienne, 1922. — Einleitung zu Karl Marx « Das Kapital » (Introduction au « Capital » de Karl Marx), Leipzig, 1929. — Reparationen und Rüstungen (Réparations et Armements), Vienne, 1931. — Der deutsche Sozialismus von Ludwig Gail bis Karl Marx (Le socialisme allemand de Ludwig Gail à Karl Marx), en collaboration avec Fritz Bruegel, Vienne, 1931. — Willst Du Marxist werden ? Kleiner Wegweiser durch die sozialistische Literatur (Veux-tu devenir marxiste ? Petit guide à travers la littérature socialiste), Vienne, 1933. — Deutschland und England vor dem Weltkrieg. Historische Parallelen (L’Allemagne et l’Angleterre avant la guerre mondiale. Parallèles historiques), Vienne, 1936. — Teufel und Verdammte. Erfahrungen und Erkenntnisse aus sieben Jahren in deutschen Konzentrationslagern (Diables et damnés. Sept années d’expériences dans les camps de concentration allemands), Vienne, 1948 ; seconde édition 1961. — Rosa Luxemburgs Briefe an Freunde (Lettres de Rosa Luxemburg à ses amis), Hambourg, 1950. — Amerikas Arbeiter im Vormarsch (Les ouvriers américains vont de l’avant), Graz, 1951. — Ein Leben für den Sozialismus. Erinnerungen an Karl Kautsky (Une vie consacrée au socialisme. Evocation de Karl Kautsky), Hanovre, 1951. — Geistige Strœmungen im œsterreichischen Sozialismus (Courants intellectuels du socialisme autrichien), Vienne, 1953. — Friedrich Engels’ Briefwechsel mit Karl Kautsky (Correspondance Friedrich Engels-Karl Kautsky), Vienne, 1954. — Der Funktionswandel der Gewerkschaften (Le changement de fonction des syndicats), Vienne, 1955. — Der Weg zum neuen Programm der Sozialistischen Partei Oesterreichs. Bericht und Erläuterung (Vers le nouveau programme du Parti socialiste autrichien. Rapport et Commentaires), Vienne, 1958.
SOURCES : Der sozialistische Akademiker, numéro de mai 1960. — Archiv, 1969, N° 4.