Par Georges Haupt
Né le 23 février 1892 à Vienne ; fusillé le 8 juin 1941 à Auschwitz ; fondateur et dirigeant du Parti communiste autrichien.
Issu d’une famille de la grande bourgeoisie juive de Vienne — sou grand-père était l’un des fondateurs de la banque des « Länder » --- Franz Koritschoner était apparenté par sa mère au célèbre juge de la Cour suprême des États-Unis, Louis Brandeis. Neveu de Hilferding, il milita dès les bancs du lycée au sein des Jeunesses socialistes et acquit une vaste culture théorique. Etudiant en droit, il fut, après le déclenchement de la première guerre mondiale, le fondateur et le dirigeant du petit groupe d’extrême gauche autrichien (Linksradikalen), Membre actif du cercle « Karl Marx » fondé par Fritz Adler en 1916, Koritschoner, qui s’était dès 1914 lié d’amitié avec Boukharine, entra par son intermédiaire en contact avec les bolcheviks en 1915. Il appartint à la gauche de Zimmerwald et collabora à son organe, le Vorbote, et au journal de Lénine, Sozialdemokrat. Délégué par le Comité d’action des Linksradikalen (l’extrême gauche) à la conférence de Kienthal, il n’arriva que lors de la clôture. Il fit alors la connaissance de Lénine dont il devint l’homme de confiance et le correspondant en Autriche. C’est alors que, par l’intermédiaire de Radek, son groupe entra en contact avec l’extrême gauche de Brème et de Hambourg.
Koritschoner, qui jusqu’à son exclusion, en automne 1917, travaillait dans le groupe local d’Ottakring de l’Union des jeunesses ouvrières comme conseiller à l’éducation, développa sur la plate-forme de la résolution de Kienthal élaborée par la gauche de Zimmerwald une vaste activité de recrutement : d’abord dans l’Union des jeunesses ouvrières et dans l’Association libre des étudiants socialistes, puis, sous l’impulsion de la révolution russe, dans les régions industrielles de Basse-Autriche. Le groupe animé par Koritschoner parvint à réunir les divers groupes d’extrême gauche en une conférence clandestine gui se tint le 5 septembre 1917 à Sankt-Egyden pour coordonner la tactique et mettre sur pied une organisation provisoire. Koritschoner fut membre du Conseil ouvrier clandestin créé à Vienne le 30 décembre 1917 et joua un rôle important lors des grèves de janvier 1918. Arrêté à leur issue, il ne fut relâché que peu de temps avant la chute de la monarchie austro-hongroisie. Il fut dès lors le chef de file du « Comité d’action des sociaux-démocrates d’extrême gauche ». Il estimait prématurée la création du Parti communiste autrichien le 3 novembre 1918. Néanmoins, il y adhéra trois semaines plus tard avec son groupe. Il fut à cette époque le chef communiste le plus connu et joua un rôle de premier plan : directeur du journal du Parti communiste Weckruf (Le Réveil), il fit partie du directoire de quatre membres créé le 25 mai 1919 par l’émissaire de Bela Kun, Bettelheim, à la place de l’ancienne direction du Parti et qui prit la décision de la tentative d’insurrection manquée du 15 juin 1919. Il fut le porte- parole du P.C. autrichien au IIIe congrès du Komintern en 1921 qui l’élut au Comité exécutif. Il déploya une activité journalistique intense et prit activement part aux discussions sur le sujet brûlant de l’époque : ainsi, il se prononça contre le principe d’une grande Allemagne socialiste, et développa la thèse d’une fédération socialiste danubienne et balkanique. Il siégea au Comité directeur du parti jusqu’en juin 1924 et joua un rôle prépondérant dans la lutte fractionnelle violente qui déchira l’organisation. Avec Toman, il fut le chef de file de l’« aile droite ». Il fut alors — juin 1924 — convoqué à Moscou avec Frey, le chef de la fraction, rivale, à la réunion plénière du Comité exécutif du Komintern, où on exigea qu’ils missent immédiatement fin à leurs divergences fractionnelles et personnelles. Ce rappel à l’ordre demeura sans effet. Koritschoner, qui fut à partir de 1924 responsable de l’hebdomadaire syndical communiste die Rote Gewerkschaft (Le Syndicat rouge), fut appelé à Moscou en 1928 par Boukharine et on lui confia un travail subalterne à l’internationale des syndicats rouges (I.S.R.). Il fut arrêté lors des grandes purges en 1937 et expédié dans un camp de travail. Le 7 avril 1941, il fut livré à Lublin à la Gestapo, transféré d’abord à Vienne, puis, le 8 juin, à Auschwitz où il fut fusillé dès son arrivée. Sa mère et sa sœur qui étaient restées à Vienne connurent le même sort au camp de concentration de Theresienstadt.
Koritschoner figure parmi les communistes étrangers réhabilités lors du XXe congrès du P.C.U.S.
Par Georges Haupt
ŒUVRES : Was will die Kommunistische Partei ? (Que veut le Parti communiste ?), Vienne, 1919, 16 p. — Inédit : Die œsterreichische Arbeiterbewegung während des Krieges und der Revolution (Le Mouvement ouvrier autrichien pendant la guerre et la révolution). Manuscrit dactylographié, collection Herbert Steiner ; de larges extraits ont été publiés en russe dans la revue Proletarskaja Revoïjucija, 1930. —• « Der Jännerstreik und seine Vorgeschichte » (La Grève de janvier et sa préhistoire), in Theorie und Praxis, Vienne, 1970, n° 2-3, pp. 8-13.
SOURCES : Lucie Laurat, « Le Parti communiste autrichien », in Contributions à l’histoire du Komintern, Genève, 1965. — Herbert Steiner, Die kommunistische Partei Œsterreichs von 1918-1933, Bibliographische Bemerkungen (Le Parti communiste d’Autriche de 1918 à 1933. Remarques bibliographiques), Vienne, 1968. — Ja. G. Temkin, Lenin i mezdunarodnaja socialdemokratija 1914-1917 (Lénine et la social- démocratie internationale), Moscou, 1968. — Hans Hautmann, Die Anfänge der Linksradikalen Bewegung und der K.P.Œ. 1916-1919 (Les Débuts du mouvement d’extrême gauche et du P.C. autrichien), Vienne, 1970.