Par Yvon Bourdet
Né le 22 janvier 1911 à Vienne ; dirigeant de la Jeunesse socialiste ; président du Parti socialiste autrichien depuis 1968 ; chancelier fédéral depuis mars 1970.
Bruno Kreisky est originaire d’une famille de médecins, de professeurs, d’industriels et d’hommes politiques. Son grand-oncle, Josef Neuwirth, fut député au « Reichsrat » (Conseil d’Empire) au siècle dernier. Bruno fit des études de droit et d’économie politique à l’Université de Vienne et obtint le doctorat en droit. En 1926, il adhéra aux Jeunesses socialistes et, en 1933, fut élu président de la commission d’éducation des Jeunesses de toute l’Autriche. Après février 1934, il fut un des dirigeants de l’organisation clandestine des Jeunesses socialistes révolutionnaires. Avec Felleis, il se rendit en mars-avril à Brno où il eut un entretien politique important avec Otto Bauer. Il participa à la conférence des Socialistes Révolutionnaires à Brno à Noël 1934 et, à son retour, fut arrêté lors des vagues d’arrestations de fin janvier 1935. Il fut un des accusés pour haute trahison du procès des Socialistes Révolutionnaires en mars 1936 et condamné à un an de prison. Devant le tribunal, Kreisky défendit les principes du socialisme et s’éleva courageusement contre l’austrofascisme. Après l’Anschluss en mars 1938, il fut arrêté. Après cinq mois de détention, il réussit à échapper à la déportation à Dachau en gagnant d’abord le Danemark, puis la Suède.
Durant son exil, Kreisky continua des études d’économie politique et participa aux activités de l’émigration socialiste. Il aida notamment des soldats autrichiens qui, incorporés dans les troupes allemandes stationnées en Norvège et au Danemark, avaient pu passer en Suède. De 1939 à 1945, il fut conseiller technique et juridique de la coopérative des consommateurs de Stockholm et correspondant de plusieurs journaux d’Europe occidentale.
Après 1945, à la demande du gouvernement suédois, Kreisky organisa des secours pour l’Autriche et prépara la reprise des relations diplomatiques entre l’Autriche et les pays scandinaves. Lors de son voyage officiel en Suède, le chancelier Schärf lui proposa d’entrer dans la diplomatie de la République autrichienne renaissante et, de 1946 à 1950, il travailla à l’ambassade d’Autriche à Stockholm. En 1951, il fut rappelé à Vienne en qualité de directeur-adjoint du cabinet du président de la République, Theodor Kœrner.
En 1953, Bruno Kreisky devint secrétaire d’État aux Affaires étrangères ; il prit part à la conférence de Berlin en 1954 et aux négociations de Moscou sur le « Traité d’État », en 1955. En 1959, il fut élu député au Conseil national. Ministre des Affaires étrangères de 1959 à 1966, il mena les pourparlers sur l’adhésion de l’Autriche à E.F.T.A. (European Free Trade Association) et ceux relatifs à un arrangement avec le Marché commun. Il s’efforça d’assurer la protection de la minorité autrichienne en Italie (Tyrol du sud) et la normalisation des relations entre l’Autriche et les États de l’Europe de l’Est.
En 1964, il fonda l’Académie diplomatique. Président-adjoint du Parti socialiste autrichien depuis 1959, il fut élu, en 1967, chef du parti de la Basse-Autriche et, l’année suivante, président du parti pour toute l’Autriche. En même temps, il exerçait de nombreuses fonctions dans diverses organisations culturelles, scientifiques et économiques. Après les élections de mars 1970, Kreisky devint chancelier fédéral d’Autriche, à la tête d’un cabinet socialiste.
Négociateur habile, Kreisky n’avait cependant pas ce goût des compromis savamment équilibrés qu’on attribue aux Viennois. Partisan résolu d’un socialisme moderne « à la suédoise », il éprouva quelques difficultés pour s’imposer au sein de son propre parti qui comprenait un certain nombre de vieux militants restés fidèles aux thèses traditionnelles du marxisme. Tout en insistant sur son admiration pour les théoriciens de l’austromarxisme et pour Otto Bauer en particulier, Kreisky estimait qu’il fallait renoncer au verbalisme idéologique qui ne correspondait plus aux réalités économiques et politiques de la seconde moitié du vingtième siècle. Pour soutenir ce point de vue, il écrivit de nombreux articles et plusieurs ouvrages.
Par Yvon Bourdet
ŒUVRES : Die Herausforderung — Politik an der Schwelle des Atomzeitalter (Le Défi, Politique au seuil de l’ère atomique), Vienne 1963. — Die Neutralität Œsterreichs (La Neutralité de l’Autriche), Vienne, 1960. — Œsterreich und die europäische In-tegration (L’Autriche et l’intégration européenne), Vienne, 1965. — Die Aufgaben der Sozialistischen Partei Œsterreichs (Les tâches du Parti socialiste autrichien), Vienne 1969.
SOURCES : Walter Wisshaupt, Wir kommen wieder !... (Nous reviendrons !...), Vienne, 1967.