Par Georges Haupt
Né le 22 février 1897 à Vienne ; journaliste et écrivain socialiste ; un des fondateurs du mouvement socialiste révolutionnaire en février 1934.
Leichter fit des études de droit et de sciences politiques à l’Université de Vienne et, en 1920, soutint sa thèse de doctorat. Il adhéra en 1918 à l’Association des étudiants socialistes et, l’année suivante, devint membre du Comité directeur de cette organisation. Au cours de l’été de 1919 il fut, avec sa future épouse Käthe Pick, une des figures les plus éminentes du groupe « Neue Linke » (Nouvelle Gauche) qui se proposait de réveiller et de maintenir l’esprit révolutionnaire au sein du Parti social-démocrate. Il commença dès lors à collaborer à la revue théorique des sociaux-démocrates autrichiens, Der Kampf (Le Combat). En 1921, il devint responsable du plus grand ensemble d’entreprises socialisées de l’époque, l’Arsenal. Il entra ensuite, en 1925, à la rédaction de l’Arbeiter Zeitung (Journal des Travailleurs) et s’y occupa des questions économiques et syndicales. A partir de 1930, il fut aussi rédacteur parlementaire. Doué d’une grande capacité de travail, journaliste fécond, il fut aussi l’auteur de nombreuses études théoriques et économiques. Très proche d’Otto Bauer et de son entourage, Leicnter se situa à l’aile gauche du parti. Il se montra critique envers la position défensive du Comité directeur en face de la menace fasciste et exigea qu’on agît, qu’on se battit.
Le 12 février 1934 ne surprit ni Leichter ni son ami Oscar Pollak, rédacteur en chef de l’Arbeiter Zeitung. Echappant à l’arrestation, Leichter entreprit immédiatement de mettre sur pied une organisation clandestine. Avec Oscar Pollak, il fut, fin février, le fondateur du premier noyau dirigeant (Groupe central des cinq) du parti illégal qui prit un mois plus tard le nom de Comité central des Socialistes révolutionnaires d’Autriche. Il se rendit le 2 mars à Brno pour informer Otto Bauer. De Tchécoslovaquie, il gagna Zurich où il fonda un service d’information et rédigea sous le pseudonyme de Pertinax un important ouvrage sur les raisons de la victoire du fascisme et du déclin de la social-démocratie autrichienne. Il rentra à Vienne en septembre 1934 et joua un rôle central dans l’activité clandestine. Il fut l’inspirateur de la plate-forme la plus cohérente de lutte qui préconisa l’unité prolétarienne et une collaboration étroite avec les communistes. Arrêté le 2 mars 1935 et relâché deux mois plus tard, il entra en conflit avec le nouveau président du Comité central des Socialistes révolutionnaires, Buttinger, Les divergences portaient sur les rapports avec les communistes et sur la question des syndicats. Dès lors, son champ d’activité se situa dans les syndicats libres et il dirigea l’ensemble de la presse syndicale clandestine. Homme de confiance d’Otto Bauer, il maintint la liaison entre l’ancienne direction à l’étranger et le Comité central clandestin des Socialistes révolutionnaires de Vienne.
Après l’Anschluss, le 12 mars 1938, il gagna Brno d’où il se réfugia en France alors que sa femme et ses deux enfants étaient arrêtés et déportés. A Paris, il fut membre de la représentation à l’étranger des socialistes autrichiens et du comité de rédaction de la revue Sozialistischer Kampf (Lutte socialiste). Après la débâcle de 1940, en septembre, il parvint à s’embarquer pour les États-Unis. Il poursuivit son activité militante à New York, fut l’une des figures centrales de l’émigration socialiste autrichienne et publia avec Sailer l’Austrian Labor Information. Il rentra à Vienne après la guerre et, en 1947-1948, travailla à la Chambre des ouvriers et employés et fut le rédacteur en chef de la revue Arbeit und Wirtschaft (Travail et économie). Il retourna en 1948 aux États-Unis où il fut le correspondant de plusieurs publications européennes, en particulier de l’Arbeiter Zeitung et, à partir de 1956, de l’agence de presse allemande D.P.A. Dans la clandestinité, Leichter écrivit sous les pseudonymes de Pertinax, Georg Wieser, Konrad Hueber, Heinrich Berger. Il est l’auteur de nombreux ouvrages consacrés notamment à l’histoire du mouvement clandestin en Autriche. On lui doit aussi une biographie d’Otto Bauer.
Par Georges Haupt
ŒUVRES : Die Wirtschaftsrechnung der sozialistischen Gesellschaft (Le Calcul économique de la société socialiste), Vienne, 1923, 111 p. —Die Sprengung des Kapitalismus (L’éclatement du capitalisme), Vienne, 1932, 171 p. — Ende des demokratischen Sozialismus ? (Fin du socialisme démocratique ?), Vienne, 1932, 38 p. — Barbarei oder Sozialismus (Barbarie ou socialisme), Karlsbad, 1935, 24 p. — Œsierreich 1934 (L’Autriche en 1934), Zurich, 1934 (ouvrage publié sous le pseudonyme de Pertinax), 309 p. —Ein Staat stirbt (La mort d’un État), Paris, 1938. — Der Versuch einer berufsständischen Gewerkschaft (Essai d’un syndicat corporatif), Archives d’histoire sociale, Leyden, 1939. — Amerika in der Weltpolitik (l’Amérique dans la politique mondiale), Vienne, 1947. — Was will der Marshallplan ? (Que veut le plan Marshall ?), Œ.G.B.-Verlag, Vienne, 1948. — Amerika wohin ? (Amérique, où vas-tu ?), Europa-Verlag, Vienne, 1954. — Glanz und Ende der Ersten Republik. Wie es zum œsterreichischen Bürgerkrieg kam. (Splendeur et fin de la première République. Origine de la guerre civile autrichienne), Vienne, 1957, 256 p. — Œsterreichs Freie Gewerks¬chaften im Untergrund (Les Syndicats libres autrichiens dans la clandestinité), Europa- Verlag, Vienne, 1963. — Weltmacht im Hintergrund (Une grande puissance dans l’ombre), Europa Verlag, Vienne, 1964,144 p. — Zwischen zwei Diktaturen. Die Revo¬lutionären Sozialisten Œsterreichs 1934-1938 (Entre deux dictatures. Les Socialistes Révolutionnaires d’Autriche 1934-1938), Europa-Verlag, Vienne, 1968, 468 p. — Otto Bauer, Tragœdie oder Triumph (Otto Bauer, Tragédie ou triomphe), Europa- Verlag, Vienne, 1970, 396 p. — une lettre (1929) à K. Kautsky, Institut international d’Histoire sociale, Amsterdam.
SOURCES : Notice autobiographique. — Enzo Collotti, « La sconfltta socialista del 1934 e l’opposizione antifascista in Austria flno al 1938 », Rivista Storica del Socialismo, n° 20, 1963, pp. 387-432. — J. Buttinger, Le Précédent autrichien, Paris, Gallimard, 1956, 564 p. — Walter Wisshaupt, Wir kommen wieder !... (Nous reviendrons !...), Vienne, 1967.