Né le 12 octobre 1869 à Padechau en Moravie ; mort à Vienne le 8 mai 1944 ; rédacteur à l’Arbeiter Zeitung ; dirigeant social-démocrate.
Le père de Karl Leuthner était ingénieur des mines à Padechau. Karl fréquenta le lycée de Brünn (Brno) et fit son droit à l’Université de Vienne. Ses études sur Marx et Lassalle lui donnèrent l’occasion d’entrer en relations avec Victor Adler.
Comme Victor Adler et Engelbert Pernerstorfer, il vint au socialisme à travers le mouvement pan-allemand dans lequel il voyait l’héritier de la révolution de 1848. Le mouvement socialiste était pour lui la continuation de cette tradition et il concevait l’émancipation des peuples opprimés de la monarchie comme une prééminence de la nation allemande. En même temps, il était très conscient de ce qui le séparait des libéraux et de la réaction et il ne se faisait pas faute d’exposer son point de vue en public ; excellent orateur, il savait persuader les autres de la justesse de ses intuitions par une argumentation ordonnée. Ses idées lui avaient valu l’hostilité particulière des cléricaux, très puissants à la cour.
A la suite du meeting auquel il participa le 14 mars 1893 à Vienne, à l’occasion du dixième anniversaire de la mort de Karl Marx, le ministre de la Guerre ordonna la dégradation du lieutenant de réserve de cavalerie Leuthner et son affectation à l’infanterie comme simple soldat sous prétexte que l’appartenance au Parti social-démocrate était incompatible avec l’honneur d’un officier.
Lorsque, le 1er janvier 1895, l’Arbeiter Zeitung (Journal des Travailleurs) devint quotidien, Leuthner entra à la rédaction au poste de responsable de la politique extérieure, poste qu’il devait conserver jusqu’en 1934. Un des plus brillants journalistes et des meilleurs orateurs sociaux-démocrates, il joua dès lors un rôle politique important dans le parti. Il fut l’un des artisans de la grande campagne des années 1905-1907 pour le suffrage universel. Lors des élections de 1911, il fut élu député au « Reichsrat » (Conseil d’Empire).
La guerre ayant éclaté, K. Leuthner vit venir l’effondrement de la monarchie, mais il n’en espérait pas moins que le peuple allemand sortirait victorieux et renforcé de cette épreuve. L’opposition entre la gauche, groupée autour de Friedrich Adler et de Danneberg, et la droite autour de Leuthner et de Renner enthousiasmés par l’idée de « l’Europe centrale » de Friedrich Naumann, aurait abouti à une scission du parti sans l’intervention de Victor Adler connu pour ses talents de conciliateur. Les oppositions n’en persistèrent pas moins dans le parti après 1918, notamment entre Leuthner et Otto Bauer.
Après la disparition de la monarchie, Leuthner se montra ardent partisan du rattachement de la petite Autriche à l’Allemagne et joua un rôle actif dans la Ligue populaire austro-allemande (Œsterreichisch-deutscher Volksbund). Elu au « Nationalrat » (Conseil national) en 1919, siège qu’il conserva jusqu’en 1933, il y fut un orateur très écouté. Il mena une lutte acharnée contre le gouvernement de coalition, dont il précipita la chute, le 10 juin 1920, par son duel oratoire avec le chrétien-social L. Kunschak. Anticlérical de toujours, il dirigeait ses attaques contre les visées politiques du prélat Ignaz Seipel et plus généralement contre la domination du clergé qui aspirait à imposer une législation d’inspiration catholique, surtout en matière scolaire et matrimoniale. Avec Otto Glœckel, il tenta d’imposer l’école unique et laïque afin de libérer les enfants des ouvriers de l’ignorance et de l’étroitesse d’esprit, ce qui lui paraissait une des tâches essentielles du socialisme.
Il cessa toute activité après février 1934, profondément déçu par la défaite. Malgré ses idées pangermanistes, il fut loin de se réjouir de l’Anschluss hitlérien et resta fidèle à ses attachements « quarante-huitards ». Emigré de l’intérieur, il mourut, dans la solitude, à Vienne, le 8 mai 1944.
Après sa mort, sa femme, Klara Leuthner, révolutionnaire russe émigrée d’origine juive, fut déportée au camp de concentration de Theresienstadt. Elle survécut à sa déportation et mourut à Vienne le 9 septembre 1951.
ŒUVRES : Arbeiterschaft und Zwischenhandel, Vienne, 1902, 27 p. — Gegen die Klerikalen (Contre les cléricaux), Vienne, 1907, 32 p. — Wehrgesetz des Unrechts und des Privilegs (Loi de l’injustice et des privilèges), Vienne, 1912, 23 p. — Bankrott unserer Balkanpolitik (La faillite de notre politique balkanique), Vienne, 1913, 32 p. — Russischer Volksimperialismus (L’impérialisme populaire russe), Berlin, 1915, 81 p. — Das Ende der Monarchie (La Fin de la Monarchie), Vienne, 1919, 3 p. — Verfassung und Sozialdemokratie (Constitution et social-démocratie), Vienne, 1920, 72 p. — Der Raubzug der Pfaffen auf den Staatsäckel (La razzia des curés sur la bourse de l’Etat), Vienne, 1921, 24 p. — Religion und Sozialdemokratie (Religion et social-démocratie), Vienne, 1923, 24 p. — Frau, Christentum und Sozialismus (La Femme, le christianisme et le socialisme), Vienne 1925, 16 p. — Die Konkordatsschule (L’ÉcoIe issue du Concordat), Vienne, 1925, 15 p.
SOURCES : Neuf lettres (1894-1896) à Kautsky, Institut international d’histoire sociale, Amsterdam. — Werk und Widerhall. Grosse Gestalten des österreichischen Sozialismus (L’Œuvre et son écho. Grandes personnalités du socialisme autrichien), édité par Norbert Leser, Vienne, 1964.