NETTLAU Max

Par Renée Lamberet

Né le 30 avril 1865 à Vienne ; mort le 23 juillet 1944 à Amsterdam ; militant et historien de l’anarchisme.

Max Nettlau était fils du jardinier de la Cour, appelé de Prusse en Autriche, homme libéral et de condition, aisée, ce qui lui permit une liberté de formation et des études approfondies qui l’entraînèrent vers la langue celtique ; sa thèse de doctorat est intitulée Beiträge zur cymrischen Grammatik (Essais sur la grammaire cymrisque, Leipzig, 1887). Il mit son érudition linguistique au service de son œuvre historique.
Ses longs séjours à Londres et la critique qu’il retira de ses études l’amenèrent au socialisme et à l’anarchisme, idéal antiétatique et fédéraliste qui vint à coïncider après 1882 avec l’anarchisme communiste, toujours dans un sens libre et humain.
Très tôt, il s’orienta vers l’histoire de la Première Internationale et de Bakounine ; déjà se manifestait sa double vocation d’historien de l’anarchisme et de collectionneur : ce fut le centre de toute sa vie. A la mort de son père, en 1892, il avait hérité d’un petit bien qui lui permit de mener une vie d’investigateur, modeste, mais indépendante, partageant son temps entre les principaux centres de ses études, Vienne, Berlin, Londres, Paris, Genève, puis Barcelone ; il fréquentait tous les milieux anarchistes européens, ce qui lui permit de rassembler une masse énorme de documents.
Sa biographie est l’histoire de ses travaux, qu’il n’est pas possible de présenter ici dans leur intégralité : ils sont considérables, en grande partie encore inédits, ou dispersés dans une cinquantaine de revues (surtout anarchistes) auxquelles il collabora ; nous ne pouvons en mentionner que les principaux.
A la fin du XIXe siècle, selon le désir d’Elisée Reclus, il fit publier la Bibliographie de l’Anarchie (Bruxelles, 1897), avec une introduction d’E. Reclus. Egalement à la fin de ce siècle, il écrivit la volumineuse Vie de Michel Bakounine (en langue allemande), et devant l’impossibilité de trouver un éditeur, il la multicopia en cinquante exemplaires qu’il distribua aux principales bibliothèques européennes et à des amis. Il compléta par la suite ses recherches et rédigea de nouveaux appendices et écrits relatifs à Bakounine, à son influence en Italie, en Espagne, et commença la publication des œuvres complètes de Bakounine, travail resté inachevé.
Il publia deux grandes études biographiques d’anarchistes éminents, Elisée Reclus et Malatesta : Errico Malatesta : Das Leben eines Anarchisten, Ed. Der Syndikalist, Berlin, 1922 (traduction en espagnol, Errico Malatesta : La vida de un Anarquista, Buenos Aires, La Protesta, 1923, et Barcelone, 1933, Ed. « La Revista Blanca »), Elisée Reclus — Anarchist und Gelehrter, 1830-1905, Ed. Der Syndikalist, Berlin, 1928, traduite et publiée à Barcelone par les éditions de « La Revista Blanca », 1928. Nettlau avait également réuni des données sur bien d’autres anarchistes, Kropotkine, Fernand Pelloutier, et ne manqua pas de rappeler, dans les revues et journaux des deux continents, la pensée et l’action de ceux qui disparaissaient et qu’il connaissait bien.
Il rédigea en outre une histoire de l’anarchisme, dont seulement les trois premiers volumes ont été publiés par la maison d’édition berlinoise, Der Syndikalist, en 1925,1927 et 1931 ; ces volumes se rapportent à la période qui s’étend des origines à 1886. Le reste, quatre tomes supplémentaires, est encore inédit. Une brève histoire de l’anarchisme a été éditée à Barcelone en 1935 : La Anarquia a través de los. tiempos.
De lui sont aussi de nombreux articles sur l’histoire des idées, les formes de propagande, dans lesquels il exprime aussi sa propre conception : son sentiment intime était que « toute conception libertaire â le même droit à la vie », ce qu’il désignait dès la fin du XIXe siècle sous le terme de coexistence « Zusammenleben ». Il était éloigné de tout sectarisme, y compris du « socialisme scientifique » qui, selon lui, essayait de détruire les autres formes de socialisme, et il pensait que la recherche devait s’orienter vers l’observation la plus intensive au lieu de partir de conceptions d’ensemble.
Nettlau avait été ruiné par la défaite des puissances centrales après la Première Guerre mondiale : il mena dès lors Une vie très difficile, n’ayant pour ressources que les maigres revenus de ses articles, et finalement l’appui de quelques amis fidèles de Suisse. Malgré diverses offres, il ne parvenait pas sentimentalement à se défaire de ses si riches collections ; c’est seulement à la fin de sa vie, menacé par l’entrée des nazis à Vienne, qu’il accepta, sur l’insistance de la bibliothécaire de l’institut International d’Histoire Sociale, d’Amsterdam, de céder à cet Institut ses manuscrits et collections, en 1935, moyennant leur sauvegarde et le refuge qu’il trouva en Hollande. Il mourut à Amsterdam le 23 juillet 1944/
Son biographe est Rudolf Rocker : Max Nettlau. El Herodoto de la Anarquia, Mexico, 1950, 315 pp., avec une bibliographie. Nettlau lui- même a écrit, à la demande de Mme Adama Van Scheltema, la bibliothécaire de l’époque de l’I.I.S.G., Biographische und bibliographische Daten, 1940, 39 pp. mss, publiées dans le Bulletin de l’Institut, en 1969, t. III, par les soins de M. Rudolf de Jong, avec une présentation de Mme Van Scheltema. Par ailleurs, ses amis suisses l’avaient incité à raconter les souvenirs de sa vie. ce qu’il fit en un très volumineux manuscrit ; ce travail ayant été emporté pendant l’occupation allemande, il rédigea un second texte, seulement d’après ses souvenirs. Les deux sont maintenant à l’I.I.S.G. Nettlau, durant sa vie, s’était très peu préoccupé de la publication et de la propagation de ses ouvrages, à l’exception de la grande biographie de Bakounine. Aussi son œuvre écrite est-elle encore en grande partie inédite.
Se référer pour compléments au Dictionnaire biographique, Anarchisme.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article197596, notice NETTLAU Max par Renée Lamberet, version mise en ligne le 23 avril 2019, dernière modification le 3 janvier 2020.

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