POPP Adelheid [née DWORAK]

Par Georges Haupt

Née et morte à Vienne : 11 février 1869 — 7 mars 1939 ; ouvrière du textile ; fondatrice et dirigeante du mouvement des femmes ouvrières social-démocrates ; écrivain.

Adelheid Dworak naquit dans une famille pauvre de Vienne, originaire de Bohême. Elle aurait aimé continuer ses études après l’école primaire, mais la mort de son père la contraignit à travailler. Dans l’usine de textile où elle fut embauchée, elle adhéra au syndicat et commença à militer à l’Association d’éducation des ouvrières créée en 1890 par le Parti social-démocrate. Elle sympathisait alors avec l’opposition dirigée par Hanser qui à l’automne de 1891 s’organisa sous le nom de « socialistes indépendants », et qui critiqua la tactique et le programme du Parti Social-démocrate et avant tout le « régime du Dr. Adler ». Ce fut pourtant Victor Adler qui remarqua cette jeune militante dynamique, bonne oratrice et qui soutint son action pour la conquête des droits des femmes travailleuses. Le 1er janvier 1890 paraissait l’Arbeiterinnen-Zeitung (Journal des Ouvrières). L’article de fond était signé par Adelheid Dworak qui devint le rédacteur en chef du journal le 15 octobre 1892. Emma Adler, qui collaborait à cette publication, perfectionna l’orthographe et la grammaire d’Adelheid et s’occupa de son éducation culturelle. L’Arbeiterinnen-Zeitung devint le centre du mouvement social-démocrate naissant parmi les femmes, et Adelheid déploya une intense activité de militante. Oratrice, journaliste, organisatrice, elle parcourut toute l’Autriche, prenant la parole dans des centaines de réunions publiques. Cette vaste campagne pour la protection des ouvrières, pour le « salaire égal à travail égal » et l’égalité politique des femmes fut menée par cette militante jeune, jolie et intelligente dont l’influence s’étendait au-delà du Parti social-démocrate. Elle devint la bête noire des autorités, acquit la réputation d’une agitatrice, d’un « meneur dangereux ». Elle fut arrêtée et traduite en justice à plusieurs reprises. Ce « phénomène » intrigua la bourgeoisie comme en témoigne cette description du Interessantes Blatt (Journal intéressant) de décembre 1892 : « Cette jeune fille d’à peine vingt ans, qui, il y a peu de temps, était encore ouvrière dans une fabrique de paniers pour un salaire hebdomadaire de 6 gulden (Florins) qui lui servait aussi à nourrir sa vieille mère, s’est hissée en autodidacte appliquée au rang de rédacteur en chef de l’Arbeiterinnen-Zeitung et manie actuellement la plume et la parole avec le même brio ». Engels admirait également cette jeune ouvrière attirante et pleine de vivacité qu’il rencontra en septembre 1893 au congrès socialiste international de Zurich où Adelheid était la première femme déléguée par le Parti social-démocrate autrichien à un congrès de la IIe Internationale. Lors de son séjour à Vienne, la même année, Engels s’empressa de lui rendre visite en compagnie de Bebel. En 1894, elle épousa Julius Popp, un des dirigeants du Parti, administrateur de l’Arbeiter-Zeitung (Journal des travailleurs), de vingt ans son aîné. Il devait mourir huit ans plus tard. Ils formèrent un couple de militants intimement liés. La lutte d’Adelheid fut couronnée à Pâques 1897 par la première conférence des femmes social-démocrates de l’Empire. Il fallut vaincre de grandes difficultés pour la faire aboutir : non seulement les résistances des autorités, mais aussi l’incompréhension et l’hostilité de certains syndicats. Adelheid Popp fut rapporteur au congrès de Brno de 1899 de l’ensemble du parti sur le mouvement des femmes et fut la première femme à siéger au Comité directeur.
A partir de 1903, elle siégea sans interruption à l’exécutif du Comité des femmes de l’Empire (Frauenreichskomitee) et joua un rôle important dans la création en 1909 de « l’organisation politique libre des femmes » dont la carte de membre était considérée comme une adhésion au Parti social-démocrate. Adelheid Popp prit une part active à tous les congrès de son parti et à ceux de la IIe Internationale. Membre du bureau international des femmes dès sa création en 1907, elle en fut longtemps la présidente à partir de 1921.
Après l’effondrement de la Monarchie, elle entra au Conseil municipal de Vienne et, en février 1919, elle fut l’une des sept premières femmes élues à l’Assemblée nationale constituante. Elle siégea au « Nationalrat » (Conseil national) jusqu’en 1934.
Après les événements de février 1934, elle se vit privée de tout travail. Les dernières années de sa vie furent assombries par la maladie. En dépit de la terreur que faisait régner la Gestapo, son enterrement donna lieu à une manifestation de ses camarades.
Adelheid Popp fut aussi un écrivain fécond : récits autobiographiques, brochures de propagande et de défense des femmes ouvrières ; elle écrivit également une histoire du mouvement des femmes social-démocrates d’Autriche. Certaines de ses œuvres, comme l’Histoire de la jeunesse d’une ouvrière, préfacée par August Bebel, connurent un grand retentissement et furent traduites dans de nombreuses langues.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article197628, notice POPP Adelheid [née DWORAK] par Georges Haupt, version mise en ligne le 23 avril 2019, dernière modification le 18 novembre 2019.

Par Georges Haupt

ŒUVRE : Une bibliographie de ses livres et de ses brochures a été donnée dans Archiv. Citons les principaux : Freie Liebe und bürgerliche Ehe (Amour libre et mariage bourgeois). Défense au procès du 30 septembre 1895, Vienne, 1895, 16 p. — Die Arbeiterin im Kampf ums Dasein (L’ouvrière en lutte pour l’existence), Vienne, 1895, 32 p. — Die Jugendgeschichte einer Arbeiterin (La Jeunesse d’une ouvrière), Munich, 1909, 87 p. Traduction française de M. Valette, préface de Â. Bebel, avant- propos de A. de Morsier, Lausanne, 1913, in-16, 160 p., portrait, Bibl. Nat. Paris, 8° M 17 026. — Schutz der Mutter und dem Kinde (Protection de la mère et de l’enfant), Vienne, 1910, 30 p. — Mädchenbuch (Journal d’une jeune fille), Vienne, 1911, 32 p. — Haussklavinnen (Esclaves domestiques), Vienne, 1912, 31 p. — Erinnerungen aus meinen Kindheits und Mädchenjahren (Souvenirs de mes années d’enfance et d’adolescence), Stuttgart, 1915, 95 p. — Frau —, Arbeiterin —, Sozialdemokratie (Femme, ouvrière, social-démocratie), Vienne, 1916, 30 p. — Der Weg zu Hœhe. Die sozialdemokratische Frauenbewegung in Œsterreich (Le Chemin des sommets. Le mouvement social-démocrate des femmes en Autriche), Vienne, 1929, 149 p.
Quatre lettres (1894-1929) à K. Kautsky sont à l’institut international d’Histoire sociale à Amsterdam.

SOURCES : Werk und Widerhall. Grosse Gestalten des œsterreichischen Sozialismus (L’Œuvre et son écho. Grandes personnalités du socialisme autrichien), édité par Norbert Leser, Vienne, 1964.

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