Par Bruno Sokoll
Né et mort à Vienne : 31 octobre 1853 - 29 juillet 1925 ; dirigeant ouvrier ; premier maire social-démocrate de « Vienne la Rouge ».
Jakob était fils naturel d’une couturière de Mœdling, Antonia Reumann, et d’un médecin viennois. Son instituteur à l’école communale, Weisskirchner, était le père du futur maire de Vienne, et de son école sortirent deux autres maires de la capitale : Karl Lueger et lui- même.
Après sa scolarité obligatoire, Jakob entra comme apprenti sculpteur dans une fabrique de pipes en écume de mer. Dès son adolescence, il prit contact avec le mouvement ouvrier et il participa aux grandes manifestations en faveur du droit de vote à Vienne, en 1867. Il adhéra bientôt au syndicat des tourneurs sur bois où il milita activement. On lui confia en 1889 la rédaction du bulletin de son syndicat et il fut élu président de la caisse coopérative d’assurance-maladie.
Au premier congrès des tourneurs sur bois d’Autriche-Hongrie tenu en septembre 1890, il prononça un violent réquisitoire contre l’exploitation des ouvriers non qualifiés et des manœuvres. Son intervention fit beaucoup de bruit. En 1897, il publia la brochure Die Heimarbeit in Œsierreich (Le Travail à domicile en Autriche) dans laquelle il attaquait vigoureusement les conditions du travail à domicile qu’il considérait comme une forme particulière de l’oppression du prolétariat. L’année suivante, il publia un autre pamphlet dénonçant les méthodes de travail des bureaux municipaux de main-d’œuvre et de placement qui consistaient essentiellement à fournir des briseurs de grève.
Jouissant d’une large audience en milieu ouvrier, il se vit confier après le congrès de Hainfeld, en janvier 1889, le premier poste de secrétaire du Parti social-démocrate, qu’il occupa en même temps que celui de premier rédacteur de l’Arbeiter-Zeitung (Journal des Travailleurs) alors encore bihebdomadaire. Il continua à diriger la rubrique de politique sociale lorsque le journal devint quotidien en 1895.
Franz Schuhmeier et lui-même furent en 1900 les premiers sociaux- démocrates élus à l’Hôtel de Ville de Vienne. Battu aux élections de 1901, il fut élu, en 1907, député du Xe arr. de Vienne, Favoriten, au « Reichsrat » (Conseil d’Empire). Il déposa une série de propositions de loi telles que la mise en place de conseils de prudhommes, la réforme de l’assurance-accident, la suppression de la peine infligée aux travailleurs « en rupture de contrat » et la nationalisation des mines de charbon. Majoritaire pendant la guerre de 1914-1918, il fut nommé à la commission du ravitaillement.
Après les succès socialistes aux élections municipales de Vienne, sous la première République, il devint, le 21 mai 1919, le premier maire social-démocrate de la capitale. Les suites de la guerre rendirent sa tâche ardue : l’administration municipale se trouvait en effet devant des difficultés immenses : les caisses de la ville étaient vides, les dettes s’élevaient à plusieurs milliards de couronnes, il n’y avait de quoi payer ni intérêts ni amortissements. Dans la seule ville de Vienne, il y avait plus de cent mille chômeurs et l’on y souffrait d’une très grande pénurie de logements, de lits d’hôpital, d’asiles de vieillards. Les moyens de transport étaient pour ainsi dire inutilisables et les provisions de nourriture consistaient en quelques wagons de navets et de choux à moitié pourris. Surmonter ces difficultés exigeait un travail énergique et en équipe des administrateurs et une définition claire des compétences. Jakob Reumann mena sa tâche à bien grâce à une réforme administrative à laquelle prirent une part prépondérante le professeur Kelsen, le directeur de l’administration communale Hartl et Robert Danneberg. Grâce à Hugo Breitner, responsable des finances, les moyens nécessaires à la réalisation de ces tâches purent être procurés.
J. Reumann conserva son poste de maire de « Vienne la Rouge » jusqu’en 1924 ; il donna alors sa démission en raison de son âge. Il avait également fait partie du « Bundesrat » (Conseil fédéral) dont il avait été président de décembre 1920 à fin mai 1921, puis de décembre 1924 à fin mai 1925. Il mourut le 29 juillet 1925 à Vienne. Même ses adversaires politiques ne lui ménagèrent pas leurs hommages.
Par Bruno Sokoll
ŒUVRE : Die Heimarbeit in Œsterreich (Le travail à domicile en Autriche), Vienne, Î897, 56 p. — Die städtische Arbeitsvermittlung als Mittel im Kampfe gegen die Sozialdemokratie (Les bureaux municipaux de placement comme moyen de lutte contre, la social-démocratie), Vienne, 1898, 32 p. — Nieder mit den Schurken, die dem Volk das Fleisch verteuern (À bas la canaille qui augmente aux dépens du peuple le prix de la viande), 1898, 16 p.
SOURCES : Werk und Widerhall. Grosse Gestalten des œsterreichischen Sozialismus (L’Œuvre et son écho. Grandes personnalités du socialisme autrichien), édité par Norbert Leser, Vienne, 1964.