TRIPIER Michel

Par Rémy Gaudillier

Né le 17 décembre 1927 à Dijon (Côte d’Or), mort le 6 juin 1985 à Dole (Jura) ; instituteur, puis professeur de collège, directeur adjoint de collège ; militant syndicaliste du SNI ; militant du Mouvement de libération du peuple (MLP), UGS et PSU dans le Jura ; militant écologique.

Michel Tripier naquit à Dijon de Louis, agent de maîtrise puis adjudant chef au 186e régiment d’artillerie, et de Soucier Célina, restée au foyer pour s’occuper de ses quatre enfants. Le milieu familial était influencé par le christianisme, via la CFTC et le scoutisme. Après des études au lycée public puis à l’École normale d’instituteurs de Dijon, Michel Tripier fut nommé instituteur à l’Abergement-les-Seurre en 1950, puis dans le Jura à Souvans, dans une classe unique en 1951-1952, avant de rejoindre Damparis où il resta en poste jusqu’en1963. Après deux années d’études en faculté à Dijon (propédeutique, certificats de licence d’anglais), il enseigna au collège de Tavaux puis dans le premier cycle du lycée Charles Nodier avant d’être directeur adjoint du collège C.N. Ledoux à Dole.

C’est en février 1950 dans une réunion des équipes enseignantes qu’il rencontra Michelle Hugon, issue du milieu lapidaire de Septmoncel, devenue institutrice à sa sortie de l’École normale de Lons en 1947. Ils se marièrent en 1950, eurent trois enfants et partageaient le même idéal de christianisme social et d’engagement au service d’une société plus juste et fraternelle.

Membre du MLP, Michel créa aussi une Association familiale ouvrière qui facilita largement la vie des familles avec ses machines à laver Hoover circulant à Damparis. D’abord inscrit au SGEN, il prit sa carte au SNI en 1951. Alors que pour nombre de gens de droite le MLP faisait le jeu du communisme, il était accusé de faire celui de la « calotte » par le biais des équipes enseignantes dont les membres devaient venir s’en expliquer dans les réunions cantonales du SNI. Michel Tripier les défendit vivement : « il se trouve qu’après des années, ceux qui en faisaient partie, ont su renforcer chez eux en même temps que leur foi chrétienne, la conscience de la valeur de la laïcité. » La méfiance continua cependant et, en 1957, le MLP fut accusé de diviser la gauche. Pour Michel Tripier, c’était prêter vraiment beaucoup de pouvoir aux deux membres du MLP de la Paroisse universitaire (La voix syndicale, août-septembre 1957), et il « serait plus constructif de participer au renouveau de la Gauche française ! » C’est en tant que candidat MLP qu’il se présenta aux élections législatives de janvier 1956 sur la liste départementale, aux côtés d’Henry Rémy et de Nelly Berthod, conformément à la décision prise par le conseil national du mouvement à Dijon, le 10 décembre 1955. Victimes du vote utile, ils n’obtinrent que 1856 voix (39 026 pour la liste Edgar Faure, 23 387 pour celle du MRP, 20 425 pour celle de Barthélémy du PC qui conservait son siège mais n’avait guère apprécié leur candidature !).

Michel Tripier fut l’âme ouvrière du comité de Tavaux-Damparis pour la Paix en Algérie constitué le 27 juin 1956. Il rédigea des tracts (Appel pour la paix en Algérie, Opération « pickpocket »), lança une campagne de signatures pour une solution pacifique, protesta auprès du Président du conseil, du ministre résidant en Algérie, le 22 mars 1957, contre « les procédés renouvelés de l’époque nazie, employés par certains éléments troubles de l’armée à l’égard des Arabes emprisonnés » et pour « l’arrêt immédiat de ces tortures, l’ouverture d’une enquête sérieuse et le châtiment des coupables ». En avril 1957, Michel Tripier, Raoul Dumax et Jacques Guyot furent inculpés d’atteinte à la sureté extérieure de l’État pour avoir respectivement rédigé, dactylographié, ronéoté le tract « Les méthodes de force en Algérie » distribué les 13 et 14 avril. Après 6 jours de détention à la prison de Besançon, ils furent tous trois laissés en liberté provisoire, avant d’être condamnés le 18 juin par le tribunal correctionnel de Dole : 1 an de prison et 5 ans de privation des droits civiques pour Tripier, c’est-à-dire une interdiction d’exercer pendant 5 ans.

L’affaire suscita un formidable mouvement de soutien provenant de milieux très divers : ecclésiastiques, comité de Résistance Spirituelle émanant de TC, membres de l’ACO , syndicalistes de la CGT, du SNI, de l’UL CFTC, laïcs, communistes… En appel à Besançon , les accusés n’obtinrent que la non application de l’article 42 du code pénal, ce qui permit à Michel Tripier de reprendre son activité à Damparis le 3 janvier 1958. Il continua de lutter contre la guerre d’ Algérie en tant que militant UGS puis PSU, mais c’est le plus souvent au nom du SNI qu’il prit la parole : journée pour la paix de Dole le 27 octobre 60, où il fut le seul intervenant, réunion du 26 novembre 1961 organisée par le comité antifasciste pour la paix et la rénovation démocratique, meeting du 18 février 1962 à l’appel du comité anti OAS de Damparis.

Il avait du mal à s’adapter au fonctionnement du PSU qu’il quitta pour quelques mois en 1961 ; en revanche, il adhéra totalement à la protestation de la section doloise de novembre 1961 contre la poursuite des expériences nucléaires et s’engagea au MCAA (Mouvement contre l’armement atonique) très lié à Dole au PSU, et intervint ainsi lors des marches anti-atomiques de Tavaux-Dole (en juin 1965 et avril 1966) et participa à celle de Lons en avril 1967.

Pour le PSU il fut, avec le soutien de la gauche démocratique et socialiste, candidat aux cantonales du 24 septembre 1967 dans le canton de Chemin, et se présenta aux municipales de Dole en 1977 (pour la commune associée de Goux) sur la liste autogestionnaire, liste qui obtint 6,4 % des voix .En 1967,membre de la commission exécutive du PSU, il fut chargé du bulletin fédéral, dont le premier numéro parut en avril 1977.

Les Renseignements généraux signalaient son fort engagement en mai 1968, puis sa participation en 1973 aux manifestations en faveur de Nicole Mercier, des Lip ,ou du peuple chilien. Ce fut surtout autour de lui que s’organisa la protestation contre l’aérodrome de Tavaux. Il fut l’un des 7 manifestants dénonçant, face à Jacques Duhamel venu l’inaugurer le 28 septembre 1970, ce « don des contribuables au patronat ». La polémique qui n’avait jamais cessé, rebondit le 7 mars 1975 : Michel Tripier dans une réunion publique à la ZUP, constata la diminution du trafic, dénonça la décision du conseil régional de créer un aérodrome d’affaires à La Vèze près de Besançon, et demanda un débat citoyen sur les transports publics.

Après le départ d’Alain Deshayes, il devint responsable de la section de Dole ; partisan de l’autonomie (tendance Piaget ), il déplora le passage de nombreux militants au Parti socialiste derrière Alain Brune, futur député PS, alors secrétaire fédéral. Le PSU se reconstruisit sous la direction d’un nouveau secrétaire fédéral l’abbé Hubert Guyet. Il s’affirma désormais clairement auto gestionnaire et écologiste, continua à soutenir le Larzac et réclama la transition énergétique. Michel Tripier était pleinement en phase avec cette orientation comme le prouva sa présence en juillet 1977 à la manifestation contre le futur site nucléaire de Creys Malville.

Lors de ses obsèques à l’église Saint-Jean-de-Dole le 8 juin 1985, fut rappelé son engagement militant, découlant pour lui de L’Évangile, comme le soulignèrent un laïc, Claude Charbonnier, et deux prêtres, Lucien Converset et Hubert Guyet. En témoignaient aussi les dons au profit du MPCDM fondé par Gabriel Maire, un autre ami de la famille Tripier.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article197672, notice TRIPIER Michel par Rémy Gaudillier , version mise en ligne le 29 novembre 2017, dernière modification le 17 mars 2021.

Par Rémy Gaudillier

SOURCES : Arch. familiales. — Arch. Dép. du Jura, 1683w5 ;1773W28 ;1149w96 ;1782W278 1782W49,1770W281. — La Voix Syndicale, mai-juin 1955, août- septembre 1957.

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