SCHILLER Josef, dit « Seff »

Par Franz Vogel

Né le 29 juin 1846 à Reichenberg (Libérée) en Bohême ; mort lé 16 août 1897 à Germania, Pennsylvanie ; pionnier du socialisme en Bohême ; poète ouvrier.

Fils de pauvres tisserands, Josef Schiller et ses deux sœurs connurent la misère des ouvriers de manufacture des régions pauvres de la Bohême. À l’âge de neuf ans, il perdit son père et dut aller lui-même travailler aux manufactures Liebig. Ces usines employaient encore, en 1860, selon les études de Bräf, 18 % d’enfants qui travaillaient de douze à quinze heures par jour. Schiller décrivit plus tard ainsi ces conditions de travail : « Mes sœurs et moi allions dans une grande usine dans laquelle, à tout moment, on accueillait volontiers, à cette époque, des enfants de six à sept ans. On gagnait souvent plus de coups que de sous ». A dix-huit ans, il perdit aussi sa mère et les enfants se séparèrent. « Seff » partit, mais il ne put trouver nulle part ailleurs des conditions de vie sensiblement meilleures.
En 1866, fut créée à Reichenberg (Libérée) l’Association d’éducation ouvrière. Schiller retourna dans sa ville natale et fut au nombre des ouvriers qui participaient aux réunions tenues par Josef Krosch, membre de la Première Internationale. Schiller prit bientôt la parole aux côtés de Krosch ; il devint l’un des pionniers du mouvement ouvrier socialiste de Bohême et l’un des premiers écrivains ouvriers d’Autriche. En 1869, il se maria. Dès 1870, il participa aux premières manifestations du mouvement ouvrier socialiste. Il s’éleva vigoureusement contre l’incarcération des militants soutiens de famille qui avaient été mêlés aux incidents de Reichenberg (Libérée) les 18 et 19 janvier 1870. Il allait de place en place déclamer ses poèmes et il versait aux victimes l’argent qu’il recueillait dans ses tournées. A cette époque, il devint président de l’Association professionnelle des ouvriers de manufacture. Son travail de propagande, actif et efficace, lui valut d’être fiché sur la « liste noire » des chefs d’entreprise et de ne plus pouvoir trouver un travail normal. Les difficultés financières qui en résultèrent l’obligèrent à déménager et à aller s’installer avec sa famille à Aussig (Usti-nad-Labem).
Il trouva du travail dans une usine de produits chimiques « Die grosse Chemische » et fonda dans cette entreprise un journal, petit mais mordant, Die Brennessel (L’Ortie). Ce fut un succès, mais il perdit de nouveau son emploi. Il dut se mettre encore une fois à chercher du travail et il s’engagea comme mineur à Modlan. Mais il ne pouvait renoncer à sa vocation de propagandiste et il reprit son action militante. Il fut délégué au congrès d’unification des groupes sociaux-démocrates à Neudœrfl en 1874 et fut élu vice-président du congrès. Il fut, par la suite, délégué à presque tous les congrès socialistes de la fin du XIXe siècle.
En 1879, il retourna dans sa famille qui était revenue à Reichenberg (Libérée) et prit la direction de la revue Sozialpolitische Rundschau (Panorama sociopolitique). Il devint bientôt le militant ouvrier le plus populaire de Bohême. En 1882, alors que, la plupart des militants avaient été arrêtés et incarcérés lors du procès qui se déroula à Prague pour constitution de société secrète, il fut chargé de la direction de l’Arbeiter Freund (L’Ami des Travailleurs). Il ne put en faire paraître qu’un numéro : le journal fut interdit et Seff arrêté et condamné à dix mois de prison. Il fut incarcéré douze fois et passa ainsi trois ans en prison. Après sa libération, il fit paraître, le 6 septembre 1883, Der Radikale (Le Radical) ; le 20 novembre 1884, il fut de nouveau arrêté et condamné. En 1894, il quitta la direction du Parti social-démocrate de Reichenberg (Libérée) en raison de différends d’ordre personnel. En mai 1896, il émigra aux États- Unis où il tenta également de combattre pour ses idées. Il espérait pouvoir rentrer dans sa patrie, mais il mourut le 16 août 1897.
Sa première œuvre littéraire fut le poème Sklavenjoch (Esclaves sous le joug). Les quatrième et cinquième strophes sont les suivantes :

Où des milliers de machines
Se meuvent à la vapeur,
Où des milliers d’hommes
A la mine soucieuse s’affairent,

C’est là, si vous en avez envie,
Vous qui vous rengorgez de liberté,
C’est aux usines qu’il faut aller
Et vous verrez des esclaves.

Ses autres poèmes étaient, au début encore, partiellement marqués par des tendances religieuses qui disparurent à partir de 1870 avec le poème Die Konfessionslosen (Les Libres penseurs). Son récit Die Machinen Rösi (Les Machines Rösi) décrit les incidents du 19 janvier 1870 sur la place du marché de Reichenberg où l’ouvrier Fischer fut abattu par la troupe. En 1880, il édita à ses frais (Imprimerie Vilimek à Prague) son premier recueil de poèmes. Mais il dut tenir compte de la censure alors très sévère et supprimer dans son édition un certain nombre de vers de caractère révolutionnaire.
Lors du procès contre les dirigeants du Parti social-démocrate à Prague, la cour présenta l’ébauche d’un de ses poèmes inédits sur la Commune de Paris de 1871. Son œuvre reflète souvent ses graves fluctuations d’humeur. Alors que ses discours étaient toujours gais et empreints d’humour (Voir par exemple son volume Lustige Geschichte (Histoires drôles), ses poèmes sont souvent marqués de mélancolie, tel Der Weg zum besseren Leben (La Voie vers une vie meilleure) qui évoque la mort, ou Des Webers Klagelied (la Complainte du tisserand). Il écrivit des centaines de poèmes dont beaucoup n’ont pas encore été retrouvés. Il fut également l’auteur de plusieurs nouvelles, d’écrits autobiographiques et d’études sur le mouvement ouvrier comme Bilder aus der Gefangenschaft (Images de captivité) publiés à ses frais en 1890. Un certain nombre de ces textes ont paru aux éditions « Freigeist » (Libre pensée) à Reichenberg (Libérée) sous le titre Blätter und Blüten aus dem Kranz meiner Erzählungen (Feuilles et Fleurs de la gerbe de mes récits).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article197689, notice SCHILLER Josef, dit « Seff » par Franz Vogel, version mise en ligne le 23 avril 2019, dernière modification le 9 avril 2019.

Par Franz Vogel

ŒUVRE : Schiller Sefï, Gesammelte Werke (Œuvres complètes), Libérée, 1928, 600 p.

SOURCES : Paul Reimann, Von Herder bis Kisch, Studien zur Geschichte der deutsch-österreichisch tschechische literaturbeziehungen (Etudes sur l’histoire des relations littéraires allemandes, autrichiennes, tchèques) Berlin, 1961, pp. 53-93. — Jiri Koralka, Severocesli Socialist (Les Socialistes de la Bohême du Nord), S.K.N., 1963, 558 p.

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