CHÉRON Georges, Louis. Pseudonyme : RÉMY

Par Rodolphe Prager

Né le 31 décembre 1897 à Montargis (Loiret), mort le 20 octobre 1975 à Corbeil (Essonne) ; métallurgiste ; militant syndicaliste et membre du Parti communiste où il aurait appartenu au comité central, exclu en 1934, rallia le mouvement trotskyste ; combattant en Espagne en 1936-1937 ; participa à l’action trotskyste clandestine sous l’occupation allemande.

Georges Chéron participa à la guerre des tranchées pendant une partie du premier conflit mondial. Au lendemain de celui-ci, il joua un rôle actif dans les grèves de la métallurgie parisienne et adhéra au Parti communiste comme de nombreux syndicalistes révolutionnaires. Il militait dans le rayon de Corbeil-Essonnes du Parti et fut en même temps le secrétaire de l’Union locale de la CGTU. Gérant de la Ceinture rouge, édité par les communistes de Seine-et-Oise, il subit deux mois de contrainte par corps au début de l’année 1931. Il bénéficia d’une incontestable autorité chez ses camarades communistes de la région fort influents ayant conquis la municipalité dès les années 1920. Le rayon de Corbeil-Essonnes dans sa majorité se trouva en opposition avec le cours politique sectaire du Parti en 1934 et, favorable à l’unité d’action avec le Parti socialiste, accorda son appui à Jacques Doriot et le suivit après la rupture avec le Parti communiste. Peu après les événements de février 1934, un meeting unitaire se déroula à Corbeil-Essonnes, au début de mai, où parlèrent aux côtés d’un orateur socialiste et J. Doriot, G. Chéron au nom de la CGTU et son ami R. Zakine* pour la Ligue communiste (trotskyste).

Selon plusieurs témoignages G. Chéron aurait été désigné au Comité central du PC au congrès de Saint-Denis (31 mars-7 avril 1929)[La liste du CC n’avait pas été rendue publique et sa composition est incertaine]. J. Duclos aurait déclaré dans une assemblée que G. Chéron avait été nommé au Comité central « par erreur ». Alors qu’un grand nombre de ses amis de Corbeil-Essones suivirent J. Doriot jusqu’au Parti populaire français, G. Chéron ne cessa d’insister afin qu’ils rompent toute relation avec cette aventure fatale. Au cours d’une réunion à Saint-Denis il se leva dans la salle pour crier « Doriot tu es un menteur » et se fit expulser sans douceur.

On ne retrouvera G. Chéron dans les rangs trotskystes qu’un peu plus tard, vers la fin de 1935, après leur départ du Parti SFIO, vraisemblablement. Il eut, semble-t-il, un moment d’hésitation avant de les rejoindre. Au mois de mai 1936 il fut élu, au Comité central du Parti communiste internationaliste dirigé par P. Frank* et R. Molinier*, à la création de celui-ci. Il appartint également au Comité central du Parti ouvrier internationaliste qui, en juin 1936, unifia pendant un temps les forces trotskystes divisées. Dans une lettre adressée aux dirigeants de ce parti le 21 juillet 1936, G. Chéron s’éleva contre la lutte des fractions internes et les mesures disciplinaires arbitraires qui menaçaient l’unité toute récente du parti à un moment où les masses laborieuses avaient besoin d’une nouvelle force révolutionnaire « pour les entraîner à la conquête du pouvoir, à la suite des positions réformistes et patriotiques prises par les Partis socialistes et communistes ».

Les qualités de cadre ouvrier de G. Chéron se manifestèrent, surtout, au cours de la vague gréviste de juin 1936. Il ne se borna pas seulement à diriger la lutte dans l’entreprise où il travaillait, chez Hotchkiss à Levallois, et à faire du comité de grève de l’usine une structure démocratique exemplaire qui rayonnait sur les localités avoisinantes et impulsait le combat dans les autres entreprises. Le comité de grève des usines Hotchkiss fut, en effet, à l’initiative d’une expérience pilote qui visait à réunir une sorte de congrès des entreprises de la métallurgie en vue d’établir une coordination directe des usines en grève. Une première assemblée de représentants de délégués de 33 usines se tint le 9 juin à l’initiative du comité de grève d’Hotchkiss, les accords de Matignon venant d’être conclus. La revendication du salaire minimum de garantie fut avancée et une seconde assemblée plus large fut convoquée en vue « de constituer un Comité central où seraient représentés les délégués de toutes les entreprises et le syndicat des Métaux ». Cette réunion du 11 juin eut un plein succès. Y assistaient 350 ouvriers représentant 280 usines. « Tous les délégués présents ont jugé très utile de former un comité d’entente entre les usines qui permettra d’envisager pour demain de nouvelles victoires », précisait le communiqué du comité de grève Hotchkiss (l’Humanité du 13 juin). Maurice Thorez ayant prononcé le même jour le fatidique : « il faut savoir terminer une grève », cette expérience n’alla pas plus loin.

Les dirigeants de la Fédération des Métaux ne pardonnèrent pas à G. Chéron cette tentative de structuration démocratique du mouvement, combattirent son influence acquise chez Hotchkiss et la vie lui fut rendue rapidement impossible dans l’usine. C’est l’un des éléments qui détermina G. Chéron à partir en Espagne en août 1936 pour mettre ses compétences dans la fabrication des armements au service de la révolution selon le désir des camarades espagnols. En fait, il fut d’abord engagé comme cadre dans la colonne motorisée du Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM) sur le front de Siguenza, en tenant compte de son expérience militaire. Il dirigea ensuite, sur décision du POUM, l’entraînement des miliciens à Madrid et revint, enfin, à Barcelone pour être affecté à la fabrication d’armes. Il y collabora avec le groupe trotskyste dissident animé par Nicolas Di Bartolomeo (Fosco) qui publiait El Soviet.

G. Chéron combattit sur les barricades à Barcelone pendant « les journées de mai 1937 » qui virent s’affronter les organisations anarchistes et du POUM aux forces conjuguées de la police et des communistes. La chasse aux révolutionnaires étant ouverte, il échappa de peu à l’arrestation et dut rentrer en France en août 1937. Il reprit aussitôt son activité dans le Parti communiste internationaliste. Le 24 septembre G. Chéron fit une relation de toute son expérience en Espagne et tira les enseignements des derniers développements devant un auditoire de 350 personnes. L’exposé suivi d’un débat fut reproduit dans La Vérité, n° 1. de décembre 1937. L’acte d’accusation « contre la trahison et l’espionnage » des dirigeants du POUM venant d’être publié, G. Chéron adressa une lettre de protestation au nom du PCI à l’Ambassade d’Espagne, le 22 juillet 1938.
Réélu, en octobre 1936, pendant son absence, au Comité central du PCI il devait rester membre de la direction de cette organisation jusqu’à l’éclatement de la guerre. Auparavant il adhéra avec ses camarades au Parti socialiste ouvrier et paysan de M. Pivert, en décembre 1938. Son expérience ouvrière et syndicale amena G. Chéron à tenter avec les militants métallurgistes de son parti, de mettre sur pied, en novembre 1937, un Comité d’initiative pour un congrès des entreprises reprenant l’inspiration du comité de grève Hotchkiss de 1936. Il présida et rapporta lors de ces réunions intercorporatives.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, G. Chéron prit part à l’action clandestine de l’ex-PCI. Il fit partie d’une cellule formée à Berlin par des ouvriers trotskystes requis, en contact avec la direction de l’organisation clandestine à Paris et agissant selon ses directives. Ce groupe de militants avait pour mission d’organiser la résistance des travailleurs et étrangers requis, la défense de leurs intérêts et d’établir aussi des relations avec les ouvriers allemands hostiles au régime hitlérien. Après son retour en 1945, G. Chéron limita ses activités avant de les interrompre entièrement du fait de son état de santé déficient et de son âge. Il ne manqua pourtant pas d’assister encore fréquemment aux grands meetings de la Ligue communiste après 1968. Il est mort le 20 octobre 1975 et, chose rare, M. Clément, le maire communiste de Saintry-sur-Seine, commune limitrophe, prononça une émouvante allocution lors des obsèques, rappelant leur combat commun dans les premiers temps du Parti communiste et la qualité d’ancien membre du Comité central de G. Chéron.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article19795, notice CHÉRON Georges, Louis. Pseudonyme : RÉMY par Rodolphe Prager, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 29 janvier 2010.

Par Rodolphe Prager

SOURCES : Arch. PPo. carton 45. — La Commune, 1936-1938. — Bulletin intérieur du POI, n° 4 du 1er septembre 1936. — L’Humanité du 10 et du 13 juin 1936. — Rouge, 31 octobre 1975. — Chronique de juin 1936, Critique communiste, n° hors série, été 1982. — Témoignage de P. Frank et renseignements recueillis par J.-M. Brabant.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable