LECOINTE Georges

Par Jean-Paul Bedoin

Né le 26 septembre 1902, à Saint-Mihiel (Meurthe-et-Moselle), exécuté sommairement le 12 août 1944 à Périgueux (Dordogne) ; militaire de carrière ; résistant de l’Organisation de Résistance de l’Armée (ORA).

Georges Lecointe était adjudant-chef au 61e régiment d’artillerie, basé à Metz. Il participa à la bataille de France, au sein de la 47e division d’infanterie à laquelle le 5e RAD (Régiment d’Artillerie Divisionnaire) était rattaché. Il fut, en juin 1940, des combats de la Somme, de l’Oise, de l’Ourcq et de la Marne et, lors du repli de l’armée française, il se retrouva, le 24 juin 1940, en Périgord, avec une batterie antichar au complet.
Il fut affecté au 35e RAD jusqu’à la dissolution de l’armée d’armistice, après le déclenchement par Hitler, en réponse au débarquement des Alliés en Afrique du Nord le 8, de l’opération « Attila » c’est-à-dire de l’invasion de la zone sud, le 11 novembre 1942. Il vécut alors, après avoir retrouvé son épouse, Andrée Marinthe, affectée en tant que bibliothécaire à Limoges, dans le quartier de Saint Georges à Périgueux, puis aux Cébrades sur le territoire de la commune de Notre-Dame-de-¬Sanilhac.
« En 1943, raconte Daniel, son fils, âgé de 16 ans au moment des faits dans son "Cahier de souvenirs de guerre", mon père est parti dans le maquis pour encadrer des jeunes réfractaires au travail obligatoire en Allemagne dans la forêt de Vergt. »
Cependant, les difficultés rencontrées pour l’approvisionnement en vivres et en armement amenèrent les responsables à dissoudre partiellement le groupe. Georges Lecointe rejoignit alors Alfred Salle au service de renseignements de l’O.R.A. Il fut arrêté le 31 juillet 1944.
« Une dame qui tenait un kiosque à journaux, en face du Monoprix, à Périgueux, prévint ma mère, note Daniel, dans son "Cahier de souvenirs de guerre". Deux arabes [de la Brigade Nord-africaine, unité auxiliaire des Allemands] l’avaient arrêté dans la rue. Les faux papiers n’ayant servi à rien, la dame vit que mon père se préparait à fuir mais les arabes lui braquèrent leurs armes sur le corps et il fut emmené à la Gestapo, derrière le théâtre (aujourd’hui disparu).
Nous avons eu confirmation de son arrestation définitive, car la Gestapo vint perquisitionner chez nous en mettant tout sens dessus dessous.
 » et d’ajouter : « Ma mère fut convoquée à la Gestapo, longuement et revint après avoir dit être brouillée avec son mari et sans nouvelle depuis longtemps… […] Nous avons su, par un pompier, qui avait été libéré après un incendie, que mon père était incarcéré à la prison du 35e, son ancienne caserne à Saint Georges. »
En effet, après avoir été torturé, pendant une semaine, dans les caves de la police allemande de Périgueux, par la Gestapo qui ne put rien en tirer, Georges Lecointe fut interné dans un état épouvantable, à la caserne Daumesnil. Le 12 août, il fut exécuté avec 22 de ses compagnons d’infortune. Si l’on s’en réfère à l’acte de décès n° 667, en date du 25 août 1944, son exécution a eu lieu « vers dix-huit heures ».
« Le 20 août, écrit son fils, Périgueux était libéré. J’ai couru tout de suite à la caserne Daumesnil dont les grilles étaient ouvertes. Je suis resté avec quelques maquisards dans la prison à gauche du poste de police. Une longue cour sur laquelle donnaient des cellules. Toutes les portes étaient ouvertes, tout était vide. Dans une cellule sur un bat-flanc, j’ai reconnu la veste grise de mon père bien pliée avec une chemise, un caleçon, dont les taches de sang n’avaient pu être lavées. J’ai d’abord cru que les prisonniers avaient été déportés en Allemagne.
Des officiers FFI sont venus avec le pompier ex-prisonnier et un type bizarre, interprète auprès des boches qui ont dit que tous les détenus avaient été fusillés le 12 août 1944 sur ordre de l’état-major allemand dans le stand de tir à l’extrémité de la caserne. Nous y avons été, les taches de sang et les tas de douilles, ne laissaient aucun doute.
Devant le stand, un espace de terre remuée signalait la grande fosse commune où les cadavres avaient été jetés. Dès le lendemain, les FFI et les gendarmes amenèrent des prisonniers allemands qui se mirent à creuser. La chaleur était grande et l’odeur horrible. Les corps ont été soigneusement exhumés et mis sur des civières dans un hangar voisin. […]
J’ai été mis en présence du corps de mon père, défiguré, gonflé mais reconnaissable. J’ai pris un morceau d’étoffe du pantalon, un mouchoir, la boucle de sa ceinture, le tout trempé dans un désinfectant. J’ai réussi à ne pas pleurer, les larmes sont venues que dans la rue quand je suis rentré seul à la maison.
 »
Titulaire de la Médaille militaire et cité à l’ordre de la division, Georges Lecointe fut, à titre posthume, promu lieutenant et nommé, par décret en date du 2 avril 1959, chevalier de la Légion d’honneur, en ces termes :
« Magnifique patriote. Membre des Forces Françaises de l’Intérieur. Arrêté pour faits de résistance le 31 juillet 1944, a été interné jusqu’au 12 août 1944 date à laquelle il est mort glorieusement pour la France. »
Agé de 42 ans, il est « Mort pour la France » (mention faite le 10 octobre 1944).


Voir Périgueux, Mur des Fusillés, Caserne Daumesnil, Rue du 5e Régiment de Chasseurs (5 juin-17 août 1944)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article198537, notice LECOINTE Georges par Jean-Paul Bedoin, version mise en ligne le 27 décembre 2017, dernière modification le 27 décembre 2017.

Par Jean-Paul Bedoin

SOURCES : Arch. dép. Dordogne. — Archives privées de l’auteur. — Guy Penaud, Histoire de la Résistance en Périgord, Bordeaux, Éditions Sud-Ouest, 2013. — état civil.

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