CHIRAT Francis [CHIRAT Pierre, Antoine, Francis]

Par André Caudron, Nathalie Viet-Depaule

Né le 7 août 1916 à Villeurbanne (Rhône), fusillé sommairement le 27 juillet 1944 à Lyon (Rhône) ; garçon de courses ; président de la section JOC de Villeurbanne ; secrétaire départemental du MPF à Lyon ; diffuseur du Témoignage chrétien (1943), animateur des organisations de jeunes chrétiens résistants de Zone sud (1944).

Francis Chirat
Francis Chirat
copyright Éditions de l’Atelier

Aîné de trois enfants, fils d’un ouvrier en soierie, Francis Chirat fréquenta l’école paroissiale de Villeurbanne et entra au travail à l’âge de treize ans comme garçon de courses du Crédit lyonnais. Membre de la section jociste de sa ville, il en devint le secrétaire, puis le président à dix-sept ans. Secrétaire départemental de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) lyonnaise en 1934, il milita aussi à la CFTC et soutint les grévistes de 1936. En 1937, il conduisit 900 jeunes à Paris pour le dixième anniversaire de la JOC. Contraint ensuite à un repos prolongé, il lut beaucoup, de la Bible à Karl Marx et Boukharine.
Il passa son service militaire (1938-1939) puis la drôle de guerre à Lyon, au parc à fourrages de la cavalerie, avant d’être envoyé au combat en mai 1940. Démobilisé, repris au parc comme secrétaire, il poursuivit son action à la JOC : mise en place d’une branche aînée du mouvement, contact avec les prisonniers. Il organisa la partie « Presse et Propagande » du congrès régional du XVe anniversaire (juin 1942), écrivit dans l’organe jociste Jeunesse ouvrière et se lia à l’équipe des Cahiers de notre jeunesse de l’Association catholique de la jeunesse française (ACJF).
Après la rafle par les Allemands de cent cinquante Villeurbannais le 1er mars 1943, il créa un comité d’entraide pour réclamer leur libération et secourir les familles, avec l’aide de la jeune présidente de la JOCF à Villeurbanne, Andrée Brevet. Il devint peu après secrétaire régional et permanent lyonnais du Mouvement populaire des familles (MPF). Il soutint les jeunes requis pour le Service du travail obligatoire (STO) en Allemagne, aida les réfractaires à se cacher et leur procura de faux papiers.
Il fit alors de sa permanence de la rue Salomon-Reinach un centre de diffusion en milieu ouvrier du Témoignage chrétien clandestin, distribuant trois mille Cahiers et dix mille Courriers à chaque parution. En contact étroit avec les responsables du journal, il leur réclama des textes plus accessibles aux jeunes ouvriers. Malgré des périodes d’épuisement physique qui l’obligeaient au repos à la campagne, il était très actif et attentif à chacun. Vivant la spiritualité jociste du don au nom du Christ, il surmonta la solitude affective dont il souffrit après plusieurs déceptions, notamment auprès d’Andrée Brevet en janvier 1944 (extraits de leur correspondance dans Livre de vie d’une jociste).
À la fin de 1943, il rencontra l’étudiant jéciste Gilbert Dru, chargé au sein de l’ACJF de développer des « Équipes chrétiennes » pour regrouper et soutenir les jeunes dispersés dans les maquis ou les organisations de résistance. Francis Chirat en devint le responsable pour la Zone sud, il visita les maquis et les groupes du Sud-Est. La collaboration des deux militants déboucha sur une étroite amitié entre Francis, organisateur expérimenté, familier du milieu ouvrier, et l’intellectuel Gilbert qui dessinait de vastes perspectives d’actions futures. Chirat assista Dru dans la création et l’animation du Comité de coordination et d’action chrétienne (CCAC) qui, sous la présidence du syndicaliste Maurice Guérin, préparait la Libération et la suite pour y assurer la présence des jeunes chrétiens résistants dans un grand mouvement républicain. Francis Chirat représentait aussi les « Jeunes chrétiens combattants » au sein des Forces unies de la jeunesse patriotique (FUJP) de la Zone sud. Il présenta le marxisme au groupe de jeunes réunis à Lyon autour de Joseph Hours pour une formation politique clandestine.
Après avoir participé aux secours lors du bombardement de Lyon le 26 mai 1944, il reprit ses tournées ; il était à Paris avec Gilbert Dru au début de juillet, à Marseille du 14 au 16. Au soir du 17, la Gestapo surgit dans le local lyonnais prêté à Guérin où venait de s’achever une réunion du CCAC. Dru et Chirat étaient restés seuls, porteurs de documents compromettants. Arrêtés, détenus à la prison Montluc, ils furent torturés. Le 27 juillet à midi, au lendemain d’un attentat contre les troupes allemandes, ils furent abattus comme otages à la mitraillette avec trois autres prisonniers, place Bellecour, devant le café où l’attentat avait eu lieu, et les corps de ces « terroristes » (présentés comme responsables de l’attentat) restèrent exposés plus de quatre heures sur le trottoir – là où aujourd’hui le monument du « Veilleur de pierre » symbolise le sacrifice de nombreux résistants lyonnais. Le 1er août, les funérailles de Francis Chirat et de Gilbert Dru réunirent une foule d’amis à la paroisse Notre-Dame Saint-Alban. Francis Chirat fut décoré de la Croix de guerre avec étoile d’argent et de la Médaille de la Résistance.
Andrée Brevet, dont la famille, engagée dans un réseau de renseignement, était menacée, plongea dans la clandestinité en mars 1944. Devenue agent de liaison du réseau de renseignement « Corvette », elle fut arrêtée à Paris le 17 juillet et déportée le 15 août à Ravensbrück où elle mourut le 23 mars 1945, à vingt-cinq ans (Croix de guerre avec étoile de vermeil et Médaille de la Résistance).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article19899, notice CHIRAT Francis [CHIRAT Pierre, Antoine, Francis] par André Caudron, Nathalie Viet-Depaule, version mise en ligne le 4 décembre 2014, dernière modification le 11 mars 2020.

Par André Caudron, Nathalie Viet-Depaule

Francis Chirat
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Une photo prise à Lyon le 27 juillet 1944, à l'angle de la place Bellecour et de la rue Gasparin, devant le café du Moulin-à-Vent où furent abattus par la Gestapo Francis Chirat et ses compagnons.
Une photo prise à Lyon le 27 juillet 1944, à l’angle de la place Bellecour et de la rue Gasparin, devant le café du Moulin-à-Vent où furent abattus par la Gestapo Francis Chirat et ses compagnons.

SOURCES : Xavier de Montclos (sous la dir.), Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, t. 6 : Le Lyonnais-Le Beaujolais, Beauchesne, 1994. – Francis Chirat, 7 août 1916-27 juillet 1944, Paris, Éd. Ouvrières, 1945. – Renée Bédarida, Les Armes de l’Esprit, Témoignage chrétien (1941-1944), Éd. Ouvrières, 1977. – Bernard Comte, Jean-Marie Domenach, Christian Rendu, Denise Rendu, Gilbert Dru, un chrétien résistant, Beauchesne, 1998, p. 117-119. – Les Cahiers du GRMF, 2 : De l’Action catholique au mouvement ouvrier, 1984, p. 207-208 ; 6 : Des chrétiens à l’épreuve du politique. Les engagements du MPF-MLP à Lyon 1934-1960, 2003. – Andrée Brevet, Livre de vie d’une jociste, Amiot-Dumont, 1952, p. 107-143. – Renseignements communiqués par Bernard Comte.

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