OSTROWSKY Gérard [Pseudonyme dans la Résistance : Adjudant Olivier]

Par Eric Panthou

Né le 6 novembre 1910 à Berlin (Allemagne), membre du Parti communiste d’Allemagne, réfugié en France en 1933, Résistant au sein des Mouvements unis de la Résistance (MUR), représentant de commerce dans l’édition, militant communiste à Chamalières (Puy-de-Dôme), mort le 22 mars 1996 à Paris.

Gérard -initialement Gerhard- Ostrowsky est issue d’une famille russe d’origine juive émigrée en Allemagne. Il adhère au Parti communiste d’Allemagne (KPD) en 1931 et milite aux côtés de Wilhelm Pieck. C’est là qu’il fait la connaissance d’Alice, sa future épouse, danseuse diplômée de l’école de Mary Wigman, pionnière de la danse contemporaine, à Dresde. Il a fait un apprentissage, mais l’essentiel de sa formation intellectuelle, il la devait au syndicat et aux écoles du Parti qui sous Weimar jouaient un rôle très important auprès de la jeunesse.
A l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933, le couple prend le chemin de l’exil et se réfugie à Paris. C’est en 1946 que le couple obtient la nationalité française et abandonne son passeport Nansen d’apatrides. Ne voulant plus être appelé Gerhard, sa nouvelle carte d’identité porte le prénom Gérard.

A Paris, il fréquente les antifascistes allemands et de nombreux intellectuels dont Willi Münzenberg et Bertolt Brecht lors du séjour de ce dernier en juin 1933 dans un petit hôtel près du Luxembourg pour les répétitions de Anna ou les sept péchés capitaux et surtout à l’automne 1937 pour la mise en scène de l’Opéra de quat’sous. C’est à Paris que naît Ernest, le fils de Gérard et Alice en 1935.
Gérard participe à la création de la "Bibliothèque allemande des livres brûlés", inaugurée dans un petit local du Boulevard Arago le 10 mai 1934 premier anniversaire de l’autodafé nazi. En septembre 1939, avant que le fonds ne soit saisi par la police française, des livres furent emmenés par les militants. Gérard Ostrowsky en sauva plusieurs qui se trouvaient encore dans sa bibliothèque à sa mort. Ayant appris rapidement le français, Gérard servit d’interprète lors de plusieurs meetings antifascistes où intervenaient des militants allemands. Il fut aussi étroitement associé aux activités du Comité Thaelmann et de l’Université allemande libre. Il a beaucoup fréquenté Laszlo Radvanyi qui, en exil à Paris, dirigeait la MASCH (Marxistische Arbeiterschule = école ouvrière marxiste) puis à partir de 1935 la Freie Deutsche Hochschule (Université allemande libre), ainsi que son épouse, la célèbre Anna Seghers. Gérard Ostrowsky restera en relation avec cette dernière jusqu’à la fin des années 70, début des années 80.
Durant sa période parisienne, Gérard travaille comme représentant des éditions du Carrefour, librairie allemande Boulevard Saint-Germain, et occupa plusieurs autres emplois.

En 1939, il s’engage comme volontaire étranger dans le Régiment de Marche des Volontaires Étrangers et est mobilisé. C’est là, alors qu’il est amené à devoir tirer sur des Allemands face à lui sur le front, qu’il comprend qu’il ne pourra plus jamais retourner vivre dans son pays d’origine. Après avoir été démobilisé en 1940, il rejoint sa femme qui avant guerre s’était engagée comme professeur d’éducation physique dans une colonie sanitaire qui en juin 1940 est transférée au Montel-de-Gelat (Puy-de-Dôme). Quand la colonie est dissoute après l’Armistice, la famille décide de ne pas retourner à Paris et s’installe dans le village et ce département où il demeura jusqu’à sa mort.
Gérard trouve du travail comme représentant de commerce, à bicyclette. Il n’a aucun contact politique. C’est en sillonnant les routes qu’il est arrêté en 1943 par la gendarmerie. Il est dans un premier temps emprisonné à la prison de l’ancienne caserne du 92éme Régiment d’Infanterie au lieu de la prison militaire allemande, déjà pleine. Cela lui a sans doute évité la déportation. Sans apparemment avoir été jugé, il est ensuite envoyé au travail forcé à l’Aciérie des Ancizes (Puy-de-Dôme). C’est un travail qui l’épuise physiquement et provoque une hernie discale. Là, il échappe à une rafle des Allemands.

Alors, il s’enfuit et rejoint les Mouvements Unis de la Résistance (MUR) dans le Cantal, sous la direction du commandant Victoire, Serge Renaudin d’Yvoir. Ostrowsky n’a donc pas rejoint les FTPF, groupes armés créés et contrôlés par le PCF, sans doute parce que ce n’est pas ce réseau avec lequel il a été mis en contact.
Selon l’attestation signée du Commandant Victoire, Gérard Ostrowsky s’est engagé à partir du 29 mai 1944 dans le maquis, tout d’abord au sein de la 7éme Compagnie, au camp des MUR de Saint-Genès-Champanelle (Puy-de-Dôme). Par son instruction générale très étendue, son commandant estime qu’il s’est révélé comme un auxiliaire très utile pour lui. Il avait toutes les qualités pour être gradé et s’est employé dans ce sens à la grande satisfaction du commandement militaire du maquis, "tout en créant autour de lui une franche atmosphère de réelle camaraderie si nécessaire à la situation particulière des troupes du maquis" écrit Victoire. Ce dernier ajoute que lors de l’attaque du camp de Saint-Genès par les troupes allemandes et bien qu’il soit chargé de famille, Gérard Ostrowsky est resté volontairement auprès de son Commandant de Compagnie avec quelques hommes alors que l’ordre de dispersion avait été donné par le Commandement FFI.
Il passe ensuite dans le Cantal, toujours sous la direction de Victoire, au sein de la 4éme Compagnie. Il a été l’un des animateurs de cette nouvelle unité, s’y est révélé un excellent chef de groupe, où, à la tête de ses hommes, il participa brillamment à tous les combats livrés. Il fut cité trois fois à ce titre, précise Victoire.
Son groupe étant éloigné de la concentration du Mont Mouchet, il n’a pas participé à ces combats.
A la formation de la subdivision militaire de Thiers (Puy-de-Dôme), il est affecté au 2éme Bureau, Service de Renseignements, où il donna toute sa mesure dans toutes les missions qui lui ont été confiées, qu’il mena toujours à bien. Quoique bien souvent surmené et surchargé, il ne s’est jamais laissé dépasser par les événements et s’est montré toujours à la hauteur de sa tâche, précise son Commandant. La Ville de Thiers fut la seule ville d’Auvergne libérée par la Résistance suite à des combats, menés par les FTP. Il est probable que Gérard Ostrowsky ait participé comme interprète aux pourparlers avec les autorités allemandes menés par le commandant Victoire. Une polémique existe à propos de cette libération, certains FTP reprochant au commandant Victoire d’avoir tardé à arriver sur place avec ses hommes le jour des combats, laissant les FTP seuls et mal armés face aux troupes allemandes.

Le commande Victoire ajoute dans son attestation que les travaux, missions menés par Olivier, pseudonyme de Gérard Ostrowsky dans la Résistance, ont rendu le plus grand service au Commandant, tant dans la Zone de Thiers, que dans la colonne Région R 3, où il se distingua entre autres au cours des affaires Werlheim.
Les autorités civiles et militaires des Régions de Clermont-Ferrand et de Lyon ont, par ailleurs, à maintes reprises, fait les éloges de l’Adjudant Olivier.
Selon le témoignage de son fils, Olivier a rejoint Lyon où il travaille à la recherche de Klaus Barbie. Il sert de traducteur aux interrogatoires de soldats allemands dans le cadre de cette enquête. Le Commandant Victoire conclut ainsi son attestation concernant Ostrowsky : "Ce sous-officier a été pour moi, non seulement un subordonné zélé, mais un auxiliaire très précieux dans mes différents commandements. Tenue parfaite, moralité excellente, sous Officier de premier choix."
Il a été homologué FFI, membre du camp Saint-Genès pour la période du 29 mai au 28 août 1944.

Peu après la fin de la guerre, on lui proposa de revenir en Allemagne, en RDA, ce qu’il refusa.
Dès 1945, il s’installe avec sa famille à Chamalières, dans la banlieue immédiate de Clermont-Ferrand. Sa femme fut très impliquée dès 1946 dans le mouvement de renaissance culturelle de la ville, dans le cadre de l’association Tourisme et Travail. Elle y enseigna ici la danse pendant plusieurs années avant de créer sa propre école de danse privée qui eut une grande notoriété jusqu’à sa retraite en 1975.
Après la guerre, il a travaillé comme représentant de commerce pour les éditions contrôlées par le PCF, Éditeurs Français Réunis, les éditions Hier et aujourd’hui, les Éditions Sociales, jusqu’à la fin des années 1940. C’est alors qu’il rencontre Picasso pour lui proposer un projet d’édition d’un ouvrage à son sujet. Comme cette activité ne suffisait pas à le faire vivre, il devient représentant de commerce pour toute sorte de produits matériels (lingerie, cirage, etc.), sillonnant les routes d’Auvergne et de France.
Gérard Ostrowsky pris sa carte au PCF après-guerre. Il en a été un militant actif depuis cette date jusqu’à sa mort. En 1953, appartenant à la section Nord de Clermont-Ferrand, il est membre de la commission politique.

A côté, il a fait plusieurs voyages en RFA ou en RDA, ramenant toujours une documentation importante sur la vie politique et sociale de ces deux pays, qu’il étudie ensuite. Il était revenu enthousiaste de son premier voyage en RDA et lors des suivants il conserva un avis positif sur le régime. Ce n’est que plus tard qu’il affirma, selon le germaniste Thierry Feral, que “la RDA ne se maintiendra pas si elle persiste à ne pas vouloir évoluer”. Gérard Ostrowsky était aussi connu pour sa soif de culture et de partage des connaissances. Il est celui que l’écrivain ouest-allemand Günter Herburger, membre du DKP (Parti communiste allemand), appelait “l’encyclopédie historique ambulante”.
Il fut très ami avec le journaliste Henri Alleg.

Son engagement intellectuel fut très important. Doté d’une mémoire jugée extraordinaire, il a participé activement à de multiples débats, conférences et a créé à Chamalières le premier cercle d’études marxistes dans les années 1980. Politiquement, il s’est engagé dans l’évolution du PCF, tant au niveau théorique que dans ses pratiques, notamment au sein de la cellule du PCF à Chamalières que de la section Jacques Duclos à laquelle il appartenait.

Il fut membre du Comité départemental de l’ANACR du Puy-de-Dôme plusieurs années, au moins de 1987 à 1992.
Gérard Ostrowsky était membre du Bureau de l’amicale des Vétérans du Parti dans le Puy-de-Dôme. Il est décédé durant la nuit dans son hôtel alors qu’il participait à une réunion nationale des vétérans à Paris.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article199841, notice OSTROWSKY Gérard [Pseudonyme dans la Résistance : Adjudant Olivier] par Eric Panthou, version mise en ligne le 5 février 2018, dernière modification le 17 mars 2022.

Par Eric Panthou

Sources : SHD Vincennes, GR 19 P 63/42 : liste des membres de la formation MUR Camp Saint-Genès. — Notice nécrologique dans La Montagne, 4 avril 1996. — SHD Vincennes, GR 16 P 422053, dossier résistant Gérard Ostrosky (nc). — Hommage à Gérard Ostrowsky lu par Maurice Vigier, le 4 avril 1996 (archives privées Roger Champrobert). — VIII° Conférence Fédérale du PCF du Puy-de-Dôme, 21 et 22 février 1953 (archives privées). — Courriel de Thierry Feral à l’auteur, le 5 février 2018. — Compte-rendus du Comité directeur de l’ANACR du Puy-de-Dôme (archives privées Martine Besset). — Attestation de services dans la Résistance de Gérard Ostrowsky, dit Olivier, par le Chef de Bataillon Victoire, Serge Renaudin d’Ivoir, le 11 décembre 1944 (collection privée d’Ernest Ostrowsky). — Entretien téléphonique avec Ernest Ostrowsky, le 18 mars 2018.

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