CHENON-THIVET Marthe [née CHENON Marthe, dite]

Par Ouassini Bekaddour

Née le 28 décembre 1883 à Paris (Xie arr.), morte le 18 janvier 1978 à Paris (Ve arr.) ; institutrice à Paris ; inspectrice primaire en Ille-et-Vilaine puis en Seine-et-Oise ; militante pédagogique et féministe.

Fille de Michel Chenon, employé d’octroi, né en 1833, et de Clotilde Menau, née en 1841, couturière, Marthe Chenon, élève de l’école primaire supérieure Sophie Germain puis du lycée Racine, obtint le brevet supérieur en 1901. Elle devint institutrice suppléante en banlieue parisienne (1903-1904) puis à Paris (1904-1906), avant d’être nommée au Perreux (1906-1907) puis à nouveau dans une école primaire du XIIIe arrondissement (1909-1917). Parallèlement inscrite à la Sorbonne (Lettres), elle fut reçue successivement au professorat (lettres) des écoles normales en 1908, aux certificats d’aptitude pédagogique à l’inspection des écoles maternelles (1910) puis à l’inspection primaire (1915).

Membre du comité central du « groupe d’action pour la défense morale des institutrices laïques » en 1904, liée avec Ferdinand Buisson, elle participa à la réflexion sur les valeurs fondamentales de l’école.

Ce dernier fut témoin de son mariage le 20 juin 1907, à la mairie du IIIe arrondissement, avec Horace, Léon Thivet, né le 27 avril 1879 à Paris (IIIe arr.), fils d’Antoine, Auguste Thivet, artiste peintre, décédé en 1950, et d’Henriette, Félicie Lévêque. Son mari, publiciste et professeur libre de français, avait fondé en 1905 l’École de la paix dont Marthe Thivet devint directrice en 1909. La même année, il publia les actes du VIe congrès des Sociétés françaises de la paix et, dans le cadre de l’association « La paix et le désarmement pour les femmes », reçut le prix annuel de 4 100 francs fondé par Emmanuelle Flammarion. Le couple habitait au 28 boulevard Saint-Marcel.

Marthe Thivet accueillait chez elle Lénine qui habitait au 27, pour des discussions philosophiques et politiques. Leurs idées avaient beaucoup de convergences, mais sur la conception de l’école, elle plaidait pour une école nouvelle, alors que Lénine avait des vues beaucoup plus traditionnelles.

Devenue inspectrice primaire à Vitré (Ille-et-Vilaine) en 1917, elle participa au conseil départemental de l‘enseignement primaire à partir de 1919. Elle évoqua les luttes pour l’école laïque dans une région dominée par les "forces réactionnaires et cléricales" dans L’École laïque d’enseignement Montfort (octobre 1959-janvier 1960). En 1922, l’inspecteur d’académie se plaignait de son comportement qui provoquait un « mécontentement croissant parmi les autorités locales et les parlementaires », et envisageait son déplacement d’office. Il ajoutait que les instituteurs la « supportent avec peine », car elle combattait la « routine et l’inertie », et qu’en « fervente laïque », elle luttait contre l’école privée.

Le 17 mars 1921, son mari, directeur fondateur du Lien à Paris, délégué et chargé d’enquêtes dans les écoles par la Société française de l’art à l’école, présenta une conférence à Vitré sur « l’Art à l’école » et fit une conférence le 18 novembre sur « un voyage pédagogique en Suisse » et la « découverte de l’apostolat pédagogique de Pestalozzi et de Frœbel ». En avril 1921, elle organisa une exposition « Une classe décorée » à Vitré dans le cadre de l’Art à l’école. Lors de la distribution des prix à Vitré en juillet 1924, son discours sur « la morale laïque » fut reproduit dans Le Patriote de Bretagne.

Elle demanda à rejoindre la région parisienne que son mari ne pouvait quitter. Mutée à Châteaudun (Eure-et-Loir) en 1925, puis à Versailles (Seine-et-Oise) en 1927, elle participait au conseil départemental de l‘enseignement primaire à partir de 1932. Nommée à Argenteuil (Seine-et-Oise) en 1938, elle voulut corriger les mauvais rapports entre la municipalité communiste et le personnel enseignant. Selon l’inspection académique, elle fit preuve d’ « habilité » et d’une « autorité certaine sur les milieux politiques locaux ». Elle parvint à rétablir de bons rapports (indemnités de logement, augmentation des crédits, fêtes scolaires). Au début de la guerre, elle resta à son poste pendant l’exode, multiplia les aides, entretint de bons rapports avec les églises, négocia avec les Allemands la libération des locaux scolaires. La délégation spéciale, mise en place pour remplacer la municipalité, l’accusa d’avoir organisé une exposition sur les méthodes nouvelles inaugurée par Henri Wallon, et une fête avec la Fédération des œuvres laïques pour le cent quarantième anniversaire de la Révolution française. Elle dénonça ces critiques auprès du préfet et de l’inspection académique. Soupçonnée d’être communiste, elle fut mise à la retraite d’office à partir du 21 janvier 1941.

Marthe Thivet avait milité contre la guerre menaçante dans une brochure Tu ne tueras pas. En septembre 1939, elle avait signé, avec son mari, l’appel « Paix immédiate » avec notamment Jean Giono et Yvonne Hagnauer. La police enquêta sur elle. En 1942, le ministère de l’Éducation nationale lui demanda de livrer les noms de vingt enseignants de sa circonscription, soupçonnés d’activités de résistance et d’opinions révolutionnaires. Elle refusa et fut révoquée. Le 25 octobre 1944, la direction de la section du Syndicat national des instituteurs de Seine-et-Oise, dans une lettre au ministre, affirmait qu’elle défendait « nos valeurs » et que sa mise à la retraite d’office avait créé une « situation anormale ». Le personnel enseignant de Bezons et d’Argenteuil demanda sa réintégration. Rappelée en activité en janvier 1946, elle participa aux travaux préparatoires du Plan Langevin-Wallon de réforme de l’enseignement.

Avec son mari, elle habitait toujours boulevard Saint-Marcel à Paris (Ve).
Retraitée en 1948, Marthe Chenon-Thivet s’engagea activement pour la pédagogie nouvelle. Elle devint présidente en 1948 du Groupe français d’éducation nouvelle de Seine-et-Oise. Elle représenta ce département au conseil d’administration de l’Office central de la Coopération à l’École. Elle dirigea le bulletin pédagogique de l’OCCE jusqu’en 1970 et collabora de 1957 à 1974, avec Louise Denise, chargée de mission d’inspection générale, attachée à la présidence de l’OCCE de l’Alliance internationale de la coopération à l’école.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article199914, notice CHENON-THIVET Marthe [née CHENON Marthe, dite] par Ouassini Bekaddour , version mise en ligne le 7 février 2018, dernière modification le 25 avril 2022.

Par Ouassini Bekaddour

ŒUVRE :Collaboration à Gaston Mialaret (sous la direction de), Éducation nouvelle et monde moderne, Paris, PUF, 1966, L’Éducateur, 171 p.

SOURCES : Arch. Nat., F17/ 25088, 25541. — Archives du Musée de l’Éducation, Saint-Ouen-l’Aumône. — L’École laïque de Seine-et-Oise. — Lucien Denise, Mes Ecrits. — Notes d’Alain Dalançon et de Jacques Girault.

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