CARRÉ Yvon, Paul, Jacques

Par Jean-Louis Ponnavoy, Michel Thébault

Né le 15 avril 1916 à Ivry-sur-Seine (Seine, aujourd’hui Val-de-Marne), guillotiné suite à une condamnation à mort le 19 juin 1944 à Halle-an-der-Saale (Saxe-Anhalt, Allemagne) ; ouvrier fraiseur à la Manufacture d’Armes de Châtellerault (Vienne) ; requis STO ; résistant FTPF de la Vienne, groupe de Châtellerault.

Yvon Carré était le fils de Joseph, Alphonse Carré (né le 9 novembre 1884 à Dangé-Saint-Romain, Vienne) serrurier et de Marie, Isabelle Clairambault (née le 13 mai 1884 à Poitiers, Vienne), tous deux domiciliés 15, sentier des Vignes à Ivry-sur-Seine. Le couple avait d’abord vécu à Jaunay-Clan (Vienne) où Joseph Carré était serrurier, ouvrier d’art et où naquit leur premier enfant Réjane en 1912. La famille déménagea en avril 1914 à Ivry-sur-Seine. Mobilisé le 3 août 1914 dans le régiment d’infanterie de Châtellerault, Joseph Carré fut blessé dans les combats du Nord le 21 octobre 1914 et réformé en février 1915. La famille déménagea à nouveau en 1929 dans la Nièvre. Au recensement de 1931 de Beaumont-La-Ferrière (Nièvre), Joseph Carré était débitant au bourg et le couple avait alors trois enfants, une fille Gisèle étant née en 1929 à Guérigny (Nièvre). En 1936 Yvon Carré habitait au lieu-dit Le Paradis-Ozon à Châtellerault, avec ses parents. Son père semble avoir alors trouvé du travail à la Manufacture d’Armes de Châtellerault. Yvon Carré fit son service militaire au 26e régiment d’infanterie à Nancy où il fut incorporé en octobre 1937. Il se maria à Châtellerault le 22 novembre 1939 avec Odette, Charlotte Blanchard, dactylographe (née à Châtellerault le 22 janvier 1920) dont il eut trois enfants. Mobilisé il combattit avec son régiment pendant la campagne de 1939/1940. Lors de la percée allemande de la mi mai 1940, son régiment fut placé le 17 mai 1940 dans le secteur de Choisy-au-Bac, au nord de Compiègne pour défendre la traversée de l’Aisne et la lisière nord de la forêt de Compiègne. Les combats durèrent du 6 au 10 juin. Le 26ème RI se replia et accompagna la retraite de l’armée française. Replié à Bergerac (Dordogne) après l’armistice, Yvon Carré y fut démobilisé le 10 août 1940. Il trouva alors du travail à la manufacture d’armes de Châtellerault comme ouvrier fraiseur. Il était alors domicilié avec sa famille 7 rue Clément Jannequin.

Son père Joseph Carré s’engagea tôt dans la Résistance, rejoignant les FTPF de Châtellerault dès 1942. Il en devint l’un des cadres. Le dossier d’homologation du groupe FTPF de Châtellerault (SHD Vincennes op. cit.) dans sa fiche sur les cadres officiers le présente en troisième place avant Alfred et Fernand Marit. Il y est indiqué sous le pseudonyme de « Papa » capitaine responsable aux effectifs (volontaires) et nommé par l’Interrégional. Il fut arrêté le 19 août 1942 et déporté. Yvon Carré s’engagea également dans la Résistance comme membre du 2ème groupe, secteur Sud des FTPF de Châtellerault sous le commandement d’Albert Marit et participa à des actions de sabotages. Le 11 décembre 1942, sur la route de Colombiers (Vienne), au sud ouest de Châtellerault, il retrouva un groupe de camarades afin de procéder à la destruction d’un site installé dans une forêt toute proche pour servir de dépôt de matériel à l’armée allemande. Yvon Carré eut pour mission de monter la garde pendant que ses camarades mettaient le feu à la baraque des gardes qui contenait des extincteurs. Une enquête fut menée et aboutit à l’arrestation des responsables. Dans le même temps, le 17 décembre 1942 le groupe FTPF de Châtellerault fut pratiquement anéanti par des arrestations multiples. Yvon Carré qui avait échappé à la vague d’arrestations fut réquisitionné pour le STO (non en vertu de sa classe d’âge mais comme ouvrier spécialisé dans l’armement) le 8 février 1943 en vue d’être envoyé comme fraiseur aux établissements Heinkel à Schwechat (Autriche). Selon le témoignage de son épouse, recueilli en juin 1951 par le commissaire de police de Châtellerault (AD 86 op. cit.) « Il fut dirigé directement sur les usines Heinckel à Vienne Autriche et me donna régulièrement de ses nouvelles jusqu’en mai 1943. Quelques temps plus tard, ce même mois j’ai reçu la visite de Madame Bobeau mère de Maurice Bobeau requis en même temps que mon mari. Cette dame me fit connaître que son fils lui avait écrit que mon mari avait été arrêté par les gendarmes allemands. De mon côté je n’ai rien reçu de lui depuis mai 1943. La direction des usines Heinckel m’a envoyé plus tard le reliquat de son salaire en me faisant connaître que mon mari avait été arrêté sans plus de précision. » On peut émettre l’hypothèse au vu des motifs de sa condamnation à mort que l’enquête menée par les services de police avait permis d’établir sa participation à la Résistance et aux actions des FTP en décembre 1942. Il fut d’abord emprisonné à Vienne puis jugé le 6 mai 1944 par le 4e Sénat ou Chambre du Tribunal de guerre du Reich, présidé par le juge Schreiber. Accusé de destruction de matériel militaire, d’incendie mettant en péril la vie d’autrui et d’aide à une puissance ennemie par affaiblissement de la puissance de la Wehrmacht, il fut condamné à mort. Les tampons « Rote Liste » (Liste rouge) « Geheim » (secret) et « Haftsache » (affaire concernant un détenu) furent apposés sur son dossier. Le jugement fut confirmé à Torgau le 18 mai 1944 par l’amiral Max Bastian, président du Tribunal de guerre. Il fut transféré le 17 juin 1944 à la prison Roter Ochse à Halle-an-der-Saale (Saxe-Anhalt) et guillotiné le 19 juin 1944 à 17 heures.
L’acte de décès porte la mention « Arrêt cardiaque brutal et arrêt de la respiration ». Sa dépouille fut incinérée le 20 juin et l’urne contenant les cendres fut inhumée le 27 juin 1944 au Gertraudenfriedhof, à Halle-an-der-Saale. Elle fut exhumée le 6 novembre 1946 et rapatriée en France par l’intermédiaire du Centre de dispersion national des urnes de Strasbourg puis transférée le 8 octobre 1958 dans le cimetière situé à côté du camp de concentration du Struthof, à Natzwiller (Bas-Rhin).

Il obtint le titre de "Déporté et interné résistant" (DIR).
Son nom figure sur le monument commémoratif aux martyrs de la Résistance 1939-1945 et sur la plaque commémorative 1939-1945 apposée dans le hall de la mairie, à Châtellerault (Vienne).

Son père Joseph Carré, responsable FTP fut arrêté le 19 août 1942 et déporté le 24 janvier 1943 par un transport parti de Compiègne. Il mourut le 26 avril 1943 au camp de concentration de Sachsenhausen. Sa mère mourut à Naintré (Vienne) le 12 janvier 1945.
Sa sœur Réjane Carré, épouse Gateau fut arrêtée en novembre 1943 et déportée à Ravensbrück où elle fut libérée en mai 1945.

Le conseil municipal a par une délibération de septembre 2017 attribué les noms de Joseph et Yvon Carré à une rue de Châtellerault.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article199927, notice CARRÉ Yvon, Paul, Jacques par Jean-Louis Ponnavoy, Michel Thébault, version mise en ligne le 8 février 2018, dernière modification le 27 juin 2022.

Par Jean-Louis Ponnavoy, Michel Thébault

SOURCES : SHD, Vincennes, GR 16 P 108409 et SHD, Caen, AVCC AC 21 P 433 607 (nc) — Arch. Dép. Vienne 3 U 1/32 (dossier dépouillé par Loïc Richard) — Arch. Dép. Nièvre, Val de Marne, Vienne (état civil, registre matricule, recensements) — Archives collectives des Forces françaises de l’intérieur (site Mémoire des Hommes) goupe FTPF CHâtellerault GR 19 P 86/44 — Auguste Gerhards, Tribunal de guerre du IIIe Reich, éd. du Cherche midi, Paris 2014. — Mémoire des Hommes — Mémorial GenWeb.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable