BESSE Louis, Octave

Par Frédéric Thébault

Né le 9 février 1870 à Paris (IXe arr.), mort le 19 novembre 1918 à Paris (XIe arr.) ; journaliste, écrivain, publiciste à Paris.

Louis Octave Besse est issu côté paternel d’une famille de brocanteurs, camelots, bimbelotiers installée à Paris depuis la Révolution (son grand-père était originaire du Puy-de-Dôme) ; côté maternel sa grand-mère était issue d’une longue lignée de bourreaux qui essaimèrent dans toute la France, les Desmorest.
Il perdit son père à l’âge de 15 ans, sa mère à l’âge de 18, et vécut alors chez son oncle brocanteur au 43, rue des Panoyaux. C’est là qu’il lança début 1889, à peine âgé de 19 ans, le journal La Clameur Révolutionnaire. Celui-ci est décrit comme "un brûlot d’avant-garde dont le but est de détruire les préjugés qui ont fait se perpétuer l’État bourgeois".
Le journal ne publia que quelques numéros durant une année, dont un numéro spécial tiré sur papier rouge commémorant la victoire de la Commune et contenant une poésie inédite du poète socialiste Eugène Pottier. Une souscription nationale fut d’ailleurs lancée pour l’érection d’un monument à la mémoire de ce dernier, qui n’aboutira pas.
En parallèle, Louis Besse collabore au journal L’Autonomie, "journal républicain, socialiste, autonomiste". On peut notamment lire parmi ses premiers textes : "Nous avons vingt ans, mes amis, c’est l’âge où nous allons être les vengeurs de ceux qui voulaient mourir pour fleurir nos berceaux, il y a dix-huit ans, le 18 mars."
Il participe aussi à la restructuration du journal Le Combat, en 1889/1890, "un journal sans ligne politique bien définie mais devenu socialiste sous la direction d’Antide Boyer, député du Rhône, avec une équipe composée de Guesde, Ferroul, Vaillant, Chauvière, Louis Besse, etc."
En juillet 1891, il est condamné à 8 jours de prison et 200 francs d’amende pour « complicité d’outrage aux bonnes mœurs », quelques mois avant de partir effectuer les trois années de service militaire obligatoire, qu’il effectue au 2ème canonnier conducteur. Le 30 septembre 1894 il réintègre la vie civile, avec un certificat de bonne conduite.
Louis Besse devint par la suite secrétaire de rédaction à La Presse, puis pendant dix années à l’Intransigeant, le journal fondé par Henri de Rochefort. Il publia régulièrement dans divers journaux (Le Journal du Peuple, de Séverine, Le Tintamarre, La Patrie, La Lanterne...) Ses écrits ne furent pas tous militants car il restait aussi un journaliste de terrain, qui témoignait d’un voyage en montgolfière ou relatait divers événements.
Louis Besse fut également écrivain, et publia diverses nouvelles, contes, romans de mœurs, romans sociaux, certains publiés en feuilletons dans la presse. Parmi ceux-ci, le roman L’Idole Rouge - Foule en rut (1903) fut sans doute le plus connu. Le critique Xavier Pelletier écrivit : "c’est ainsi que s’y dresse le Moloch insatiable, auquel la misère, la faim, l’idéal maladroitement poursuivi d’une rénovation sociale immédiatement impossible (...) jettent en inutiles sacrifices tant de vies qui auraient été fécondes. Le spectre de la grève secouant sa chevelure de flamme, agitant l’étendard des révoltes !"
Au tournant du siècle il se tourna également vers la littérature érotique et libertine, et collabora étroitement plusieurs années avec Antonin Reschal qui officie dans le même registre. Ensemble ils sortaient diverses publications via La Librairie Parisienne que dirigeait Reschal (au 19, rue de Paradis), Louis Besse utilisant parfois des pseudonymes, comme Lucien Beylieuse (pseudonyme parfois attribué aussi à Reschal) ou Jean Prouvaire (ce dernier étant un personnage de Victor Hugo dans les Misérables, un étudiant et poète ennemi des royalistes et de l’inspecteur Javert, qui meurt sur les barricades). Fin 1900 Reschal lança également Le Journal Parisien, tiré à 300 000 exemplaires, dont fit partie Louis Besse, aux côtés de noms illustres comme Émile Zola, Georges Courteline, Jules Renard, Octave Mirbeau...
Louis Besse poursuivit son activité militante toute sa vie, même si elle ne semble s’inscrire dans aucun mouvement structuré. On note malgré tout régulièrement qu’il était connu pour ses prises de position : ainsi en 1897, invité à un mariage, on peut lire : "M. Louis Besse a montré la puissance de l’organisation ouvrière basée sur les principes d’ordre et de progrès". En 1900, on trouve au catalogue de la Librairie Parisienne des brochures à caractère social, comme "La loi sur les accidents du travail", "Propriétaires, locataires et concierges, leurs droits", "Loi militaire sur le recrutement de la classe". En 1902, il adhéra au Congrès International des Arménophiles (Arménie). En 1906, il devint secrétaire général de la Ligue pour la révision de la loi sur le repos hebdomadaire, ligue apolitique qui recueillit plus de 40 000 signatures par pétition.
Louis Besse se maria à trois reprises, avec Antoinette Martin en 1896, Hélène Besserer, modiste, en 1906 (divorce en 1910), enfin avec Germaine Chemet en 1911 dont le père Auguste Hippolyte était, comme Louis, secrétaire de rédaction à L’Intransigeant. On la trouve citée comme "ex Mimi-Pinson" de la Bataille Syndicaliste, un journal publié de 1911 à 1920. Elle lança notamment Le Goût parisien, une revue de mode pour femmes et enfants.
Deux fait divers montrent que Louis Besse était quelqu’un de relativement connu. En septembre 1905, il fut mentionné par Le Figaro comme l’un des signataires d’une pétition contre la coupe d’arbres au bois de Boulogne au profit de maisons, aux côtés de personnalités artistiques et politiques de l’époque. Et le 15 avril 1909 il fut, avec l’écrivain Maurice Duplay (un proche de Marcel Proust) témoin à un duel à l’épée opposant Filippo Marinetti, le fondateur du futurisme (dont le fameux manifeste venait tout juste d’être publié) au critique dramatique Charles-Henry Hirsch, à propos d’un litige concernant la poésie. Parmi les témoins de Hirsch figure le jeune Léon Blum, Besse et Duplay sont du côté de Marinetti.
Au début de la Première Guerre mondiale, Louis Besse est devenu éditeur (à l’adresse de son domicile, au 94 avenue Parmentier), notamment pour le magazine de son épouse. Ayant été réformé en 1903 pour « pleurésie bacillaire double » et étant donné son âge, il ne part pas combattre mais est affecté aux services auxiliaires par le conseil de révision du 31 mars 1915.

Malade, il mourut une semaine après l’armistice, le 19 novembre 1918, à l’âge de 48 ans.
Le Figaro dira de lui : "son existence fut un continuel labeur que seule la mort put suspendre".
L’Intransigeant quant à lui écrit : "il avait un cœur excellent, une serviabilité à laquelle on ne s’adressait jamais en vain, un besoin d’aider les autres sans y paraître qui lui a valu beaucoup d’amitiés".
Louis Besse est l’oncle de Georges Reimeringer (1886-1977), militant anarchiste et antimilitariste.
Louis Besse ne doit pas être confondu avec son homonyme, Louis Besse originaire de la région d’Amiens et décédé en 1937, qui fut industriel et trésorier général pour le Parti républicain radical et radical-socialiste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article200033, notice BESSE Louis, Octave par Frédéric Thébault, version mise en ligne le 10 février 2018, dernière modification le 2 décembre 2022.

Par Frédéric Thébault

ŒUVRE :
Quelques publications (romans, guide - les éditeurs non mentionnés sont inconnus) :
- Mamzelle Bécane (1897)
- 1900 : huit jours à Paris pendant l’exposition universelle (guide, avec Augustin Bernard, membre du groupe La Commune de Félix Pyat qui avait déjà collaboré à La Clameur Révolutionnaire, plus tard gérant de L’Humanité - La Librairie Parisienne, 1899)
- Contes roses et rosses (1899, la Librairie Parisienne)
- Bras croisés (1900)
- Amour Charnel (1901, la Librairie Parisienne)
- Teuf-Teuf (1901)
- Confessions de deux enfants du siècle (avec Antonin Reschal, 1901)
- ‎Filles du peuple (1902)
- Lâchez tout ! (1902)
- L’Idole rouge, la foule en rut (1903, Fort)
- Femmes nues (1903, Fort)
- Le demi-mâle : mœurs montmartroises (1905, Albin Michel)
- La débauche (1906, la Librairie Parisienne)
- La Fille de Gamiani, journal d’une prostituée (1906)
- La vie en culotte rouge, nouvelles érotiques (1907)
- Anthologie des poètes du terroir, 4ème volume (1914)
- L’Ange de la Grève (publication "prévue" en 1914)

SOURCES : Les ouvriers en grève, tome 3 : 1871-1890, par Michelle Perrot (étude publiée par l’École Des Hautes Études En Sciences Sociales, 2001). — Topographie du socialisme français 1889-1890, nouvelle édition corrigée par Marc Angenot (collection de travaux collectifs édités à Montréal par la Chaire James McGill d’étude du discours social). — Le roman de Reschal, ou, Un romancier marginal par Daniel Auliac (Publibook, 2000). — Reflets d’une Maupassante par Gilles Picq (édition des Commérages, 2014). — Encyclopédie Socialiste, Syndicale et Coopérative par Hubert Rouger (Aristide Quillet, 1912-1921). — Multiples articles et publicités dans la presse en ligne sur le site de la BNF, Gallica : La Presse, L’Intransigeant, L’Autonomie, le Tintamarre, La Lanterne, La Plume, Le Gérant, le Grillon, Le Progrès, le Sport Universel Illustré, Le XIXe siècle, l’Homme Libre, Paris Fêtard, Pro Armenia. — État-civil (recherches généalogiques familiales).

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