CIAVALDINI Noël, Henri, Edmond

Par Antoine Olivesi

Né le 19 octobre 1895 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; docker ; militant syndicaliste (CGTU), communiste, puis sabianiste, secrétaire général du syndicat CGTU des dockers de Marseille (1925-1935).

Fils d’Antoine Ciavaldini et de Rosalie Gavaron, marié en 1918 à Marseille avec Antoinette Robert, Noël Ciavaldini a été une figure controversée du syndicalisme docker local. Après avoir été élève de l’école communale des Présentines jusqu’à l’âge de dix ans, il navigua comme mousse pour une compagnie navigation jusqu’en 1914. Appelé en octobre 1914, il rejoignit le 98e RI à Roanne (Loire), puis fut envoyé sur le font avec le 321e RI. Réformé en 1916 après une grave blessure qui lui valut d’être amputé d’un bras, pensionné à 80 %, il était titulaire de trois citations et avait été proposé pour la Médaille militaire et la Croix de guerre. Noël Ciavaldini fut embauché comme docker sur le port de Marseille. Il semble qu’il ait été d’abord de tendance anarchisante avant de rejoindre la CGTU où il représenta, en 1923, la Fédération des Ports et Docks des Bouches-du-Rhône au congrès de Bourges en novembre 1923. Il y vota pour la motion Besnard. Deux ans plus tard il était secrétaire général du syndicat unitaire des dockers de Marseille qui ne comptait alors que 82 adhérents, membre du conseil d’administration de la Bourse du Travail de Marseille et de l’Union locale d’unité qui regroupait alors la CGT et la CGTU dans cette ville. En février-mars 1925, il appela son syndicat à manifester contre Castelnau puis contre Millerand. La même année, au mois de mai, il fut candidat sur la liste communiste aux élections municipales, à Marseille, liste qui obtint seulement en moyenne, 4 000 voix environ. Au mois d’août, toujours en 1925, il fit des réunions chez les dockers, au moment de la préparation du congrès organisé par les communistes et la CGTU contre la guerre du Maroc.
Au congrès constitutif de la 8e UR unitaire au début mars 1926, Ciavaldini fut élu membre de la commission exécutive.
En 1926, Ciavaldini participa à diverses actions notamment à la journée nationale du 7 novembre, organisée par la CGTU, il fut, par ailleurs, désigné par les instances nationales de cette dernière Centrale pour effectuer une tournée de propagande en Corse au mois de septembre.
Pourtant ses rapports avec le PC commençaient à se détériorer. Selon un rapport de police du 10 juillet 1926, les dirigeants locaux du Parti n’avaient qu’une confiance limitée à son égard, et, à la CGTU, Bonnet lui reprochait de ne pas assez faire de propagande parmi les dockers. Lui-même menaça alors de démissionner et de passer au Parti socialiste-communiste de Sabiani.
En janvier 1927, Ciavaldini fit l’objet d’attaques conjuguées de la part de la CGTU et du PC et notamment de Pierre Haas, secrétaire de la cellule des dockers, venu de Lyon, et travaillant à Marseille depuis huit mois comme journalier sur les quais. Ciavaldini, méfiant, refusa d’installer son syndicat au siège du club des Marins.
En octobre, il se rendit à Port-de-Bouc pour aider les dockers de ce port à s’opposer au débarquement d’un navire mis par eux à l’index. Il venait d’être condamné à un mois de prison le 1er octobre par le tribunal d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) pour entrave à la liberté du travail. En février 1928, il participa au meeting de protestation organisé par le SRI contre la répression dont avaient été victimes les mutins de Calvi jugés à Marseille. Lui-même déclara avoir été condamné à cinq jours de prison et à quinze francs d’amende pour avoir organisé une réunion publique à ce sujet. Cette condamnation ne fut pas mentionnée par la police par la suite.
La rupture entre Ciavaldini et le PC se produisit en 1929. Tout d’abord Duisabou lui reprocha « d’avoir trahi le prolétariat à la veille de la journée du 1er août » et annonça qu’il serait jugé par le Parti en raison de « son étrange conduite ». D’autre part, au congrès départemental unitaire du 9 septembre 1929, Ciavaldini vota avec la minorité contre le rapport moral. Mais il demeura cependant à la tête du syndicat des dockers dont il avait fait « sa propriété personnelle » écrivait, à son sujet, Rouge-Midi, le 9 juin 1934, en le classant parmi « les saboteurs de la CGTU ».
Dans ses souvenirs (cf. On chantait rouge, p. 184-186), Charles Tillon présente Ciavaldini comme un « Corse rondouillard » à la solde de Bour et de Victor Engler, qui trafiquait sur le plan local, avec l’aide de médecins marron, des congés aux assurances sociales en faveur des dockers qui prenaient chez lui leur carte syndicale.
Du côté de la CGT, en 1932, Manot* l’attaqua violemment dans Le Midi syndicaliste, en tant que dirigeant du syndicat unitaire et communiste enrichi possédant villa et voiture. En fait, à cette époque, dans le port de Marseille, le syndicat des dockers était divisé en trois groupements, l’un appartenant à la CGT confédérée, les deux autres affiliés à la CGTU, mais le plus important étant contrôlé par les sabianistes.
D’après un rapport préfectoral confidentiel non daté, mais qu’on peut situer en décembre 1934, le syndicat CGTU des dockers aurait compté 740 adhérents.
Ciavaldini, condamné à la fois par les confédérés et les communistes, mais s’appuyant désormais sur Sabiani, réussit à diriger, au nom d’une CGTU divisée sur ce point précis, le syndicat des dockers de Marseille jusqu’à la poussée du Front populaire qui dut l’obliger, après l’unité d’action, à se retirer, au profit des communistes jusqu’alors minoritaires. Il fut exclu en effet du conseil syndical en avril 1935 et du syndicat le 18 mai, lors d’une assemblée générale, sous l’accusation de vols au préjudice de l’organisation.
Devant la montée du Front populaire, Ciavaldini, tenta, semble-t-il, une dernière manœuvre. Le 6 décembre 1935, en accord cette fois, avec les dockers confédérés, Manot, Filliol et Advenant, une assemblée générale de fusion se tint entre le syndicat confédéré des dockers et « une délégation du syndicat unitaire des dockers de la rue Peyssonnel ».
Le nouveau syndicat, dont le siège était désormais le local du 4 boulevard Maritime, fut intitulé Union syndicale unifiée des ouvriers des Ports et Docks. Ciavaldini et Nazzi firent partie du conseil syndical et Manot se rendit au congrès national du Havre, où en sa qualité de trésorier général de la Fédération nationale, il espérait bien faire cautionner le nouveau syndicat.
Mais, à la suite d’une grève des dockers qui eut lieu en décembre, de la réaction des communistes conduits par Gagnaire* et de la défection de nombreux confédérés qui rompirent avec les nouveaux dirigeants, cette organisation avorta, et le 2 janvier 1936 eut lieu le véritable congrès de fusion des dockers. D’après Lucien Molino*, Ciavaldini aurait refusé de donner la parole à Gagnaire, qui le secoua quelque et fut élu à sa place. Trois jours après, cette décision fut ratifiée par le congrès départemental de réunification et la formation de la nouvelle UD (Petit-Provençal, du 9 décembre 1935 au 6 janvier 1936).
Eliminé, Ciavaldini quitta, semble-t-il, Marseille dont les listes électorales de 1937 précisent qu’il avait été transféré, cette année-là, sur les listes de la commune voisine de Vitrolles dans les Bouches-du-Rhône.
Ciavaldini reparut, cependant, en 1938, comme secrétaire de l’Union syndicale des dockers français, syndicat anticommuniste regroupant peu d’adhérents, et qui appela les dockers à ne pas faire la grève le 30 novembre 1938.
Après la déclaration de guerre, Ciavaldini essaya, dès le 30 septembre 1939, de reprendre en main le syndicat des dockers, par le biais d’un comité de secours aux dockers mobilisés et il signa un tract intitulé : « Après la trahison communiste ». Il offrit sa collaboration au préfet par une lettre du 26 octobre (lettre conservée aux Arch. Dép.), où il s’intitule secrétaire général du syndicat des dockers et du comité de secours mentionné plus haut. Il chercha des appuis, également, du côté des ex-confédérés, de la SFIO et du patronat marseillais. En février 1940, il était président du syndicat des dockers. Les rapports de police relatifs à son activité à cette époque présentent ce comité de secours comme composé de « gens tarés, de moralité douteuse, militants extrémistes en 1914-1918, qui profitent de la situation actuelle en se déclarant confédérés, mais ont combattu le communisme depuis 1936 ». Ciavaldini lui-même est mentionné comme étant propriétaire d’une villa à La Barasse, près de Marseille, et ayant subi deux condamnations, celle de 1927, l’autre à une amende le 23 novembre 1936 pour blessure volontaire et délit de fuite. Il resta à la tête de son syndicat jusqu’à la fin 1943, date à laquelle le port fut placé sous autorité allemande. Il se retira à Mallefougasse (Basses-Alpes/Alpes-de-Haute-Provence) en janvier 1944, village où il avait l’habitude de venir l’été. Il fut arrêté là à la Libération et fut incarcéré à Saint-Vincent-les-Forts ((Basses-Alpes/Alpes-de-Haute-Provence), puis, en 1945, à Marseille, à la prison des Baumettes, dont il sortit pour raison de santé le 13 août 1945. Il s’établit alors aux Pennes-Mirabeau (Bouches-du-Rhône). Il avait été inculpé d’intelligence avec l’ennemi. Il lui était reproché par ses adversaires syndicaux et politiques (Pierre Gagnaire*, secrétaire du syndicat des dockers CGT, Jules Sébastianelli*, Antoine Daglio*, etc.) de les avoir dénoncés pour les faire interner ou de les avoir menacés et d’être responsable du retrait de leur carte d’entrée portuaire. Même s’il n’avait adhéré que tard, en février 1943, au PPF (Parti populaire français) pour, avait-il dit, conserver sa carte d’entrée, il était considéré par ses adversaires comme par ses amis (Toussaint Susini, secrétaire du port du syndicat des agents de maitrise) comme « un sabianiste convaincu ». Il nia toutes les accusations portées contre lui, invoqua les services qu’il avait rendus et affirma avoir démissionné par lettre du PPF le 15 janvier 1944. Il affirma n’avoir soutenu publiquement Sabiani* qu’en 1928 alors qu’il se disait encore communiste et être toujours resté hostile « l’introduction de la politique dans les syndicats ». Son adhésion au PPF lui valut d’être renvoyé devant la chambre civique qui le condamna, le 29 juillet 1946, à dix ans d’indignité nationale.
Noël Ciavaldini était décédé depuis plusieurs années en 1978.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article20009, notice CIAVALDINI Noël, Henri, Edmond par Antoine Olivesi, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 18 janvier 2021.

Par Antoine Olivesi

SOURCES : Arch. Nat. F7/13050. — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, VM2/256, 261, et 268 ; M6/10802, rapport du 1er mars 1925 ; M6/10804, rapport des 2 mars, 10 juillet et 15 novembre 1926 ; M6/10805, rapport des 29 septembre et 8 novembre 1926 ; M6/10806, rapports des 12 janvier, 8 avril et 8 octobre 1927 ; M6/10807, rapports des 10 février et 11 décembre 1928 ; M6/10808, rapports des 14 août et 10 septembre 1929 ; M6/10823, rapports des 2 janvier et 23 février 1940 (lettre manuscrite du 26 octobre 1939 au préfet) ; XIV M 24/45 ; XIV M 25/133, rapport du 29 novembre 1938 ; 54 W 11 (chambre civique). — Arch. com. Marseille, listes électorales de 1925, 1931, 1935, 1937. — Le Petit Provençal, 1er mai 1925. — Indicateur Marseillais, 1925. — Le Midi Syndicaliste, février 1932. — Le Radical, 8 février 1925. — Rouge-Midi, 9 juin 1934, 16 novembre et 21 décembre 1935. — Marseille-Libre, 1931-1939. — Ch. Tillon, On chantait rouge, op. cit. — D. Moulinard, Le Parti communiste à Marseille... op. cit. — Lucien Molino, Ma vie et mes combats, Marseille, chez l’auteur, 2000, p.28-29. Renseignements recueillis auprès de l’actuel syndicat des dockers de Marseille.—renseignements Jean-Marie Guillon.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable