BLAIZE Francois, Adrien

Par Benoit Willot

Né le 21 janvier 1824 à Burcy (Seine-et-Marne), mort le 17 novembre 1900 à Joinville-le-Pont (Seine, Val-de-Marne) ; ouvrier lunettier, ; coopérateur, à l’origine de l’Association fraternelle des ouvriers lunettiers (ancêtre de Essel, puis Essilor) ; conseiller municipal de Joinville-le-Pont.

Francois Adrien Blaize naquit dans une famille de vignerons. Il était le fils de Marguerite Ratare et de son époux René Blaize.
Ouvrier lunetier, il fut un des treize fondateurs le 19 mars 1849 de l’Association fraternelle des ouvriers lunettiers dont le siège était à Paris, 180 rue Saint-Martin, et qui comptait comme gérants Nicolas-Onésime Muneaux ainsi que deux petits patrons : Antoine Appollinaire Duez et Claude Duriez. Comme les autres membres, Blaize souscrivit une part de capital de 300 francs, qui furent prélevés sur les bénéfices.
Selon Jacques Bénard, les fondateurs étaient « nourris par les écrits de Saint-Simon, de Charles Fourier, de Pierre-Joseph Proudhon, et surtout du saint-simonien Philippe Buchez et de son journal l’Atelier ». L’Association a comme devise « Solidarité entre les travailleurs » et comme emblème un niveau. Les coopérateurs s’appuient sur un décret de Louis Blanc du 5 juillet 1848 qui permet la création de près de 200 associations ouvrières.
Auguste Fougerousse rapporte que, pendant les deux premières années, les coopérateurs vont voir leurs revenus divisés par deux par rapport à ce qu’ils percevaient en tant qu’employés.

En 1852, l’Association fraternelle devint Société industrielle et commerciale des lunetiers en commandite simple à capital variable ou Société des lunetiers (SL). Le développement de l’entreprise fut rapide, puisqu’en 1891, elle avait 1 500 salariés, des usines en province et une succursale à Londres.
Les associés s’étaient endettés de 650 francs pour racheter leur fonds à Duez et Duriez. Muneaux, l’administrateur, convainc ses associés de réinjecter les bénéfices pour renforcer le capital de la société, qui ne s’ouvre à de nouveaux coopérateurs qu’à l’occasion de rachats d’autres entreprises concurrentes ou complémentaires. En 1866, la valeur de la part était passée à 10 000 francs et il y avait 30 associés. Les associés convinrent, d’après Fougerousse, de supprimer le fonds de pension de retraite au profit de la constitution d’un patrimoine. La valeur de leur participation atteignit 30 000 francs en 1880.
Si beaucoup d’auteurs saluèrent la remarquable durée de l’ancienne association ouvrière, une des seules à avoir survécu (avec l’association des tailleurs de limes et les établissements Godin, à Guise), Charles Gide, en 1889, critique le fait que, à côté des 58 associés, il y a « 1 200 ouvriers salariés qui n’ont aucune part dans les bénéfices ». En 1893, il qualifia la compagnie de « syndicats de patrons » de type inégalitaire.
En 1972, la Société des lunetiers, qui avait adopté la marque Essel en 1964, fusionna avec Silor et crée Essilor, une des plus grandes entreprises d’optique du monde. Pour Roger Montagne, « les Lunetiers de Paris, modeste coopérative ouvrière à l’origine, étaient devenus une puissante société anonyme entre les mains des héritiers des ouvriers fondateurs. »
Francois Blaize, qui s’était installé à Joinville-le-Pont après 1871, avait épousé Aimée Cécile Énée.

Il fut élu pour la première fois au conseil municipal de Joinville en 1878 et réélu en 1881, 1884, 1888 et 1892. Il siégea au total dix-huit ans dans l’assemblée communale. En 1879, solidaire du maire Gabriel Pinson, Blaize signa une motion de la majorité du conseil municipal dans laquelle ils « blâment sévèrement le citoyen Demeestère », un de leurs collègues qui avait organisé une collecte en faveur d’un ancien communard, Adolphe Morandy. En 1892, il figura sur la liste d’Eugène Voisin, élu maire avec le soutien des radicaux-socialistes.
En 1896, atteint de surdité, Blaize ne se représenta pas. — il siégea cependant toujours au bureau de bienfaisance communal. Probablement du fait des ressources acquises en tant que fondateur de la Société des lunetiers, il mena une activité charitable notable.
Francois Blaize mourut à l’âge de 76 ans. Libre-penseur, il eut des obsèques civiles. Il était proche du député radical-socialiste Jules Ferdinand Baulard, également joinvillais, dont il avait partagé le combat républicain en 1848.
Plusieurs autres Joinvillais sont liés à la Société des lunetiers dont Pierre Jules Tireau (1829-1900), militant radical-socialiste et libre-penseur à Joinville ainsi que Charles Eugène Videpied (1834-1900), qui en fut le gérant pendant une vingtaine d’années, également militant radical-socialiste à Joinville.

VOIR AUSSI : Abel Davaud, Nicolas Onésime Muneaux, Albert Leloup, Jules Ferdinand Baulard.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article200157, notice BLAIZE Francois, Adrien par Benoit Willot , version mise en ligne le 3 juin 2021, dernière modification le 3 juin 2021.

Par Benoit Willot

SOURCES : Arch. Dép. Paris (état-civil). — Arch. Dép. Seine-et-Marne (état civil). — Arch. dép. Val-de-Marne (état civil, listes électorales, recensements). — Gazette des tribunaux, 1849. — Recueil des actes de la préfecture de la Seine, 1882. — Bulletin municipal officiel Paris, 1884-1895. — Voix des communes, hebdomadaire, 1888-1900. — Le Petit Parisien, quotidien, 1879.

BIBLIOGRAPHIE : Auguste Fougerousse, "Les Lunetiers de Paris, Association ouvrière de production", La Réforme sociale, juillet 1882. — Serge Martin, "De l’Association fraternelle des ouvriers lunetiers de 1849 à Essilor", RECMA, n° 33, 1er trimestre 1990. — Paddy Kamen (trad. Paul Mallette), "Un esprit d’innovation hors du commun, voilà Essilor", Coup d’œil, mars 2004, Breton communication. — Géraud Buffa, Jean Davoigneau et Laurent Poupard, Inventaire général du patrimoine culturel, pantomètres de la Société des Lunetiers, Morez, Jura, Ministère de la culture, Base Palissy, 2002-2011. — Jacques Bénard, "Histoire des lunettes", in Mémoires de la Société d’agriculture, sciences, belles-lettres et arts d’Orléans, 1992. — Maud Faraut, La société des lunetiers, 1849-1873, naissance et développement d’une association ouvrière de production, thèse de l’Université Paris-Sorbonne sous la direction de Dominique Barjot, 2001. — Joseph Cernesson, "Les associations ouvrières de production" in Revue des deux mondes, juillet 1911. — Charles Gide, "Coopération et transformations dans l’ordre économique", in Revue d’économie politique, Paris 1889. — Charles Gide, "Les nouvelles compagnies ouvrières", in Revue d’économie politique, Paris 1893. — Charles Gide, "Les associations coopératives de production en France", in Revue d’économie politique, Paris 1900. — Pierre du Maroussem, "Les Grands-Magasins tels qu’ils sont", in Revue d’économie politique, Paris 1893. — P. Cavaré, Étude sur les associations coopératives, Faculté de droit de Paris, thèse pour le doctorat, impr. A. Parent, Paris, 1867. — Léon Dupont, À qui la faute ? Bloud, 1905. — Edmond About, ABC du travailleur, Hachette, 1888. — Paul Hubert-Valleroux, "Les sociétés coopératives à Paris après la guerre et la Commune", in La Revue politique et littéraire ? 1871. — Jean Frollo, "Les sociétés ouvrières", in Le Petit Parisien 31/05/1898. — G. Duchesne, Pierre-Joseph Proudhon et alt., Almanach des associations ouvrières pour 1850, Union essénienne, 1850. — Roger Montagne. "Les problèmes que pose l’expansion du mouvement coopératif", in Économie rurale, n° 62, 1964. — X., "Les associations ouvrières de 1848", in Le Temps 17 février 1882. — Henry Clément, "Associations ouvrières et associations patronales", in La Réforme sociale, juillet 1899.

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