CITERNE Gabriel, Eugène

Par René Lemarquis, Claude Pennetier

Né le 20 août 1901 à Saint-Hilaire près de Pionsat (Puy-de-Dôme), mort le 27 juillet 1981 à Niort (Deux-Sèvres) ; maçon-menuisier, puis marchand-forain à Niort (Deux-Sèvres) ; militant communiste de L’Haÿ-les-Roses (Seine, Val-de-Marne) et de Villejuif (Seine, Val-de-Marne), des Deux-Sèvres et de la Haute-Vienne, responsable national du Secours rouge international (SRI) ; syndicaliste ; coopérateur ; résistant, membre des FTPF ; député des Deux-Sèvres (1946-1951).

Gabriel Citerne
Gabriel Citerne
Photo Assemblée nationale

Gabriel Citerne était le fils d’un ouvrier charron devenu ouvrier des tramways, mort accidentellement en 1931 à Villejuif (Seine, Val-de-Marne), et de Maria Labbé, ménagère couturière. Né Gabriel Labbé, il fut reconnu par le mariage de ses parents en août 1902 à Saint-Hilaire.

Il fit des études primaires aux écoles communales de Montrouge (Seine, Hauts-de-Seine) et de L’Haÿ-les-Roses (Seine, Val-de-Marne). Son éducation, disait-il en 1932, fut « presque nulle... ayant obtenu le certificat d’études par le plus grand des hasards ». Plus tard, il a « lu beaucoup mais peu retenu. » Il commença à travailler en 1915 à Montrouge dans la carosserie-auto, puis fut manœuvre et machiniste sur bois (profession : toupilleur). De 1921 à 1923, il fit son service militaire au 156e RI à Mulhouse. Lors de l’occupation de la Ruhr, il participa à un refus collectif de soldats et devait être déféré au Conseil de guerre pour refus d’obéissance, mais il n’y eut pas de suites. À son retour, il fit de nombreux métiers : dans des usines métallurgiques (Citroën-Panhard...), aux pépinières de L’Haÿ-les-Roses, dans diverses entreprises du bâtiment (menuiserie, béton armé). Son appartenance syndicale reflète ce parcours professionnel puisqu’il fut, après 1920, membre des syndicats du bâtiment, des employés, du bois et, de nouveau, du bâtiment comme cimentier. En décembre 1928, il devint permanent rémunéré à l’administration de La Défense, organe du Secours Rouge international (SRI).

Gabriel Citerne avait d’abord épousé Simone Segrette, membre du syndicat des employés, qui travaillait comme sténo-dactylo à la Bellevilloise. Elle était la fille d’un ouvrier du bâtiment communiste. Ils eurent une petite fille, puis le couple se sépara et la femme mourut en août 1931 des suites d’une opération ; leur fille Ginette avait alors six ans. Citerne vécut avec Germaine Mathé, dactylo comptable, membre des Jeunesses communistes et trésorière du SRI de la Région parisienne. Née le 11 mars 1913 à La Rochelle (Charente-Inférieure, Charente-Maritime), elle était la fille d’un cheminot habitant alors à Carrières-sur-Seine (Seine-et-Oise, Yvelines).

Gabriel Citerne adhéra aux Jeunesses socialistes en 1916 à la section de Bourg-la-Reine. Il se disait influencé par Le Journal du Peuple que lisait son père. En 1920, il passa à la Jeunesse communiste où il fut secrétaire et trésorier de L’Haÿ-les-Roses. Il adhéra en même temps au Parti communiste (carte n° 1618). Il fut affecté, selon ses tâches, successivement aux cellules de L’Haÿ-les-Roses, Villejuif (4e rayon) ; de Panhard-Levassor, de rue de la Gare dans le XIIIe arrondissement, enfin la cellule Dressoir dans le XIXe arrondissement. Il était en 1932 secrétaire de cellule, de sous-rayon et membre du comité du 4e rayon où il avait été nommé lors de la conférence nationale de Levallois en 1931 et, en tant que représentant du SRI, à un comité central de son parti. En 1924, il fut candidat aux élections municipales à L’Haÿ-les-Roses. À Villejuif, il fut chargé en 1923 de former un club sportif dans le secteur de Gentilly et il fut délégué, l’année suivante, à la propagande du club ouvrier affilié à l’Internationale sportive rouge. Il était alors trésorier des JC de Villejuif. Il lutta en 1925 au sein du 4e rayon contre les oppositionnels de la « Lettre des 250 » comme Marcel Roy qui étaient particulièrement influents dans ce secteur. Citerne avait suivi des cours du marxiste Charles Rappoport, qu’il connaissait bien et qu’il admirait.

Militant actif, il participa aux grèves de 1920 (il dit appartenir au comité central de grève), de 1921, en particulier celle des terrassiers, à toutes celles de 24 heures. Il fut blessé au cours d’une manifestation pour Sacco-Vanzetti. Il fut poursuivi, avec neuf autres militants en 1927 pour provocation de militaires à la désobéissance ; défendu par Me Marcel Willard, il bénéficia d’un non-lieu, Vaudoyer étant seul condamné. Le 1er mai 1928, il fut appréhendé pour distribution de tracts CGTU appelant à la grève. Citerne s’occupait également du groupe artistique l’Églantine de Villejuif et assista à la réunion pour la création d’une fédération du théâtre ouvrier de France (FTOF). Enfin, il était coopérateur à la Famille Nouvelle.

Cependant son activité essentielle fut, après 1928, consacrée au Secours rouge international (SRI) dont il était membre depuis 1927. Nommé d’abord administrateur de son journal La Défense, en décembre 1928, il en fut secrétaire-trésorier de la région parisienne en octobre 1929 puis entra à son comité central. Délégué permanent à la propagande en 1930, il devint, en 1931-1932, secrétaire national permanent tout en assurant éventuellement des secrétariats départementaux (par exemple la Somme en 1931). Il participa à des sessions du comité central en Belgique et au Luxembourg pendant la période « classe contre classe » et fut délégué au 1er congrès mondial du MOPR (Secours rouge international) en novembre 1932 à Moscou. Il participa en août 1932 à une tournée en Algérie pour la libération de Raymond Bossus. Il était aussi chargé de tâches plus ou moins illégales : service des passeports pour l’IC, répartition d’argent aux sections nationales du SRI sur ordre du représentant à Berlin du MOPR, édition clandestine de tracts en août 1929, émigration et organisation de passages de frontières. Il s’était spécialisé dans les problèmes coloniaux, ayant été appelé à la commission coloniale centrale du parti par André Ferrat. Il écrivit à ce sujet des articles dans La Défense, la presse régionale du parti ainsi qu’une brochure : Civilisation ! La Répression dans les colonies. Le SRI l’avait chargé de suivre les relations avec Paul Roussenq, anarchiste libéré du bagne en 1932, après vingt ans de captivité. Il lui fit faire un séjour en URSS en 1933 et publia son compte rendu de voyage. La tournée qu’il fit avec l’ancien bagnard fut extrêmement difficile en raison de la personnalité de son héros qui s’éloigna des communistes pour rejoindre les anarchistes. Cette mission lui valut des rapports tendus avec André Marty et Éléna Stassova.

En tant que secrétaire général du SRI, il prit position sur la politique du Parti. Ainsi dans les Cahiers du Bolchevisme, en novembre 1931 et 1932. C’est ainsi que dans un article intitulé « La discussion dans le Secours rouge », paru dans le numéro des Cahiers du 15 novembre, il critiquait « le ton de l’article de Romier » et déclarait que la discussion était bonne mais qu’elle devenait inutile « si à l’avance, la direction du Parti a raison et les militants du SRI sont assommés par une étiquette de « purs » ou de « sectaires » ou tournés au ridicule ». La direction des Cahiers ne donna pas raison à Citerne. Celui-ci se défendit et réfuta certaines critiques à lui adressées par un article : « Dans le SRI. Orientons la discussion sur le terrain politique », paru le 1er février 1932. Le Parti estimait toutefois - même numéro - que « malgré les affirmations du camarade Citerne [...] une véritable autocritique n’existe pas encore dans le Secours rouge ».

C’est à Moscou, lors du congrès du MOPR, qu’il écrivit le 23 novembre sa deuxième autobiographie où il indiquait « c’est sur la demande du parti que je suis resté à Paris pour travailler avec la nouvelle direction... mon intention est à présent de demander au Parti de pouvoir quitter la Région parisienne [...] À mon retour je pense partir en province chercher du travail ». Une note du secrétariat du SRI en date du 19 mai 1932 avait en effet décidé que « les camarades Blache (Robert Blache), Citerne, Rouffianges (Marcel Rouffianges), ne pourront occuper aucun poste dans cette organisation. Ils continueront toutefois à faire partie de comité exécutif et à y travailler activement. »

Gabriel Citerne partit alors dans la région Vendée-Deux-Sèvres où il fut secrétaire fédéral en 1933-1934, puis en Haute-Vienne avec les mêmes fonctions en 1934-38. Il participa au cours de ces années à de multiples réunions dans toute la France ainsi en Vendée de 1933 à 1935. Bon orateur, contradicteur redouté, parfois « agressif » selon les témoignages de militants vendéens, Citerne intervint en toutes régions, mais particulièrement peut-être en Vendée et dans la région : en 1934 dans le Comité antifasciste de la Roche-sur-Yon et dans les manifestations du Front populaire à Fontenay-le-Comte en juillet de cette même année, mais surtout aux Sables-d’Olonne en août.

En août 1934, à la suite de sa participation à la contre-manifestation aux Camelots du Roi aux Sables-d’Olonne le 25 août, il fut inculpé sur plainte du commissaire de police pour propagande antimilitariste et incitation de militaires à la désobéissance mais un non-lieu intervint finalement. Son action facilita la diffusion du journal Le Semeur en 1937, journal du parti édité à l’Imprimerie commerciale, chez le socialiste Constantin Bouron à Fontenay-le-Comte. Il participa également à plusieurs élections législatives : dans l’arrondissement de Bellac (Haute-Vienne) en 1936 au cours de laquelle il recueillit 914 voix sur 17 810 suffrages exprimés au premier tour ; au second tour, son désistement et sa campagne vigoureuse favorisa l’élection du candidat SFIO Georges Tessier.

Georges Citerne participa et intervint au VIIIe congrès du Parti, Lyon-Villeurbanne, 22-25 janvier 1936 (cf. compte rendu p. 168-173), au nom de la Région limousine. L’état du Parti était assez modeste ; Citerne admit « un certain retard » mais témoigna de « beaucoup d’espoir ».

Mobilisé le 1er septembre 1939 à la 22e section d’infirmiers, il fut fait prisonnier en juin 1940 mais réussit à s’évader peu après. Selon un rapport de la commission des cadres, responsable régional sur Paris Nord, en particulier dans le XIXe arrondissement, il fut relevé en avril 1941 et « mis à la base » à la suite d’une altercation avec le responsable politique de l’Inter. « Il devait être mis sur une région paysanne. Mais il fut remis en route sur le XXe qu’il a redressé ». Roger Linet le présente cependant comme un des responsables aux cadres en janvier 1942 (La Traversée de la tourmente, op. cit., p. 280). Il travailla également sur le secteur de Villejuif-Ivry. Il fut arrêté le 11 août 1944 mais libéré le 17 par la grève des gardiens de prison (ou par l’action des FTP selon une note du 14 mars 1950). Médaillé de la Résistance pour son action dans les FTP, il fut vice président du Comité de Libération du XXe arrondissement et devint maire adjoint de l’arrondissement.

Démissionnaire dès 1945, il retrouva les responsabilités de secrétaire fédéral de la Haute-Vienne qu’il assuma jusqu’en 1947. Le secrétariat du PCF du 2 janvier 1946 le nomma délégué à la propagande puis, le 2 juin 1946, il fut élu député des Deux-Sèvres. Réélu en novembre 1946, il échoua au scrutin de 1951. Le 30 juin de cette même année, il était désigné par l’Assemblée nationale comme juge titulaire à la Haute Cour de Justice ; il le demeura jusqu’en 1955. Le secrétariat du PCF du 25 septembre 1950 avait demandé que Citerne soit affecté au poste de directeur du journal La Défense en remplacement de Charles Désirat, puis le 25 juin 1951 il demanda qu’il soit mis à disposition d’une organisation de masse, peut-être France-URSS car, dès le mois suivant, le secrétariat l’autorisa à partir en délégation en URSS avec cette organisation.

De 1947 à 1950, Gabriel Citerne retrouva ses fonctions de secrétaire fédéral des Deux-Sèvres et fut élu conseiller municipal de Niort en octobre 1947. Il était délégué permanent à la propagande du comité central en 1950-1954. Revenu dans la région parisienne, à L’Haÿ-les-Roses (Seine, Val-de-Marne) en 1953, il fut élu conseiller municipal à L’Haÿ-les-Roses puis premier adjoint au maire. Réélu conseiller municipal le 26 avril 1953 (premier adjoint de Raymond Baudin), le 13 juin 1954 et le 16 décembre 1956, il ne se représenta en 1959. Au début des années 1950, il militait à l’Association nationale France-URSS et dans de nombreux groupements : ARAC, Vieux de France, etc. Il se retira à Sainte-Néomaye (Deux-Sèvres).

Gabriel Citerne était père de trois enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article20030, notice CITERNE Gabriel, Eugène par René Lemarquis, Claude Pennetier, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 22 novembre 2022.

Par René Lemarquis, Claude Pennetier

Gabriel Citerne
Gabriel Citerne
Photo Assemblée nationale

ŒUVRE : Civilisation ! La Répression dans les colonies. Éd. du SRI, 36 p. Cahiers de la répression, n° 4, 1932.

SOURCES : Arch. Dép. Vendée, 4 M 404, 408, 512 et 1 M 301. — Arch. Dép. Deux-Sèvres, 4 M 11/3, 4 M 11/4. — Arch. Dép. Nord, M 154/201 C. — Arch. Jean Maitron. — Archives du Komintern, Moscou, RGASPÏ, 495 270 365, autobiographies des 6 avril 1932, Paris ; 23 novembre 1932, Moscou ; décision secrétariat du SRI 19 mai 1932 ; note SMC n° 630 du 14 mars 1950. — L’Éveil du XXe, 4 février 1945. — L’Émancipation, Vendée, n° 47, octobre 1934 et n° 50, janvier 1935. — Interview de M. Delvaux, R. Jolly et G. Citerne par Florence Regourd et par J. Blanchard. — L’Humanité, 28 juillet 1981. — Témoignage de son fils, L’Haÿ-les-Roses, 2000. — État civil.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable