CHAUVIRÉ Jeanne [née EBER Jeanne, Yvonne]

Par Daniel Grason

Née le 4 septembre 1901 à Bar-le-Duc (Meuse) ; morte le 20 août 1959 à Sainte-Bauzille-de-Putois (Hérault) ; ouvrière d’usine, vendeuse, femme de ménage, concierge d’école ; militante communiste ; déportée politique à Ravensbrück (Allemagne).

Jeanne Chauviré
Jeanne Chauviré

Jeanne Eber était la fille de Charles, trente-deux ans et de Marie, Louise, née Petit, couturière, trente ans. Son père fut un ouvrier tailleur qui opta pour la France en 1871. Vendeuse, puis ouvrière d’usine, elle milita dans le XVIIe arrondissement de Paris, à l’Union des femmes contre la guerre, puis contre la guerre et le fascisme. Elle épousa le 8 décembre 1923 Gustave Chauviré en mairie du XVIIe arrondissement. Elle devint concierge de l’École maternelle Lamartine à Gentilly en 1934 dont elle fut révoquée de son emploi en juin 1940 en raison de son appartenance au Parti communiste.

Elle vivait en 1942 au 32 rue Castagnary à Paris (XVe arr.). Le 2 juin 1942 vers 21 heures 45, elle se présenta au domicile d’Eugénie Dietrich 5 rue Léon-Dierx à Paris (XVe arr.). Des policiers attendaient d’éventuels visiteurs, fouillée, elle était porteuse d’un papier où figuraient plusieurs noms et adresses, dont celui de Maurice Nilès ancien maire communiste d’Aulnay-sous-Bois (Seine-et-Oise, Seine-Saint-Denis).

Elle participa le dimanche 31 mai en matinée à l’action de la rue de Buci à l’épicerie « Eco » avec d’autres membres du parti communiste clandestin dont Madeleine Marzin fut la cheville ouvrière. Cette initiative pacifique avait pour objectif de s’emparer de boîtes de conserves et de les distribuer aux ménagères qui faisaient la queue. Cette démonstration ne se déroula pas comme prévue.

Le 2 juin 1942 vers 21 heures 45, elle se présentait au domicile d’Eugénie Dietrich, deux inspecteurs de la BS2 l’arrêtèrent et l’emmenèrent au commissariat. Emmenée le lendemain dans les locaux des Brigades spéciales à la préfecture de police, des policiers lui demandèrent la raison de cette visite. Elle répondit qu’elle connaissait Eugénie Dietrich depuis 1940, elle venait récupérer une paire de chaussures réparées par un cordonnier. Les policiers savaient qu’elle avait participé le dimanche 31 mai à la manifestation rue de Buci, où deux policiers avaient été tués, trois autres grièvement blessés. Ils voulaient savoir qui lui avait demandé de participer et s’y elle avait entraîné d’autres militants.

Brutalisée, elle lâcha le prénom de « Louis » qui lui avait demandé de se rendre à la station de métro Duroc le 31 mai à 9 heures 25, là elle retrouva le couple Roger et Norma Bléron. Un autre homme vêtu d’un complet veston noir, coiffé d’un béret basque, journal à la main était là. Cet homme les emmena par le métro jusqu’à la station Odéon. Une cinquantaine de personnes étaient au rendez-vous, tous se dirigèrent à pied, empruntant le boulevard Saint-Germain, la rue de Seine, puis la rue de Buci. Il y avait deux files d’attente, l’une rue de Buci, l’autre rue de Seine où Jeanne Chauviré était avec Roger et Norma Bléron.

Elle raconta : « Dès notre entrée dans le magasin, des femmes se sont emparées de boites de conserves et les ont jetées à la volée. Je n’ai remarqué personne spécialement, la confusion était trop grande » déclara-t-elle aux policiers. Le mardi 2 juin en soirée elle rencontra les époux Bléron. Ils causèrent de la manifestation de la rue de Buci : « Nous nous sommes fait part de notre étonnement en apprenant qu’il y avait eu des coups de feu de tirés et que des gardiens de la paix avaient été tués ou blessés. » Au cours de cet interrogatoire, Jeanne Chauviré a été frappée à plusieurs reprises. Les policiers voulaient en connaître davantage.

Elle comparut le 25 juin 1942 devant la Section de Paris du Tribunal d’État avec une vingtaine d’autres prévenus. Jeanne Chauviré a été condamnée à cinq ans de prison et à vingt ans d’interdiction de séjour. Elle séjourna dans les prisons de la Petite Roquette, puis de Fresnes, enfin de la Centrale de Rennes où elle arriva le 13 juillet 1942.

Transférée au Fort de Romainville, elle était le 18 avril 1944 dans le convoi de 416 détenues qui partit de la gare de l’Est et arriva le 22 avril à Ravensbrück (Allemagne). Norma Bléron et Marguerite Bronner étaient dans le même transport. Matricule 35127 elle fut libérée par la Croix-Rouge le 9 avril 1945 à la frontière germano-suisse.

Elle habita de nouveau à Gentilly, témoigna devant la commission d’épuration de la police le 27 avril 1945. Elle reconnue parmi les photographies qui lui furent présentées celle de l’inspecteur René C… Elle déclara : « J’ai été consignée une nuit au poste de police, puis transférée à la Préfecture de police, aux Brigades spéciales bureau 520. Au cours des huit jours de ma détention j’ai été frappée par deux inspecteurs. […] Je tiens toutefois à préciser que ce ne sont pas les policiers qui m’ont arrêté. » Elle porta plainte contre les inspecteurs qui l’arrêtèrent et contre ceux qui la frappèrent.

Jeanne Chauviré fut homologuée au titre de la Résistance intérieure française (RIF), Déportée internée résistante (DIR). Elle mourut le 20 août 1959 à l’âge de cinquante-huit ans.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article200421, notice CHAUVIRÉ Jeanne [née EBER Jeanne, Yvonne] par Daniel Grason, version mise en ligne le 26 février 2018, dernière modification le 22 novembre 2022.

Par Daniel Grason

Jeanne Chauviré
Jeanne Chauviré

SOURCES : Arch. PPo. BA 2056, GB 098, PCF carton 13 rapport hebdomadaire des Renseignements généraux du 12 juin 1942, KB 18, 77W 3121, GB 177 photo). — AD Ille-et-Vilaine (notes d’Yves Boivin). — Bureau Résistance GR 16 P 207116. — Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. — Renseignements communiqués par Gustave Chauviré à Jacques Girault — Notes de Corinne Jaladieu. — État civil numérisé de la Meuse 2 E 29 (124) acte n° 294.

PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 177

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