TRINTIGNANT Raoul [Louis, Timothée, François, Raoul]

Par Jacques Brès, Laurent Pichon

Né le 25 août 1898 à Pont-Saint-Esprit (Gard), mort le 3 février 1983 à Nîmes (Gard) ; industriel et commerçant à Pont-Saint-Esprit ; socialiste ; résistant (Combat, Mouvements unis de la Résistance, Armée secrète) ; un des organisateurs principaux de la Résistance dans le Gard rhodanien ; adjoint au maire de Pont-Saint-Esprit avant 1940 ; maire de Pont-Saint-Esprit (1944-1947) ; conseiller général de Pont-Saint-Esprit (1945-1949)

Raoul Trintignant (1898-1983)
Raoul Trintignant (1898-1983)
.Pont Magazine, 2000

Raoul Trintignant était issu d’une famille originaire des environs de Nîmes. C’était des fabricants et marchands de faïence qui s’étaient implantés dans la région de Pont-Saint-Esprit (Gard), au nord-est du département à proximité de l’Ardèche et du Vaucluse : Jean Trintignant était établi dès 1725 comme marchand faïencier à Pont-Saint-Esprit. Cette activité dans la production de faïences est attestée depuis le début du XVIIIe siècle. La famille Trintignant s’allia au début du XVIIIe siècle avec la famille Bouvier également originaire de la région de Nîmes qui figure parmi les ancêtres de Jacqueline Bouvier, épouse du président John Kennedy puis de l’armateur grec Aristote Onassis. Son père Louis, Joseph, Henri, Fernand Trintignant (1875-1927) avait été maire de Sainte-Cécile-les-Vignes (Vaucluse). Sa mère, Louise, Marie, Célestine Delaigne, était âgée de vingt-trois ans en 1898.

Raoul Trintignant se maria, le 16 mars 1925 à Bollène (Vaucluse), avec Claire, Françoise Tourtin, née en 1902. Il eut deux fils, l’acteur de cinéma Jean-Louis Trintignant, né le 11 décembre 1930 à Piolenc (Vaucluse) et Fernand Pierre né en 1929 à Piolenc (Vaucluse) . Le frère de Raoul, Trintigant, Maurice Trintignant (1917-2005), fut un champion de la course automobile. Vigneron à Vergèze (Gard), il fut maire de cette commune de 1958 à 1964.

Raoul Trintignant, premier adjoint au maire de sa commune, défendait les idées socialistes. Dès l’avènement du régime de Vichy, les autorités le considérèrent comme suspect : il fut démis de ses fonctions et fit l’objet d’une surveillance policière.

Après l’abattement qui suivit la débâcle et l’annonce de l’armistice, Raoul Trintignant qui écoutait les appels de la BBC à continuer la lutte, choisit de poursuivre le combat. Les premiers contacts furent noués en 1941 : dès octobre 1941, il diffusa auprès d’amis sûrs les premiers numéros du journal Combat. En 1942, quand Albert Thomas, promoteur des Comités d’actions socialistes et de Combat dans le département, entreprit de structurer ce mouvement, il s’adressa à Raoul Trintignant pour le Gard rhodanien. Après une rencontre entre les deux hommes, le 13 novembre 1942, Raoul Trintignant reçut "pour mission d’installer des responsables du mouvement dans les cantons de Bagnols, de Roquemaure et de Villeneuve-lès-Avignon".

Il noua alors différents contacts à Pont-Saint-Esprit (Edgar Chabrol, Camille Brunel, les familles Espic et Marty...), à Villeneuve-lès-Avignon, avec un ami, l’instituteur Jean Sagnes, à Bagnols, avec le docteur Arène et deux inspecteurs de police retraités, Maurice Aurelle et Henri Warryn. Organisés en sizaines, les groupes mis en place menèrent plusieurs activités résistantes : fournir de faux papiers à ceux qui devaient partir dans la clandestinité, conduire jusqu’à Toulouse et à un contact sûr des jeunes désireux de gagner Londres via l’Espagne pour s’engager dans les FFL, contrecarrer la propagande de Vichy, saboter les installations électriques et ferroviaires pour gêner l’occupant... En tant que responsable du Comité de l’Armée secrète et des MUR (Mouvements unis de Résistance), Raoul Trintignant était en contact avec les responsables régionaux et nationaux de la Résistance. Ainsi, en janvier 1943, un envoyé de Jean Moulin lui demanda de rechercher dans son secteur un terrain susceptible de servir à l’atterrissage de petits avions et à des parachutages. Un terrain satisfaisant fut trouvé à Vénéjan, mais dut être abandonné après une indiscrétion.

Avec l’institution de la Relève puis du STO, les organisations de Résistance ont de nouvelles préoccupations : il fallait aider et prendre en charge tous ceux qui voulaient échapper au départ en Allemagne. Les réfractaires furent d’abord cachés dans des petites fermes isolées, chez des paysans patriotes. Mais, comme le nombre de ces réfractaires augmentait très rapidement, les responsables AS et FTP décident de créer des camps pour les regrouper, les encadrer et les préparer à la lutte : ce fut la naissance des maquis.

En octobre-novembre 1943, Raoul Trintignant rencontra Jean Todorow dit "Jean le Serbe" chargé par André Pavelet dit "Villars" le chef régional (R 3) des maquis Armée secrète, de rassembler les réfractaires des pays de Cèze, avec l’aide d’instructeurs fournis par le maquis Bir Hakeim (Voir Capel Jean). Le Comité AS de Pont-Saint-Esprit choisit le site (la ferme de Terris, sur un plateau désertique entre Méjannes-le-Clap et Saint-André-de-Roquepertuis), aiguilla vers le camp les réfractaires du Gard, de l’Ardèche et du Vaucluse, contacta les commerçants susceptibles de fournir du ravitaillement aux maquisards.

Raoul Trintignant gagna ainsi à sa cause M. Bresson, maire de Saint-Paulet-de-Caisson, qui organisa, de concert avec les résistants, le cambriolage de sa propre mairie afin de récupérer des feuillets semestriels de ravitaillement.
Un mois après l’installation à Terris, se tint chez Raoul Trintignant une réunion en présence du chef départemental des MUR (Mouvements unis de Résistance), Georges Salan. L’organisation du camp était satisfaisante, mais Raoul Trintignant et ses amis du Comité déploraient les risques pris par les hommes de Bir Hakeim, qui, à plusieurs reprises, lors d’opérations menées en plein jour, vinrent défier les troupes d’occupation installées à Pont-Saint-Esprit.

Le 6 mars 1944, celles-ci procédèrent à une vaste opération de police et arrêtèrent quarante personnes. Si Raoul Trintignant parvint à s’enfuir en compagnie de son frère Henri et d’Edgar Chabrol, par contre son épouse Claire fut arrêtée et emprisonnée pendant trois mois.

Raoul Trintignant se cacha d’abord chez un ami à Bagnols-sur-Cèze, Monsieur Artufel, gagna ensuite Avignon (Vaucluse), Salon puis Marseille (Bouches-du-Rhône) où il retrouva son frère Henri, réfugié chez leur troisième frère René. Raoul et Henri durent rapidement repartir et vinrent se cacher en Ardèche, d’abord à La Levade-d’Ardèche puis à Saint-Geniès-en-Coiron, où ils furent hébergés dans le café-restaurant de Victorin Mouton, en compagnie d’Edgar Chabrol et de M. Hiperschmit, un jeune juif.

Mais, victimes d’une dénonciation, ils furent arrêtés par la Gestapo le 22 mai 1944 et ramenés à Pont-Saint-Esprit, où ils furent emprisonnés et durement interrogés à la Citadelle. Ils furent transférés ensuite à la prison Sainte-Anne à Avignon puis aux Baumettes à Marseille, d’où ils furent libérés par le débarquement allié du 15 août 1944.

À la Libération, Raoul Trintignant présida le CLL (Comité local de Libération) de Pont-Saint-Esprit qui comprenait plusieurs de ses compagnons de l’AS, dont E. Chabrol et C. Brunel. Membre du MLN, sa première tâche fut de lancer un comité pour la reconstruction de la ville, touchée par le bombardement allié du 15 août 1944.

Raoul Trintignant, a donc été maire socialiste SFIO de Pont-Saint-Esprit de 1944 à 1947 (provisoire nommé par le CDL, jusqu’en mai 1945, puis élu le 18 mai 1945 avec un mandat auquel mit fin le renouvellement général des conseils municipaux d’octobre 1947) et conseiller général du canton de Pont-Saint-Esprit de 1945 à 1949. À le tête de la délégation spéciale mise en place à la Libération, il organisa en premier lieu le déblaiement des ruines provoquées par le bombardement aérien allié du 15 août 1944 et les secours aux familles qui en avaient été les victimes. Il poursuivit ensuite, après les élections de 1945, son œuvre de reconstruction d’une ville meurtrie par la sauvagerie des répressions de 1943-1944 et le bombardement aérien. Il fit ouvrir une souscription afin de financer l’érection des martyrs de la Résistance assassinés à Pont-Saint-Esprit. Le pont sur le Rhône détruit par le bombardement d’août 1944, fut remplacé par un pont suspendu. Le conseil municipal approuva la constitution d’un syndicat intercommunal de l’électricité. Un débat s’ouvrit en son sein à propos de l’enlèvement et du stockage des déchets ménagers.

Raoul Trintignant reçut plusieurs décorations pour sa participation à la Résistance : la Légion d’honneur, la Croix du combattant volontaire de la Résistance avec homologation au grade de lieutenant, la médaille de la Résistance. La municipalité de Pont-Saint-Esprit a honoré la mémoire de Raoul Trintignant en donnant son nom à l’une des rues de la ville. La rue à proximité du collège Georges-Ville porta désormais le nom de Raoul Trintignant. Il est enterré au cimetière du Pont de Justice à Nîmes où il a fini sa vie.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article200509, notice TRINTIGNANT Raoul [Louis, Timothée, François, Raoul] par Jacques Brès, Laurent Pichon, version mise en ligne le 1er mars 2018, dernière modification le 19 août 2020.

Par Jacques Brès, Laurent Pichon

Raoul Trintignant (1898-1983)
Raoul Trintignant (1898-1983)
.Pont Magazine, 2000

SOURCES : Arch. com. Pont-Saint-Esprit, état civil, acte de naissance de Raoul Trintignant et mentions marginales. — Thierry Allard, « Gardois en lumière, Jean-Louis Trintignant, légende du cinéma et amoureux du Gard », Objectif Gard, 16 août 2016. — Aimé Vielzeuf, Au temps des longues nuits, Uzès, Peladan, 1969, 2e édition, Nîmes, Lacour, 2002, 276 p. — Aimé Vielzeuf, Quand le Gard résistait, tome I, Le temps des pionniers, Nîmes, Lacour, 1996, 237 p. — Entretiens de Laurent Pichon avec Fernand Espic et Julien Marty, résistants de Pont-Saint-Esprit, 2005. — « Histoire de nos maires (4) » Pont Magazine, 2000, — Témoignage de Raoul Trintignant recueilli par Aimé Vielzeuf. — Notes d’André Balent. — Notes de Fabrice Sugier

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