CLAMAMUS Jean-Marie

Par Jacques Girault

Né le 27 juillet 1879 à Saint-Léger-les-Vignes (Nièvre), mort le 5 février 1973 à Paris (IXe arr.) ; comptable ; maire de Bobigny (Seine, Seine-Saint-Denis) de 1919 à 1944 ; député communiste de la Seine (1924-1936) ; sénateur communiste de la Seine (1936-1944).

[Sénat]

Fils unique (sa sœur était décédée en bas âge) d’un cafetier (selon l’état civil) ou d’un ouvrier mineur devenu ensuite employé de chemin de fer (selon la petite-fille de l’intéressé), Jean-Marie Clamamus fut baptisé et fit la communion solennelle.

Après des études secondaires à l’école primaire supérieure, il fit des études de droit commercial. Expert comptable dans une entreprise de charbonnage depuis 1899, il se maria religieusement à Paris en 1903 (son épouse était née en 1882 dans la Seine). Il vécut chez ses beaux-parents où son fils, Gaston Clamamus naquit en 1906. L’année précédente, un enfant n’avait pas survécu.

Jean-Marie Clamamus s’installa peu après à Bobigny où il avait fait l’acquisition d’un petit terrain de 205 m2.

Membre de la SFIO, son activité en banlieue Est fut importante. Le 5 mai 1912, il conduisit une liste socialiste SFIO à Bobigny qui fut battue par des radicaux-socialistes sortants. Lors d’une élection complémentaire en juillet 1914, il fut élu avec trois de ses camarades.

Versé dans le service auxiliaire, puis envoyé au front en mars 1915, il fut gazé en Champagne et fut plusieurs fois réformé temporaire.

Jean-Marie Clamamus passa le reste de la guerre à Bobigny.

Le 22 juin 1916, il demandait la création d’une commission chargée d’organiser l’approvisionnement de la population. Le même jour, désigné au comité d’approvisionnement, il dénonçait l’inertie des autorités en ce domaine. Il fut en outre désigné aux commissions des finances, de la bibliothèque et à la commission scolaire créée ce jour-là. Il participa à la création de soupes populaires et de coopératives de production et d’alimentation. En juin 1918, au moment de l’offensive allemande sur l’Aisne, il interrogeait le maire pour savoir si un plan d’évacuation de la banlieue avait été prévu.

Le 30 novembre 1919, Clamamus conduisait à la victoire la liste socialiste SFIO aux élections municipales. Il obtenait personnellement 609 voix et devint maire le 10 décembre par 19 voix contre 3.

Jean-Marie Clamamus appartenait au conseil d’administration et de direction de l’Humanité. Il opta pour la motion Cachin-Frossard et représenta la Fédération de la Seine au congrès de Tours, à la fin décembre 1920. Il intervint deux fois et notamment interrompit Leroy en s’affirmant « coopérateur communiste ». Membre de la commission de contrôle du nouveau Parti socialiste (SFIC), Clamamus joua un rôle important et, avec de nombreux maires de banlieue, assurait le passage de nombreuses sections socialistes au Parti communiste. Mais, très vite, un mouvement de retour à la SFIO se produisit parmi les maires. Jean-Marie Clamamus fut un des seuls à rester fidèles à leur choix. Toutefois, il ne rompit pas ses liens avec certains de ses anciens camarades. La solidarité communale joua un rôle important dans sa vie politique et fut entretenue par sa présence active aux syndicats intercommunaux, par exemple au conseil d’administration du syndicat des Eaux dès décembre 1922.

Comment se situait-il dans le Parti communiste ? Tout d’abord, il semble bien qu’il ait contribué à aider l’activité du parti comme en témoigne le laissez-passer avec photographie qu’il fournit à l’envoyé de l’Internationale, Humbert-Droz qui faisait de celui-ci un peintre demeurant à Bobigny. L’autre grand exemple fut la prise en charge presque totale de la première École centrale du Parti communiste. Quand le conseil national du 21 janvier 1923 nomma le nouveau conseil d’administration de l’Humanité, Clamamus y représentait la gauche du Parti.

Son rôle et son influence grandirent quand il devint député. Le 11 mai 1924, dans la 4e circonscription de la Seine (banlieue), il fut élu en 4e position de la liste du Bloc ouvrier et paysan avec 105 567 voix sur 406 547 inscrits. À la Chambre il siégea dans la commission de l’administration générale, départementale et communale, dans la commission de l’Hygiène, dans la commission des marchés et spéculations. Il fut pendant ce mandat une des chevilles ouvrières du groupe communiste : propositions d’assistance aux femmes et enfants, sur les lotissements ; interventions dans les discussions budgétaires (travail, éducation nationale, intérieur), dans le débat sur le statut des élus de Paris, sur les accords de Locarno, sur la vie chère et le chômage, etc. Son action pour les lotissements, question qu’il connaissait bien dans la banlieue Est, le situa comme un spécialiste. Il avait déposé dès 1924 un projet de loi tendant à attribuer des crédits aux communes pour l’équipement de ces quartiers. En 1927 il fit une nouvelle proposition pour l’exécution immédiate des travaux de viabilité et d’assainissement. Mais, surtout en 1928, dans la discussion du projet de loi Sarraut, Clamamus présenta de nombreux amendements. Léon Bailby dans l’Intransigeant le 11 avril 1928, reconnaissait son mérite : « les communistes [...] ont délégué à la discussion de la loi le plus malin, le plus intelligent de leurs collègues [...] Son travail d’obstruction très bien mené n’ayant pas réussi, Clamamus a voté la loi. »

Dès lors Jean-Marie Clamamus fut connu physiquement. La presse nationale répandit sa photographie : un visage maigre, des lunettes, une grande barbe. Il était surnommé « Le Bouc » par ses camarades.

La situation à Bobigny se clarifiait. La section socialiste SFIO n’avait pas résisté à la scission ; certains élus abandonnèrent le conseil municipal ; d’autres formèrent une liste d’opposition en mai 1925. Mais la liste communiste conduite par Clamamus l’emporta avec une moyenne de 1 030 voix sur 2 534 inscrits. Cette assise locale renforcée se traduisait aussi par une gestion très personnelle ; les changements dans les élus en étaient notamment les conséquences. Bobigny aussi devint le modèle de l’anticléricalisme et Clamamus fut la cible du Père Lhande dans Le Christ dans la banlieue.

Après la grève contre la guerre du Maroc marquée par la fermeture de la mairie le 12 octobre, Clamamus fut suspendu deux mois et les séances du conseil municipal des 23 octobre et 14 novembre 1925 se tinrent sans lui. Il affirma lors de l’élection de 1928, avoir été condamné à deux ans et demi de prison contre la guerre. Il aurait été condamné, le 20 décembre 1926, à huit mois de prison et 500 F d’amende par la 11e Chambre pour provocation de militaires à la désobéissance et, pour le même motif, le 17 septembre 1927, par la 12e Chambre, à quatre ans de prison et 3 000 F d’amende.

Jean-Marie Clamamus se partageait entre une activité locale et une activité de propagandiste national (ainsi pendant la campagne électorale de mars 1926 à Paris, dans les tournées des députés ou d’élus par exemple avec Bourlois en février 1928 dans les Bouches-du-Rhône, avec Lauze dans le Lot et la Dordogne, seul dans le Puy-de-Dôme ou en Seine-et-Oise). Il participait aux congrès nationaux et la police le signala par exemple à Lille en juin 1926. D’autre part, son expérience fut exploitée dans les écoles organisées par la région parisienne du Parti communiste. En mars 1927, l’école municipale régionale comprenait un cours de Clamamus sur les finances.

Avec le retour au scrutin uninominal d’arrondissement en 1928, Jean-Marie Clamamus fut désigné comme candidat dans la seconde circonscription de Saint-Denis, celle du canton de Noisy-le-Sec. Il affrontait le maire de cette dernière commune, candidat d’Alliance démocratique et le maire socialiste SFIO de Drancy, Duchanel qui était passé au Parti communiste en 1920 et n’y était resté que peu de temps. Le 22 avril, Jean-Marie Clamamus arrivait en tête du ballottage avec 10 977 voix sur 33 366 inscrits. Le maire de Drancy se retira. Si son affiche en tant que socialiste SFIO annonçait son retrait, une autre affiche, personnelle cette fois, demandait de voter contre Clamamus. D’autre part à Drancy, 79 jeunes démobilisés ne purent voter au premier tour puisqu’ils n’étaient pas inscrits sur les listes électorales. L’Humanité protesta ; le maire accepta d’en faire voter seulement 21, ce qui donna un motif pour l’annulation. La droite prétendait que cette irrégularité avait profité à Clamamus. Au deuxième tour, Clamamus devançait d’une voix son adversaire et était élu avec 13 350 voix. L’essentiel des électeurs socialistes n’avait pas voté communiste. La commission de recensement de la Seine après les protestations du maire de Noisy, refusa de proclamer le résultat. Aussi, Jean-Marie Clamamus dut-il écrire au président de la Chambre pour que l’affaire soit examinée par le 9e bureau de la Chambre. En attendant, le 11 mai, il demandait à siéger « sans préjuger en rien les décisions qu’elle aura à prendre ultérieurement ». Parallèlement, le Parti communiste menait campagne pour l’annulation de l’élection. La raison avancée était que Clamamus arrivait en fait nettement en tête mais qu’un grand nombre de bulletins avaient été annulés pour des raisons diverses. Finalement après un long débat à la Chambre, le 3 juillet, l’annulation fut proclamée tout en reconnaissant à Clamamus trois voix d’avance.

La nouvelle élection fut fixée en octobre. Le Parti communiste fit un grand effort de propagande : nombreux meetings avec des orateurs de premier ordre, numéro spécial tiré à 40 000 exemplaires de l’Humanité où Jean-Marie Clamamus détaillait notamment son action en faveur des « mal-lotis ». Trois candidats étaient en lice : outre Clamamus, le maire de Noisy-le-Sec et un candidat étranger à la circonscription qui remplaçait Duchanel pour la SFIO. Le 7 octobre Clamamus arrivait en tête avec 11 430 voix (en progression donc par rapport au mois d’avril). Le retrait pur et simple du candidat socialiste n’empêcha pas une campagne anti-communiste tout particulièrement à Drancy où le maire, dans une affiche, fit reproduire un extrait de discours d’Henri Sellier : « Le communisme est une monstruosité, c’est contre lui qu’il faut voter ». Cachin, Vaillant-Couturier vinrent renforcer les orateurs du premier tour. Le 14 octobre, Clamamus avec 12 726 voix l’emportait avec plus de 900 voix d’avance.

Parallèlement, de sérieuses difficultés affectaient l’organisation communiste. Bobigny était un des exemples même où la persistance des vieilles habitudes allait à l’encontre des principes d’organisation mis en place depuis 1925. En mars 1927, par exemple, un rapport de la section d’organisation présentait comme très importants les 55 comités de chômeurs de la Seine. Bobigny n’en avait pas. Si, en 1926, la situation du sous-rayon de Bobigny était bonne (quatre cellules dont une seulement de rue), très vite elle s’était dégradée et l’implantation locale en avait profité au détriment des entreprises, ainsi dans le rapport à la conférence d’organisation du 28 janvier 1928, un des seuls exemples cités était celui de Bobigny. Un militant travaillant à Nanterre, habitant à Pantin était adhérent d’une cellule locale de Bobigny car il faisait partie de l’orchestre de la municipalité. Tandis que Clamamus était aux prises avec son élection, la réorganisation du 12e rayon s’accéléra. Le bureau de la région parisienne, le 27 juillet, notait : « la direction du rayon est passée à Bobigny de la municipalité entre les mains de camarades ouvriers ». Une des premières actions de la nouvelle direction fut l’édition d’un journal d’usine sur la grève d’Halluin. Aussi, la victoire électorale en octobre fut-elle avant tout saluée par le bureau régional dès le 9 octobre 1928, comme le résultat de cette nouvelle orientation. Le recul socialiste montrait que le « front unique que nous avons proposé n’est pas un front unique électoral, mais doit se réaliser à l’usine. La campagne a l’air de bien s’orienter ».

Ces difficultés avec la direction du Parti communiste ne furent pas sans laisser des traces. Il semble bien que la tension fut constante entre l’organisation et cet élu bien implanté.

À la Chambre, Jean-Marie Clamamus siégea à la Commission de l’administration générale, à la Commission de législation civile et communale. Il intervint sensiblement moins, spécialisé dans les questions des baux des locaux d’habitation et des locaux commerciaux et industriels.

Sa réélection en 1929 à la tête de la municipalité semblait assurée. Il n’y eut pas de liste contre sa liste profondément renouvelée. Aussi, participa-t-il surtout à la campagne électorale dans d’autres communes (Bagnolet, Nanterre, Malakoff, Paris, etc.). Il fut réélu nettement en tête de sa liste avec 2 200 voix sur 3 664 inscrits le 5 mai.

De nouvelles difficultés se produisirent avec le Parti communiste notamment à la suite de la scission des élus de la région parisienne, les « popistes ». D’autre part, les orientations « sectaires » de la période ne contribuèrent pas à aider un militant aussi fortement implanté. On accusa les députés de ne pas exécuter les ordres du Parti. Clamamus fut même menacé d’exclusion. Selon le rapport de police sur la Conférence nationale de la Bellevilloise (9-11 mars 1930), Clamamus aurait dû à une « intervention modératrice » de Moscou que l’exclusion prononcée contre lui n’ait pas connu d’application.

Aussi un rapport de police du 9 mars 1932, indiquait-il que le bureau politique était « mal disposé » à son égard et proposait de ne pas le représenter aux élections législatives. Mais le rayon soutenait fortement Jean-Marie Clamamus et afin d’éviter « le conflit prévisible », il fut représenté. Dans le Prolétaire Drancéen, en avril 1932, le secrétariat du XIe rayon indiquait : « Jamais, une seule seconde, la candidature de Clamamus n’a été contestée et c’est à l’unanimité de toutes les organisations communales qu’il a été désigné [...] ». Y a-t-il eu un conflit entre organisations locales et direction du Parti ? Pour de nombreux témoins, cet épisode fut un des aspects de la politique du « groupe Barbé-Celor ». Le rayon affirmait néanmoins que Jean-Marie Clamamus était « en accord avec la ligne du Parti » et avait « sa pleine confiance ». La droite, cette fois, ne présenta pas de candidat unique. Clamamus maintint au premier tour ses positions et arriva nettement en tête avec 13 443 voix sur 41 377 inscrits. Au deuxième tour, le 8 mai, Clamamus l’emporta contre deux adversaires avec 14 879 voix.

À la Chambre, Jean-Marie Clamamus fit partie des commissions de l’administration générale, de la législation civile et criminelle, du commerce et de l’industrie. D’autre part à partir de 1934, il fit partie de la commission des Finances. Dans cette période où le groupe parlementaire communiste était peu nombreux, Clamamus déploya une grande activité : propositions sur les rapports entre bailleurs et locataires, sur les locaux d’habitation, pour un statut des VRP, pour la protection de l’enfance, de la maternité et l’éducation sexuelle (il préconisa notamment la liberté de propagande ; prophylaxie anticonceptionnelle et législation de l’avortement : la revue Le Problème sexuel, en novembre 1923, accorda un article à cette proposition de loi Clamamus du 31 mars 1933) ; intervention sur l’amnistie, les impositions départementales et communales, les agressions des Jeunesses patriotes, la situation des artisans, contre l’augmentation des pouvoirs du président, etc.

Au plan local, la position de Clamamus sortit encore renforcée des élections municipales de 1935. La liste communiste qui, cette fois se heurtait à deux listes adverses, était élue. Clamamus arrivait encore en tête le 5 mai avec 2 744 voix sur 4 946 inscrits. La liste comprenait neuf conseillers sortants et dix-huit nouveaux. Des élus ont apporté témoignage sur ce dernier mandat : à la gestion autoritaire et personnalisée du maire s’opposait notamment Duval, le secrétaire du rayon. Les commissions fonctionnaient mal ; le maire s’appuyait sur une administration communale qu’il avait contribué à nommer et dans laquelle il avait installé plusieurs soutiens fidèles et son fils.

Au plan régional, Jean-Marie Clamamus écrivait peu dans l’hebdomadaire, La Voix de l’Est. Ainsi le 6 avril 1935, signait-il un article sur les « réalisations communales ». Pendant la campagne électorale pour le Sénat, il composa un éditorial, le 14 septembre « il faut battre Laval ». Pourtant un épisode fait problème. Un numéro spécial parut en septembre 1935, pour le deuxième anniversaire de La Voix de l’Est. En première page, figuraient les photographies de « quelques élus de notre Parti de la banlieue Est qui sont par ailleurs d’actifs collaborateurs de notre Voix de l’Est ». Six militants étaient retenus : Soupé, Coudert, Gitton, Semard, Longhi et Renoult. L’absence du député-maire de Bobigny peut surprendre d’autant plus que Clamamus était candidat aux élections sénatoriales avec Marcel Cachin sur la liste de Front populaire conduite par Steeg. Il fut battu au 3e tour avec 606 voix. L’ancien socialiste SFIO Fiancette le devançait de 19 voix. Un peu plus tard, La Voix de l’Est affirmait qu’il avait « été battu par le candidat de Laval [...] grâce à l’appui que ce dernier avait trouvé auprès du renégat Doriot » (31 janvier 1936). En décembre 1935, Clamamus fut désigné comme candidat aux élections législatives. Au congrès de Villeurbanne, il fut désigné à la commission nationale de contrôle financier et l’Humanité du 4 avril annonçait qu’il était membre du bureau de la Commission.

Laval avait été élu dans la Seine et dans le Puy-de-Dôme et opta pour ce dernier département. Un siège était donc libéré. Le 23 février Jean-Marie Clamamus fut élu au 3e tour de scrutin avec 600 voix (soit 15 voix d’avance sur son adversaire). Il démissionna de son siège de député le 12 mars 1936. Au Sénat, il siégea dans les commissions d’administration générale, départementale et communale, des travaux publics, de l’hygiène et de la prévoyance sociale et dans la commission des comptes définitifs de la Haute assemblée. Il intervint sur les traitements des fonctionnaires, pour l’enseignement primaire obligatoire, pour une réforme des finances départementales et communales en 1936 ; puis sur les menées antifrançaises en Algérie, sur l’industrie du taxi, sur l’amnistie, etc. Il proposa une réglementation des halles centrales (1937), des baux commerciaux, des accidents du travail, de la propriété commerciale (1939), etc.

Au plan local, Jean-Marie Clamamus ne changea pas les grandes orientations de sa pratique de maire. Ici, les témoignages sont divergents : d’une part, les réalisations masquaient les insuffisances (visibles notamment par le retard apporté à la parution du premier bulletin municipal) ; d’autre part, les actions politiques se diversifièrent, l’autonomie du Parti par rapport à la municipalité tendait à s’affirmer (on le vit notamment pour la solidarité avec les républicains espagnols) ; Clamamus, en tant que maire, présidait tous les comités ; enfin la tension à l’intérieur du conseil municipal durait.

Après la signature du Pacte germano-soviétique, Jean-Marie Clamamus dut approuver l’éditorial signé Gitton dans La Voix de l’Est du 25 août qui était conforme aux analyses du parti. Toutefois, le 26 août se réunit le comité de section. Il n’y eut pas, de la part de Clamamus, agressivité contre le parti mais seulement un profond désarroi. Que se passa-t-il dans les jours qui suivirent ?

En septembre 1939, Clamamus quittait le Parti communiste, rupture rendue publique le 12 octobre. En décembre, il approuva la formation du groupe parlementaire à la Chambre des députés, de l’Union populaire française par des élus communistes dissidents. Le 19 janvier 1940, il s’abstint dans le vote par le Sénat sur la déchéance des parlementaires communistes. Il devait voter, le 10 juillet 1940, les pouvoirs constituants à Pétain et se rallier au Parti ouvrier et paysan français créé par Marcel Gitton. Il ne fut pas déchu de son mandat de sénateur.

Jean-marie Clamamus avait été suspendu de ses fonctions de maire par décret du 26 septembre 1939. Il redevint président de la délégation spéciale le 29 août 1941 et fut renommé maire par arrêté préfectoral le 20 février 1942. Quand les troupes allemandes vinrent l’arrêter, il aurait répondu qu’il avait signé l’engagement total de fidélité au maréchal Pétain.

Après l’attentat contre Gitton, l’attentat contre son fils, Jean-Marie Clamamus devint plus prudent. Il se confina dans la seule gestion municipale et ne sortait jamais sans son garde du corps, un ancien agent de police. Ces précautions n’empêchèrent pas plusieurs tentatives d’attentat qui échouèrent, en particulier le 17 avril 1943 et le 26 août 1944. Il échappa alors à la mort en se cachant dans sa cave mais son fils fut « exécuté ».

Après la Libération, Jean-Marie Clamamus fut arrêté puis remis en liberté le 8 août 1945 ; il quitta Bobigny pour le domicile d’une tante de son épouse, puis demeura dans un appartement parisien qu’il loua. En 1945, il était rayé sur les listes électorales de Bobigny avec la mention « article 15 ». Il fut l’objet d’un mandat d’arrêt le 6 octobre 1946, dans le cadre de l’instruction sur la POPF, mais la justice ne put le mettre à exécution. Jugé, frappé d’indignité nationale, il fut amnistié par la suite. Sur son activité dans la période suivante, les témoignages diffèrent. Il venait périodiquement à Bobigny sur la tombe de son fils. Selon certains, il rencontrait ses partisans. À plusieurs reprises, il aurait essayé de gêner l’activité de la municipalité communiste. Plusieurs témoignages s’accordent sur ce qu’ils nomment une « provocation » en direction de la colonie de vacances de l’île d’Oléron. Selon la petite-fille de l’intéressé, il vivait retiré dans son appartement parisien et n’eut plus de contact avec Bobigny.

Jean-Marie Clamamus entretenait des relations avec des milieux d’extrême droite et collabora quelque temps à l’hebdomadaire Rivarol. Selon certains, il aurait figuré à plusieurs reprises dans des émissions de télévision (ce qui est contesté par sa petite-fille). Il participait régulièrement aux réunions des anciens parlementaires.

Lors de son décès (il fut enterré religieusement), Le Monde du 20 février 1973 lui consacra un article. Son auteur le campa ainsi au sommet de sa vie politique ; effacé et discret, « il paraissait s’accommoder fort bien de l’atmosphère feutrée et courtoise du Sénat, sans que personne pût, pour autant, mettre en doute ses convictions politiques, sa fidélité au Parti communiste ».

Son influence à Bobigny fut durable.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article20054, notice CLAMAMUS Jean-Marie par Jacques Girault, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 19 avril 2020.

Par Jacques Girault

[Sénat]

SOURCES : Arch. Nat. F7/13090 ; 13091 ; 13262 ; 13263 ; 13264. — Arch. Ass. Nat. : élections et dossier personnel. — Arch. Institut Maurice Thorez : microfilms nos 224 ; 256 ; 271 ; 310 ; 311 ; 312. — Arch. com. Bobigny. — Presse nationale et locale (L’Aube sociale ; La Voix de l’Est). — Sources orales. — Renseignements fournis par la petite-fille de l’intéressé. — Annie Fourcaut, La Banlieue rouge - Bobigny, thèse de IIIe cycle, Paris I, 1983, 3 t., 877 p.

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