KAUFFMANN Caroline, Babet [née FRANCK]

Par Charles Sowerwine

Née le 1er février 1852 à Sarreguemines (Moselle), morte le 13 décembre 1926 à Paris (IXe arr.) ; femme d’affaires, inspectrice honoraire du travail des enfants à Paris ; libre-penseuse, féministe, socialiste ; fondatrice en 1898 de la Ligue féminine d’éducation physique.

Son amie Madeleine Pelletier dit qu’elle avait dû quitter un « mauvais mari ». Elle eut deux filles avec qui elle ne s’entendit pas.
Avec Paule Mink, elle présenta le rapport de la Ligue féminine d’éducation physique au congrès féministe international de Londres en 1899. En 1898, Caroline Kauffmann succéda à Eugénie Potonié-Pierre comme secrétaire de la Solidarité des femmes, groupe féministe parisien. Caroline Kauffmann amena le groupe à se faire représenter au congrès des socialistes indépendants (jaurèsistes) en 1901. En 1901, la Solidarité s’inscrivit au Conseil national des femmes françaises ; certaines membres féministes, dont Mme Vincent, quitta le groupe trouvant le Conseil trop « clérical ». Caroline Kauffmann elle-même n’est pas suspecte de cléricalisme : elle adhéra à la SFIO lors de sa constitution en 1905.

Avec Hubertine Auclert, Caroline Kauffmann voyagea à Berlin en juin 1904 pour le deuxième congrès de l’Association internationale pour le suffrage de la femme (maintenant Alliance Internationale des Femmes). Les deux françaises revinrent en France déterminées à pousser le mouvement féministe français vers un militantisme plus radical.

En octobre 1904, le centenaire du Code napoléon fut fêté par la République. Les féministes s’en indignèrent. Caroline Kauffmann passa à l’action. Aux cérémonies à la Sorbonne, le 30 octobre, elle lâcha des gros ballons inscrits « Le Code écrase la femme ; il déshonore la République ». Lorsque l’homme qu’elle avait engagé pour gonfler les ballons se trouve à bout de souffle, elle cria son slogan ; on l’arrêta aussitôt. Elle passa devant le tribunal pour « tapage injurieux », mais fut innocentée.

Obligée de voyager pour ses affaires, Caroline Kauffmann confia la Solidarité à la jeune militante Madeleine Pelletier en 1906. Ensemble, les deux protestèrent à la Chambre des Députés lors de l’ouverture de la législature, le 3 juin 1906, en jetant quantité de papillons féministes sur l’hémicycle. On ne les arrêta pas, par crainte de créer des martyres.
Madeleine Pelletier ayant réussi à faire voter au congrès socialiste de 1906 une résolution en faveur du suffrage des femmes, les deux conduisirent une délégation de la Solidarité, qui fut reçue cordialement par les députés socialistes en décembre 1906. Et en juin 1907, suite à une visite de suffragettes anglaises, elles obtinrent une entrevue avec le leader socialiste Jean Jaurès, suivie de photos sur la une de l’Humanité (alors l’organe de la SFIO), mais ces gestes ne sont suivi d’aucun projet de loi pour le suffrage des femmes. En 1908, elles voyagèrent à Londres et participèrent à la grande manifestation de 500 000 féministes à Hyde Park, le 21 juin.

En 1910, Caroline Kauffmann fut candidate SFIO aux élections législatives, ainsi que Madeleine Pelletier et Élisabeth Renaud. Et elle fut parmi les membres du Groupe des femmes socialistes (SFIO) fondé en 1913, dont elle présidait parfois les réunions. Elle collabora à la revue que publiait Madeleine Pelletier, La Suffragiste, mais ne joua plus de rôle de premier plan dans l’activité féministe.

Avec la guerre, elle ne milita plus, en raison de « l’âge et la maladie » selon Madeleine Pelletier. Elle donna néanmoins son adhésion au Parti communiste après le congrès de Tours (décembre 1920), mais cette doyenne du féminisme n’y joua pas de rôle. Le 16 décembre 1926, L’Humanité écrivait : « Nous apprenons avec regret le décès de notre camarade Caroline Kaufmann [sic] ». Elle était donc probablement restée adhérente du PC. Elle fut incinérée au cimetière du Père-Lachaise le 17 décembre 1926.

Caroline Kauffmann est caractéristique d’une génération de femmes instruites et conscientes qui cherchent une voie pour œuvrer pour l’égalité et pour la justice sociale. Elle aide sur tous les fronts le progrès d’un mouvement naissant et nous lègue une préoccupation avec la libération complète de la femme, physique, politique et sociale.

Les principales féministes dans le Maitron : https://maitron.fr/spip.php?mot192

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article200958, notice KAUFFMANN Caroline, Babet [née FRANCK] par Charles Sowerwine, version mise en ligne le 18 mars 2018, dernière modification le 26 octobre 2020.

Par Charles Sowerwine

OEUVRE : Catéchisme féministe pour la propagande féministe adopté par la Solidarité des femmes, s.d. - « Paix ou guerre ». — La Suffragiste 4 no 29 (juin 1912) : 9-11. – Questionnaire sur les sujets suivants : revendications féministes, éducation, mariage, prostitution, charité, politique, 1900.

SOURCES : AN : F7 12.557, 21 mai 1908. —APP : B/a 1651, rapport 23 juin 1898. — BHVP : fonds Bouglé, lettres de C. Kauffmann et M. Pelletier à Arria Ly ; fonds Buisson, lettres de M. Pelletier ; fonds C. Kauffmann, lettres de Ferdinand Buisson, Arria Ly, M. Pelletier. — L’Équité, 15 avr 1913. — Le Féminisme intégral, mars 1913. — La Fronde, 23 juin 1898, 30 juin 1899, 1er juillet 1904, 17 août 1926. — Le Journal des femmes, 1898-1905. — L’Humanité, 22, 23 déc 1906 ; 18 juin 1907 ; 10, 13, 19, 22-26, 30 avril 1910. — International Council of Women, Importance de l’éducation physique scientifique. Paris : Richard, 1899. — Le Journal, 23 avril 1914. — Le Journal des femmes, mai 1910. — La Suffragiste, en général et juin 1910. — État civil de Paris. — Notes de Julien Chuzeville.
BIBLIOGRAPHIE : Steven Hause et Anne Kenney, Women’s Suffrage and Social Politics in the French Third Republic. Princeton : Princeton University Press, 1984. — Laurence Klejman et Florence Rochefort, L’Égalité en marche : Le féminisme sous la Troisième République, Paris : Presses FNSP/Éd. des femmes, 1989. — Charles Sowerwine, Les Femmes et le socialisme : un siècle d’histoire, Paris : Presses FNSP, 1978. — Charles Sowerwine, "Kauffmann Caroline", in Christine Bard, Dictionnaire des féminismes. France XVIIIe-XXIe siècle, PUF, 2017, p. 795-797.

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