CLAVAUD Jean

Par Gilles Morin

Né le 11 février 1896 à Perilhac (Haute-Vienne), mort le 20 février 1992 à Isle (Haute-Vienne) ; comptable, puis directeur de presse ; socialiste ; administrateur puis directeur du Populaire du Centre.

Issu d’une famille de cultivateurs, Clavaud fit ses études à l’école municipale de Chamborêt, puis au cours complémentaire de Limoges. Il obtint un diplôme commercial et un prix de comptabilité. Cultivateur jusqu’à 1914, il participa à la Grande guerre (il était décoré de la Croix de guerre 1914-1918).
De retour du front, Clavaud entra en 1919 à la société anonyme Imprimerie nouvelle pour le courtage des journaux, laquelle, fondée par Léon Betoulle*, publiait depuis 1905 Le Populaire du Centre, où il fut employé de bureau (comptable). Faisant montre d’un grand professionnalisme, il grimpa les échelons de cette société en pleine croissance : il fut chef des services administratifs en 1927, administrateur délégué en 1938, puis président du conseil d’administration en 1940. Il devint cette année-là directeur général de la Société des éditions ouvrières et socialistes du Centre, puis président-directeur général de la SA Imprimerie nouvelle. Le journal tirait alors à 15 000 exemplaires.
La presse et l’imprimerie limousine occupaient une place essentielle pour l’appareil socialiste local, mais aussi pour l’appareil national dirigé par le secrétaire général Paul Faure*, venu de la Haute-Vienne. Elles éditaient de nombreuses brochures et la plupart des publications internes du parti. Félix Gaillard*, vieux paulfauriste, représentait la fédération au comité directeur et passa de l’administration du Populaire du Centre à celle du Populaire de Paris. C’est ainsi que Clavaud s’occupait du bulletin interne à la SFIO, La Vie du parti, à l’Imprimerie nouvelle jusqu’en juin 1940.
Le 17 janvier 1941, Le Populaire du Centre fut interdit par le ministre de l’Intérieur, c’est-à-dire par le régime de Vichy. Clavaud, alors directeur, choisit de publier un nouveau quotidien, L’Appel du Centre, « afin de sauvegarder les intérêts de l’imprimerie et ceux du personnel employé, ainsi que des ouvriers » dira-t-il plus tard. Le 1er numéro parut le 7 février 1941, il atteignait les 25 000 exemplaires en 1944, le journal étant clairement vichyste.
Le Populaire du Centre réapparut comme hebdomadaire à partir d’août 1944, puis redevint quotidien dès le 25 octobre 1944, le premier à reparaître à Limoges. Imprimé dans les ateliers de la société Imprimerie nouvelle placée sous séquestre, il fut alors édité par la Société des éditions ouvrières et socialistes (SEOSC). Son tirage atteignit 40 000 exemplaires mais, à la fin de 1947, la société connut diverses difficultés financières.
Clavaud fut donc écarté et fit l’objet d’une enquête judiciaire qui s’acheva par une décision de classement. Il fut réadmis dans le parti, mais sans enquête approfondie, sans que sa candidature soit discutée par une section. Il fut rappelé lorsque le journal connut une crise interne. Puis, la société Imprimerie nouvelle étant remise en possession de ses biens, elle reprit l’exploitation du journal qui, à la fin du 1954, dépassa le nombre de 50 000 exemplaires.
Mais le retour de Clavaud créa des remous internes et le président du conseil d’administration de la société anonyme Imprimerie nouvelle à Limoges, directeur du Populaire du Centre, fut déféré devant la Commission nationale des conflits de la SFIO (CNC) par le comité directeur du 25 février 1948. Ses titres de résistance furent discutés, la CNC estima qu’ils ne comportaient pas « toutes les garanties désirables » et décida de l’exclure à compter du 10 juin 1948 :
« ... Considérant qu’en fondant un journal sous le gouvernement de Vichy, Clavaud ne pouvait ignorer qu’il allait devenir un agent de propagande de ce gouvernement. Qu’en fait L’Appel du Centre a été au service de Vichy de juin 1941 à la Libération, ainsi qu’il appert des lettres versées aux débats et de divers autres documents non-contestés. Qu’une telle besogne, quels que soient les mobiles d’ailleurs malaisément contrôlables qui aient pu l’inspirer, ne pouvait et ne devait pas être faite par des socialistes ».
Le directeur du quotidien était régulièrement pris à partie par le journal communiste L’Écho du centre.
En 1958, les socialistes du Limousin se déchirèrent sur le retour au pouvoir du général de Gaulle. Jean Le Bail, le directeur politique du journal depuis 1944, qui était lui hostile aux nouvelles institutions, fut écarté ; Lamousse et Regaudie assurèrent la direction politique du Populaire du Centre. Clavaud, président du conseil d’administration, prit donc en septembre 1958 la direction totale du journal, car il disposait d’un droit de regard sur le contenu. Le journal avait alors une diffusion moyenne de 52 000 exemplaires, il monta à 59 500 exemplaires, pour une diffusion de 54 850 exemplaires en 1969.
Clavaud contribua à faire évoluer le contenu politique du journal, en en faisant un quotidien plus neutre, donnant une plus grande place à l’information générale et locale, s’éloignant progressivement de son appartenance socialiste, même s’il conservait ses options fondamentales. Il travailla à élargir la zone d’influence du journal qui toucha six départements : la Haute-Vienne, la Corrèze, la Creuse, la Charente, la Dordogne et le Lot.
En décembre 1970, avec le maire de Limoges Louis Longequeue et le directeur général du journal Jacques Brouillard, il vendit ses actions au groupe Express, ce qui permit à ce dernier de prendre la direction du quotidien et de l’imprimerie.
Dans les années 1960, Clavaud était en outre directeur général du Limousin et du Soir de Brive et vice-président du Syndicat des maîtres imprimeurs de la Haute-Vienne et de la Creuse. Il avait fondé une caisse des œuvres sociales et de retraite du personnel.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article20098, notice CLAVAUD Jean par Gilles Morin, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 25 octobre 2008.

Par Gilles Morin

SOURCES : Arch. Nat., F7/15516, n° 4874. — Arch. OURS, fonds Moscou, 10-1-43. — Bulletin Intérieur de la SFIO, n° 30, n° 37, novembre-décembre 1948. — Who’s Who in France, 1965-1966. — Correspondance de la Presse, 2 décembre 1970. p. 8. — H. Coston (dir.), Dictionnaire de la politique française, t. 2, La Librairie française, 1972, p. 130.

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