CLEDAT Léon

Par Daniel Grason, Jean-Pierre Ravery

Né le 16 août 1910 à Chamberet (Corrèze), mort le 24 février 1995 à Chamberet ; ajusteur ; militant communiste ; résistant ; déporté.

Léon Cledat Arch. PPo GB 175 (D.R.)
Léon Cledat Arch. PPo GB 175 (D.R.)

Fils de cultivateurs, ajusteur de profession, il était titulaire du CEP. Léon Cledat travailla à partir de décembre 1938 à l’usine Ducellier, 23 rue Alexandre Dumas à Paris (XIe arr.). Le 2 septembre 1939, il fut envoyé au centre mobilisateur de Mourmelon-le-Grand et affecté au 34e bataillon de chars. Pendant la « drôle de guerre », il stationna en Alsace et poursuivit une activité militante avec d’autres communistes mobilisés, en particulier pour « expliquer le pacte germano-soviétique ». En février 1940, il fut de retour à Paris, en affectation spéciale chez son ancien employeur. « Je reprends ma place au parti, les cellules étant divisées en groupes de 5 puis de 3 », écrira-t-il dans une biographie rédigée à son retour de déportation.
En juin 1940, l’usine Ducellier et son personnel se replièrent à Issoire et Brassac-les-Mines (Puy-de-Dôme). Il participa à la réorganisation du parti clandestin, contacta les mineurs du voisinage et prit part à la défense des revendications des évacués.
En août, de retour à Paris, en liaison avec Jean-Pierre Timbaud et Henri Tanguy, il réorganisa la section locale des Métaux puis prit la direction du centre syndical du XVIIIe arr. tout en étant responsable aux masses de la section du parti en relation avec Raymond Losserand. Le 22 juin 1941, Roger Linet, alors « Politique régional » de P3, l’informa qu’il devenait responsable à l’organisation de la section des grandes entreprises de Saint-Ouen (Lavalette, Somua, Alstom) avec pour « tâche principale : l’organisation du sabotage ». Son pseudonyme était « Michel ». Par la suite, il prit les pseudonymes suivants : "Armand", "Laurent", "Forvil","Forest", « "Perret". En octobre 1941, suite à l’arrestation de la direction du secteur Saint-Ouen/Pontoise, il assura seul la relève pendant deux mois. Une fois le triangle de direction reconstitué, il resta responsable à l’organisation.
En février 1942, il quitta son emploi à l’usine Lavalette pour devenir permanent du parti clandestin et fut nommé responsable politique du secteur. En avril 1942, nouveau changement de responsabilité, il fut désigné commissaire politique FTP pour la région P3 sous le pseudo d’"Armand". Il était en liaison avec le responsable militaire interrégional Gaston Carré ("Pierre"), le commissaire politique interrégional Raymond Losserand ("Berthier") et le technique interrégional "Camille". En août 1942, il demanda à être relevé de ses fonctions pour cause de maladie et il fut alors déplacé comme Technique sur le secteur P1. En octobre 1942, après un mois de convalescence, il reprit sa place au parti comme responsable politique pour les Ve, VIe et VIIe arrondissements sous le pseudonyme de "Laurent" ; « La région étant complètement écroulée, tout était à faire. »
En décembre 1942, il rétablit le contact avec des militants des XVe et XVIIIe arrondissements coupés depuis des semaines. Le parti lui confia l’organisation régionale. Le 18 avril 1943, « journée de sabotage et de préparation du 1er mai », il obtint d’« excellents résultats » mais, quelques jours plus tard, le politique régional fut arrêté. Il le remplaça sous le nom de guerre de "Forvil". En août 1943, il prit la suite de "Renaut" comme commissaire politique de la région P2 (Ier-IVe, IXe-XIIe et XVIIIe-XXe arrondissements). Son pseudo était "Forest". Il avait deux domiciles illégaux, 22 rue des Colonnes-du Trône à Paris et 74 rue Jean-Jacques-Rousseau à Issy-les-Moulineaux. Suite à l’arrestation du CMR du groupe Victor-Hugo en octobre, il échappa de peu à la police et devint "Perret".
Le 19 novembre 1942, il avait rendez-vous à Combs-la-Ville avec un commandant de secteur nommé "Marche". Mais ce dernier avait été arrêté la veille, trois inspecteurs de la BS2 l’attendaient en gare de Combs la Ville à la suite des déclarations de Cauchy. Deux commissaires aux effectifs des FTP devaient sortir à 14 heures 27 de la gare et prendre contact avec Cauchy. À l’arrivée du train de Paris trois hommes dont les signalements correspondaient aux déclarations de Cauchy descendaient du train. Ils furent immédiatement appréhendés. Le troisième Léon Cledat s’enfuyait, mais selon le rapport policier mettait « la main dans sa poche comme pour en sortir une arme ». Un inspecteur lui adressa les sommations d’usage, il continua, l’inspecteur B. tira à plusieurs reprises sur Léon Cledat qui s’effondra.
Dans son rapport cet inspecteur écrivit : « L’individu n’ayant pas obtempéré j’ai continué à le poursuivre seul, mes deux collègues s’occupant des deux autres personnes. Il gagnait du terrain sur moi et à deux fois il avait mis sa main droite dans la poche de son pardessus. J’ai continué à tirer six autres balles dans sa direction. Touché à plusieurs reprises l’individu s’arrêta à environ 200 mètres du point de départ de sa fuite. »
« À l’aide de la voiture nous l’avons transporté d’urgence à l’hôpital de la Pitié où il a été admis,. Après examen, il résulte qu’il a été blessé par une balle qui est entrée à la base du dos, une deuxième balle a pénétré dans la cuisse gauche, son état est assez grave. »
Fouillé il fut trouvé porteur : 1°) d’un permis de conduire au nom de Cledat Léon, 2°) d’une carte d’identité au nom de Cledat Léon né le 16 août 1910 à Chamberet (Corrèze), 3°) d’un certificat de travail au même nom, 4°) d’une carte d’électeur, 5°) d’un certificat de démobilisation, 6°) d’une carte du plan de Paris, 7°) d’une carte de pupille de la Nation, 8°) d’une lettre adressée à madame Yvonne Nort 9 rue Claude Monet à Saint-Ouen, 9°) un billet de chemin de fer de Paris à Combs-la-Ville.
Un juge d’instruction du Tribunal de Première instance de la Seine se rendit le 21 janvier 1944 à l’Hôpital de la Pitié pour auditionner Cledat. Celui-ci y avait été emmené par un Service de la Police de Sûreté allemande. Interrogé, Léon Clédat reconnaissait être le responsable politique de la région sud de Paris et avoir été en liaison avec Losserand.
Son amie Yvonne Nortz fut interrogée, elle fit la connaissance de Cledat aux Établissements Lavalette à Saint-Ouen où elle travaillait, il était chef d’équipe. Elle ne s’intéressait pas à son activité politique, il ne la sollicita pas. « Jamais il ne m’a donné de tracts communistes ou gaullistes même pour ma documentation personnelle » déclara-t-elle aux policiers. À la suite de ses déclarations les policiers se rendaient au domicile de Cledat au 22 rue des Colonnes du Trône à Paris (XIIe arr.).
Les policiers saisissaient des tracts, des bilans d’activité, des circulaires dactylographiés, un engagement de location et six quittances de loyer au nom de Zimay, de deux fausses cartes d’identités avec sa photographie, une biographie de militants communistes et des tracts. Léon Cledat avait loué le logement en se recommandant d’une ex-locataire qui habitait depuis 8 rue Vasco de Gama à Paris (XVe arr.)
Le 29 novembre 1943 Léon Cledat a été interrogé, célibataire, sans enfant, ajusteur mécanicien. Depuis un an il était permanent de l’organisation clandestine. Il était domicilié chez ses parents 3 rue Marcel Sembat à Paris (XVIIIe arr.). Depuis le mois de mars 1943 il vivait au 22 rue des Colonnes du Trône dans le XIIe arrondissement.
Il affirma n’avoir « jamais fait de politique avant-guerre ». Il n’avait pas adhéré au Parti communiste, mais se syndiqua à la CGT et fut délégué syndical du garage Karminat, rue des Portes-Blanches à Paris.
Mobilisé lors de la déclaration de guerre, démobilisé en 1940 il adhéra au Parti communiste sur son lieu de travail à l’usine Ducellier rue Alexandre Dumas dans le XIIe arrondissement de Paris. En 1942, il fut chargé de la propagande et de l’organisation de la section de Saint-Ouen (Seine, Seine-Saint-Denis).
Il était au moment de son arrestation responsable politique d’une des deux sections de Paris Ville, et devait devenir le responsable politique de la région. Il affirma aux policiers qu’il ne connaissait « aucun nom ni aucune adresse », il ignorait « également l’emplacement des "planques" de matériel. » Il ne connaissait que le pseudonyme d’un résistant interpellé en même temps que lui "Jacquemain" qui était « un recruteur FTP ».
Quant à son amie Nortz, Léon Cledat la disculpa de tout engagement politique : « J’étais son chef d’équipe chez Lavalette à Saint-Ouen. Elle est devenue mon amie. Elle ignore tout de mon activité. »
Les policiers voulaient connaître ses prochains rendez-vous, il répondit « Je n’en ai plus ». Quant aux tracts et directives saisis, ils constituaient sa documentation personnelle. « Avez-vous des rendez-vous de repêchage ? » demanda un interrogateur, il répondit « Non ». Il resta trente-quatre jours à l’hôpital.
Après une évasion manquée, il fut placé au secret à la prison de Fresnes. Il y resta pendant cinq mois sans que sa blessure soit guérie. Il fut transféré au camp de Compiègne en mai 1944 où il retrouva notamment le professeur Marcel Prenant. Il reçut de ses camarades les soins que nécessitait son état. « Si je m’en suis tiré, je le dois au fait d’avoir passé 17 jours à Compiègne », écrira-t-il après la guerre.
Le 4 juin, il fut déporté. Arrivé le 7 juin à Neuengamme, il a été transféré le 28 du même mois à Sachsenhausen puis, le 2 juillet, au kommando de Falkensee à vingt-cinq kilomètres de Berlin. Les hommes de ce kommando travaillaient aux usines Demag, appartenant au groupe Hermann-Göring et fabriquaient du matériel ferroviaire, des chars de combat "Tigre", des obus, des pièces détachées d’armement.
Léon Cledat a été homologué combattant des Forces françaises de l’intérieur (FFI), et Déporté interné résistant (DIR).
Après-guerre, Léon Cledat était adhérent de l’ANACR. Il se maria le 1er février 1961 à Neuilly-sur-Marne avec Yvonne Gabrielle Lepage.
Il mourut le 24 février 1995 à l’âge de 85 ans dans sa ville natale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article20120, notice CLEDAT Léon par Daniel Grason, Jean-Pierre Ravery, version mise en ligne le 3 juillet 2021, dernière modification le 3 juillet 2021.

Par Daniel Grason, Jean-Pierre Ravery

Léon Cledat Arch. PPo GB 175 (D.R.)
Léon Cledat Arch. PPo GB 175 (D.R.)

SOURCES : Arch. PPo. GB 81. – Arch. commission des cadres. – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. – Regards sur la mémoire, (livre édité en 1994 par l’ANACR du XVIIIe arr.). – Roger Linet, 1933-1943, la traversée de la tourmente. – Fiches de police de l’occupation (Arch. PPo.) concernant les militants communistes recherchés, communiqué par Guillaume Bourgeois.

Photographie : Arch. PPo. GB 175 (D.R.)

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