CLÉMENDOT Gaston, Henri [dit FERGAN, dit DUSILLON, dit DUVILLAGE]

Par Claude Pennetier, Madeleine Rebérioux

Né le 8 novembre 1868 à Flogny (Yonne), mort le 7 novembre 1952 à Saint-Florentin (Yonne) ; instituteur ; militant socialiste et syndicaliste de l’Yonne.

Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes, III, op. cit., p. 111.

Érudit, agressif, bourru, Gaston Clémendot, dit Fergan dans la vie militante jusqu’en 1914, est de ces hommes qui ont marqué tout un département et, plus particulièrement, des générations d’instituteurs passés par l’École normale d’Auxerre où on lisait ses brochures avec passion. Il y entra en 1883 et exerça comme instituteur adjoint à Tonnerre, puis à Saint-Valérien, d’où il fut - à la suite d’un conflit avec l’administration - déplacé à Quarré-les-Tombes dans l’Avallonnais, enfin à Saint-Sauveur. Après son mariage en septembre 1894, il fut nommé à Mélisey, petite commune rurale de 400 habitants dans le Tonnerrois où il resta jusqu’à sa retraite.

C’est pendant ces années qu’il prit contact avec le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR) en cours d’organisation dans la région du Nord-Est. Entre le rationalisme laïque de l’instituteur et le refus de tout centralisme, de toute « autorité », intellectuelle comme politique, qui animait les allemanistes, l’accord se fit assez aisément. Le 31 octobre 1897, Fergan ou Dusillon, délégué au congrès où prit naissance la Fédération des Travailleurs socialistes de l’Yonne, en devint secrétaire fédéral. Elle comptait alors huit groupes socialistes, un syndicat, une Union locale, une société de Libre Pensée. Adhérente du POSR, la Fédération, dans un souci d’unité, décida en avril 1900 de devenir autonome, puis, emportée par le courant non guesdiste, donna son adhésion au Parti socialiste français. Excédée par le millerandisme et le rôle des « politiciens », elle en sortit à la fin de 1903 pour revenir à l’autonomie. Fergan en était toujours le secrétaire. Il s’opposa à l’adhésion au Parti socialiste de France, suggérée par Croisé (de l’Aube) qui était parvenu à convaincre Hervé et de nombreux militants du Tonnerrois. Le point de vue très anti-autoritaire de Fergan l’emporta.

Il garda le secrétariat fédéral jusqu’à l’unité incluse. Sa démission, lors du deuxième congrès de la Fédération unifiée qui se tint à Auxerre le 15 octobre 1905, n’exprimait pas une quelconque réticence devant l’unité, mais une divergence profonde avec les thèses que G. Hervé affichait au plan national avec l’accord de la majorité de la Fédération de l’Yonne. En fait foi la controverse publique qui l’opposa à Hervé dans Le Travailleur socialiste, de la fin d’octobre à la fin de décembre 1905. « Si mes frères allemands commettent le crime de pénétrer en France pour mitrailler mes frères français, je n’hésiterai pas à leur loger du plomb sous la peau » (28 oct. 1905). Il avait pourtant signé avec Hervé un manuel d’Histoire de France pour les élèves des cours élémentaire et moyen, et son estime pour l’historien restait entière. Simplement, il désapprouvait la tactique hervéiste et il n’entendait pas le laisser ignorer.

Il rentra cependant au comité fédéral en septembre 1906 et y demeura jusqu’en 1908. Il reprit aussi en 1907 sa collaboration au Travailleur socialiste pour y critiquer assez vivement l’attitude antiparlementaire d’Hervé, la manière dont il menait les campagnes anticoloniales (Fergan considérait la conquête de débouchés coloniaux comme indispensable au capitalisme et en concluait qu’elle devait être combattue au nom du seul collectivisme et non avec des arguments humanitaires), et, après Draveil, ses appels à la violence. À dater de la fin de 1909, il s’éloigna à nouveau de toute responsabilité fédérale.

Son activité militante se fixa dès lors d’autres objectifs. Il se consacra de plus en plus à l’étude des questions rurales et fut d’ailleurs délégué de l’Yonne à la commission nationale d’enquête agricole constituée au congrès de Limoges. Mélisey devint un foyer d’expérimentation : un groupe de cultivateurs acheta en commun une moissonneuse ; une coopérative de consommation, « la Sociale », fut créée et l’église de Mélisey fut transformée en silo coopératif. En même temps, il multipliait les causeries locales, le plus souvent sur des questions d’histoire abordées de manière à développer chez les auditeurs un vigoureux esprit anticlérical et social. C’est le point de départ des nombreuses brochures qu’il publia sur ces sujets, après la guerre. Le syndicalisme enseignant absorbait également son temps, de plus en plus. Le 30 mai 1908, la circonscription de Tonnerre l’élisait pour six ans au conseil de l’Union des instituteurs de l’Yonne. Il en devint bientôt le président et, lorsque l’amicale se fut transformée en syndicat, on lui offrit d’en être le président à vie. Il entra d’ailleurs, entre les deux guerres mondiales, au bureau du Syndicat national des Instituteurs.

Il était présent au congrès fédéral socialiste d’octobre 1916 où il prit la défense des ministres socialistes mis en accusation par A. Jobert. Il semble que ses activités politiques se soient quelque peu ralenties durant le reste des années de guerre, voire d’après-guerre. Il fut successivement éprouvé par le décès de son fils aîné Jean, jeune instituteur tué à Verdun en janvier 1917, de celui de sa femme, institutrice comme lui, le 4 février 1920, enfin de celui de son père, Élie Clémendot, décédé en janvier 1932 à l’âge de 93 ans et qui professait également des idées socialistes.

« Son visage et ses yeux perdus dans un poil hirsute, paysan du Danube de la corporation » (A. Delmas, Mémoires, p. 215), G. Clémendot présenta au congrès fédéral du 10 mai 1931, une motion résolument pacifiste concurremment à celles de l’« Action socialiste », de « la Vie socialiste » et de « la Bataille socialiste » qui émanaient de la section de Mézilles dont il faisait partie. Il devint rédacteur en chef et gérant du Réveil de l’Yonne, à partir du n° 40 du 25 avril 1931 de ce journal. Il fut délégué au congrès national SFIO de juillet 1933 à Paris. À cette époque il s’opposa aux élus socialistes qui refusaient le budget.

Après le congrès fédéral du 29 octobre 1933, il quitta la SFIO et, après avoir participé le 3 décembre 1933 au congrès constitutif du Parti socialiste de France (Union Jean-Jaurès), dont il devint membre du conseil central, il fut l’un des principaux animateurs du nouveau Parti dans l’Yonne. En 1938, il se montra favorable aux accords de Munich et, après la déclaration de guerre de 1939, il fit circuler l’appel de la « Chaîne de la paix et du bonheur » lancé par Alain, Déat, Dumoulin, Lecoin, Pivert, Louzon, etc. en faveur d’une paix immédiate et fit voter par la Loge « La Fraternité », Or. d’Avallon, le 19 novembre 1939, un appel allant dans le même sens.

En juillet 1946, Clémendot était le secrétaire de la fédération de l’Yonne du Parti socialiste démocratique fondé par Paul Faure. En 1947, comme délégué de l’Yonne, Clémendot participa à la réunion de la Confédération générale pacifiste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article20123, notice CLÉMENDOT Gaston, Henri [dit FERGAN, dit DUSILLON, dit DUVILLAGE] par Claude Pennetier, Madeleine Rebérioux, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 22 novembre 2022.

Par Claude Pennetier, Madeleine Rebérioux

Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes, III, op. cit., p. 111.

ŒUVRE : Avec G. Hervé, Histoire de France à l’usage des cours élémentaire et moyen, « Bibl. d’Éducation », 1904. — Précis d’agriculture en langage simple à l’usage des candidats au CEP, Auxerre, 1909 ; deuxième éd. revue, 1910. — L’Instruction civique expliquée aux enfants, Auxerre, 1914. — Histoire de France expliquée aux enfants, Poitiers 1925. — Dieu, mot équivoque, 1935, Bibl. Nat. 8e R. Pièce 23 349. — L’Idole de Donrémy, 1938, Bibl. Nat. 8e R 36 936 (36). — L’Action contre la guerre, 1939, 8e G. Pièce 2 321. — Le Christianisme contre la civilisation, 1947, Bibl. Nat. 8e R 35 486 (81). — Les Mensonges des religions (en collaboration avec A. Lorulot et J. Malburet), 1950, Bibl. Nat. 8e R 35 486 (98).
Brochures de G. Clémendot qui ne se trouvent pas à la Bibl. Nat., mais dans des collections privées : La Nuit du Moyen Âge, 1929 ; La Construction de la paix, juin 1939, 29 p. ; L’incorruptible (M. Robespierre), 1944 ; Etude sur Bergson, s.d. ; Les Origines de l’esclavage.
Collaboration, parmi d’autres, à Pages Libres (cf. par exemple, 5 juillet 1902 ; Dans l’Yonne, l’esprit d’association à Mélisey).

SOURCES : Arch. Nat., F1a 3353. — Arch. Dép. Yonne, 27 T, dossier Clémendot. — Arch. Clémendot déposées au Centre d’histoire du syndicalisme, Paris I, Sorbonne. — « La Fédération des travailleurs socialistes de l’Yonne, le Pioupiou et l’hervéisme », cinq fascicules dactylographiés, de 50 pages chacun, dont la rédaction, commencée en 1913 en réponse au questionnaire de l’Encyclopédie socialistes, fut achevée en 1945 (Arch. M. Dommanget). — Le Travailleur socialiste de l’Yonne, 28 octobre 1916, 27 janvier 1917, 7 février 1920. — Le Réveil de l’Yonne, 25 avril et 1er mai 1931, 30 janvier 1932, 8 juillet et 9 décembre 1933. — Lettre de son fils, 4 novembre 1965.

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