POLETTI Antoine

Par Hélène Chaubin

Né à Médéa (Algérie) le 11 avril 1943 ; surveillant dans un collège agricole (1964-1967) ; responsable d’un département agricole à la Compagnie française de développement du Textile au Burkina Faso de 1967 à 1969 ; Chargé d’études au Crédit agricole de la Corse de 1970 à 1977 ; militant CGT à partir de 1970 ; militant communiste à partir de 1973, permanent de la fédération du PCF en Corse de 1977 à 1983 ; secrétaire de la section de Corse du Sud de l’ANACR et membre du Bureau national depuis 2001.

Antoine Poletti au micro de Frequenza Mora.
Antoine Poletti au micro de Frequenza Mora.

Antoine Poletti est né en Algérie où son père, Jean-Thomas, était sous-officier dans l’armée du Levant. Jean-Thomas était né le 16 juin 1916 à Venaco (Haute-Corse). Il appartenait au Régiment des Tirailleurs algériens et, pendant la deuxième guerre mondiale, avait combattu en Italie sous les ordres du général de Monsabert qui commanda le deuxième corps d’Armée lors des campagnes de France et d’Allemagne. Après la guerre, redevenu civil, il continua à travailler comme radio pour l’armée. Il mourut en 1972. Son épouse, née Marie-Antoinette Giacomoni, la mère d’Antoine Poletti, était née à Bramans (Haute-Savoie) le 11 juillet 1918. Elle était fille d’un douanier. Elle-même resta sans profession. Un de ses frères, Jean-Paul, jeune résistant en Corse, engagé dans la campagne d’Italie,fut blessé en mai 1944, reprit cependant le combat, participant au débarquement en Provence puis aux combats de la Première Armée jusqu’à Beaune. Il mourut à Lyon de la suite de ses blessures à la fin de 1944.
Antoine Poletti passa son enfance au Maroc et fréquenta l’école primaire à Marrakech, puis à Essaouira, petite ville côtière qui comptait environ 20 000 habitants. Le Maroc était alors sous protectorat français et Essaouira portait le nom de Mogador. Antoine Poletti eut un frère, Jean-Paul, né le 28 mai 1949 à Ajaccio ; ce frère fit une carrière artistisue de musicien – auteur, compositeur et interprète -.
Antoine Poletti commença ses études secondaires à Essaouirapuis, en 1955, au terme de la classe de sixième, regagna la Corse. Il poursuivit donc à Ajaccio puis à Bastia ses études secondaires jusqu’à la classe de seconde. Il étudia ensuite, de 1960 à 1963, à l’École régionale d’horticulture d’Antibes (qui est aujourd’hui un lycée) mais sans obtenir l’examen du second degré (équivalent du baccalauréat agricole). Il le réussit à la fin de l’année suivante qu’il passa en Corse comme surveillant au collège agricole de Montesoro (Bastia). Il commença son service militaire à partir de novembre 1964 et fut libéré de ses obligations militaires en février 1966. À la rentrée scolaire de 1966, il partit pour l’Indre-et-Loire où il devint surveillant au lycée agricole de Tours-Fondettes. Sa formation l’amena à retourner en Afrique. Il a dit aussi avoir eu envie, après des années d’internat, de « jouir de sa liberté ». Probablement fut-il influencé par la lecture des Nourritures terrestres d’André Gide et, « à un degré moindre », par celle d’une biographie de Gandhi qui éveilla en lui une sensibilité au tiers-mondisme. En février 1967, au Burkina Faso (ex Haute-Volta), à Boulsa et Kongoussi, il lui fut confié un poste à la Compagnie française de développement du textile : il devint chef du secteur des cultures du coton, du mil et des arachides. Il y resta jusqu’en décembre 1969 et à son retour en France il travailla pendant plus d’un an (de mars 1970 à juillet 1971) au Crédit Agricole de la Corse comme chargé des études technico-économiques sur les exploitations agricoles. Adhérent à la CGT, il fut délégué au Comité d’entreprise. Une période qu’il interrompit pour recevoir en 1971 et1972 une formation à l’Institut national de la promotion supérieure agronomique de Dijon. Il y obtint un BTS. Dans les années suivantes, jusqu’en 1977, il reprit un poste au Crédit Agricole d’Ajaccio. Il n’y revint ensuite, définitivement, de 1983 à 2003 (année de sa retraite), qu’après une interruption de six ans.
Il était en effet devenu permanent du parti communiste dans cet intervalle, de 1977 à 1983. Il avait adhéré à ce parti en septembre 1973 après le coup d’État de Pinochet au Chili. La rencontre avec sa future épouse avait été aussi un élément déterminant de son engagement : Sylvestrine Martini, née le 13 septembre 1946 en Haute-Corse à Poggio-di-Nazzia appartenaità une fratrie de dix frères et sœurs qui tous étaient communistes et dont cinq étaient aussi des militants CGT dans la région parisienne. Le couple eut un fils, Jean-Thomas, né le 20 août 1976 à Ajaccio. Ce fils qui devint le chef du service informatique de la Collectivité Territoriale de Corse y fut délégué syndical CFDT.
Antérieurement, Antoine Poletti n’avait pas subi d’influence politique déterminante dans son milieu familial : son père avait adhéré à FO le seul syndicat autorisé par ses activités professionnelles, et, en Corse, s’était montré proche du courant radical incarné par Jean Zuccarelli. Sa mère n’avait pas eu d’engagement politique mais était issue d’une famille d’ouvriers communistes, même si son propre père, qui était abonné à La Marseillaise n’avait pas pu adhérer au parti communiste parce qu’il était douanier. Pendant l’occupation italienne, le grand-père d’Antoine Poletti avait été un collègue proche de Jacques Tavera — l’un des éléments essentiels du Front national corse dont la direction était communiste — . Sa profession lui permettait de renseigner la résistance sur les mouvements des ports. 
Antoine Poletti suivit pendant quatre mois l’École centrale du Parti d’octobre 1980 à janvier 1981. Il était alors membre du bureau fédéral et secrétaire régional quand advint la bidépartementalisation de la Corse en 1975. Il travailla beaucoup sur les œuvres de Marx, Engels et Lénine. Grand lecteur, il fut aussi marqué par des œuvres comme Le cheval d’orgueil de Jakez Helias, Le siècle des Lumières d’Alejo Carpentier, Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez, et, au plan philosophique, par l’œuvre de Jacques Muglioni. En 1983, Antoine Poletti reprit un poste au Crédit agricole. Ce choix s’expliquait en partie par les obligations familiales qui lui incombaient depuis que son épouse, à la suite d’un traitement médical, était devenue tétraplégique. Après une longue période – près de trente ans – de fidélité au parti communiste, Antoine Poletti décida de le quitter en février 2001. Sa critique essentielle portait sur le devenir de la Corse : il avait déjà déploré le processus de Matignon initié par Lionel Jospin à la fin de 1999 dans le contexte des violences nationalistes. Il se trouvait désormais en désaccord avec son parti sur le projet de loi en faveur des langues minoritaires et sur le choix du PCF d’accepter la co-officialité de la langue corse avec le français. Il y voyait une satisfaction de plus accordée au communautarisme ethnique porté en Corse par les nationalistes.
« …nous avons été coauteurs de la Révolution, mais le danger existe néanmoins de ʺ décrocher ʺ de l’élément moteur, la Révolution, et de réintégrer la zone géopolitique du Mezzogiorno qui était celle de la Corse avant 1789 ». Il s’en expliqua devant l’assemblée générale de sa Fédération à la fin de 1999. Diversement accueillie, son intervention révélait des dissensions qui finirent par le décider à quitter son parti.
Mais cela n’atténua ni ne modifia la force de ses convictions et son militantisme ne prit pas fin : Il continua à voter pour les candidats communistes lors des élections municipales et nationales et son action au sein de l’ANACR attesta la pérennité de ses convictions. Il retrouva dans l’ANACR la même motivation que lorsqu’il avait fait le sacrifice financier de devenir permanent. Il milita pour la mémoire de la Résistance, les sacrifices consentis par les résistants. Il devint rapidement, aux côtés de Jérôme Santarelli, ancien résistant déporté, un élément essentiel de l’ANACR2A à Ajaccio. À la mort de Santarelli, en 2008, il lui succéda. Il prit en charge un site web qui lutta pour la mémoire de la Résistance et ses idéaux. En voici la déclaration de principe :
La raison d’être de notre association : l’histoire et la mémoire de la Résistance en Corse.
 Pour ce faire nous nous assignons les tâches suivantes :
Approfondir la connaissance de l’histoire des "années noires" en Corse
Diffuser cette connaissance, auprès des jeunes notamment par des conférences-débats, des visites sur des lieux de mémoires, des projections de films, des publications de journaux, de livres et autres supports audio-visuels.
Lutter contre les tentatives de nier les crimes du fascisme et de la collaboration, contre la réhabilitation des irrédentistes corses et contre la résurgence des idées xénophobes et racistes.
Montrer la validité, aujourd’hui encore, des valeurs de la Résistance contenues dans le programme du Conseil National de la Résistance, et cela en respectant le pluralisme des composantes qui l’ont élaboré.
Chaque année à Ajaccio, depuis 2001, Antoine Poletti a dirigé en avril un festival dédommé Histoire et Mémoire qui rappelle des épisodes de la Résistance ou en illustre les valeurs. Il y a présenté des documentaires ( Les Corses dans les Brigades internationales de Paul Filippi ;  Une vie avec Oradour , de Patrick Seraudie), et des fictions ( La vague de Dennis Gansel ;La guerre est finie , d’Alain Resnais), souvent suivis de débats avec des spécialistes invités par l’ANACR. Antoine Poletti est membre du Bureau national de l’ANACR.
Dans le même esprit, Antoine Poletti a participé activement dans l’équipe de l’AERI menée par Hélène Chaubin à l’élaboration d’un DVD-ROM consacré à la Résistance en Corse paru en 2003 et réédité en 2007. Ce travail qui fut présenté à Paris en 2003, initia, avec celui que Jean-Pierre Besse consacrait à l’Oise, la longue série des publications de l’AERI, éditées sous le patronage de la Fondation de la Résistance.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article201278, notice POLETTI Antoine par Hélène Chaubin, version mise en ligne le 2 avril 2018, dernière modification le 3 avril 2018.

Par Hélène Chaubin

Antoine Poletti au micro de Frequenza Mora.
Antoine Poletti au micro de Frequenza Mora.
Antoine Poletti (premier à droite) à Ajaccio Cérémonie en hommage au préfet Erignac février 2018.
Antoine Poletti (premier à droite) à Ajaccio Cérémonie en hommage au préfet Erignac février 2018.

ŒUVRES : « Destins croisés entre Corse et Algérie », colloque de l’ANACR 2A, Histoire et mémoire de la Résistance corse. Bastia, IIIe colloque. 27 mai 2015. — IVe colloque. 29 janvier 2016. Bastia, « Les troupes italiennes en Corse pendant les combats de la libération ». Éditions Stamperia Sammarcelli, 2016, 20620 Biguglia.

SOURCES 
Archives privées d’Antoine Poletti. — Entretiens Hélène Chaubin - Antoine Poletti, 2017-2018. — Jean Poletti, Souvenirs de guerre, 18 p. inédit. — Le Patriote, 4 janvier 1945 . — Hélène Chaubin, « La Corse, des années 1930 à la seconde guerre mondiale : la passion de l’identité », in Bretagne et identités régionales pendant la seconde guerre mondiale, Colloque international, novembre 2001, Brest, éditions du CRBC, Brest, mai 2002. . — Internet : site ANACR2A, Résistance-Corse.

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