Les cheminots

Le statut des agents et les négociations salariales (1950-1982)

FOCUS

La loi du 11 février 1950 modifiait à nouveau le régime des conventions collectives défini à deux reprises en 1936 puis en 1946 : elle prévoyait que les salaires seraient librement discutés et négociés sous forme de conventions collectives dans les entreprises publiques ne relevant pas d’un statut. Et en application de cette loi, un décret du 1er juin 1950 rangeait justement la SNCF parmi les entreprises dont le personnel était soumis à un statut. Un autre décret du même jour fixait son mode d’élaboration : « Le statut des relations collectives entre la SNCF et le personnel est élaboré par une commission mixte, présidée par un fonctionnaire du ministère des Travaux publics et comprenant des représentants de la SNCF et des organisations syndicales les plus représentatives. Il est soumis à l’approbation du ministre des Travaux publics et des Finances. »

Curieusement, la composition de cette commission allait demeurer indéterminée : présidée par un fonctionnaire du ministère des Transports, elle comprenait des représentants de la SNCF et des organisations syndicales reconnues représentatives. En pratique, à ses réunions fréquentes où l’on délibérait sur toute modification apportée aux textes statutaires, participaient des représentants de tous les syndicats, se relayant en fonction des sujets abordés. Après 1964, à titre indicatif, y participaient 4 à 6 représentants de la CGT et de la CFDT, 3 à 4 pour la CFTC, la FMC et FO, 2 pour la CGC et la FGAAC.

L’inconvénient du statut de 1950 était qu’il faisait donc échapper à la négociation d’entreprise toute discussion salariale, puisque c’était le conseil d’administration de la SNCF qui fixait la rémunération du personnel « avec l’agrément du ministre de Travaux publics et du ministre des Finances » : d’où les attaques syndicales et le recours devant le Conseil d’État afin de contester cette sorte de « muselière » institutionnelle, où c’était Rivoli qui avait le dernier mot… Ce n’est que durant les années 1960 que furent instituées dans le secteur public des procédures d’évaluation des salaires comparés au coût de la vie (Commission Massé en 1963, Commission Grégoire de « constatation des salaires » en 1964), puis de négociation de ces salaires (procédure Toutée en 1964).

En janvier 1968, le directeur général de la SNCF, R. Guibert, organisait un dialogue inédit sur l’avenir de l’entreprise, les réformes à engager et les mesures sociales qui devaient les accompagner et atténuer leurs conséquences (réduction des effectifs, détachements et mutations consécutifs à des opérations de modernisation, etc.). Cette table ronde, où étaient représentées toutes les organisations, y compris la CGT bannie vingt ans plus tôt par l’ancien directeur Louis Armand, allait aboutir à la signature, au sein de la Commission mixte du statut, le 11 juillet 1968, d’un important accord-cadre sur les prolongements sociaux de la modernisation.

Dans ce contexte, le Mai 68 de la SNCF fut un coup d’accélérateur porté au débat tripartite. En vertu du constat de négociation du 4 juin qui conclut le « mai des cheminots », les représentants de la direction et des syndicats étaient réunis à partir du 12 juillet pour un examen de l’évolution de la politique des transports. Ces réunions aboutirent le 11 décembre 1968 à un constat intérimaire.

Les tables rondes tripartites, devenues bipartites, se poursuivirent en 1969, notamment en matière de salaires : la « Nouvelle société » contractuelle que voulait promouvoir le gouvernement de Chaban-Delmas, était favorable à cette ouverture et autonomie accrues du secteur public.

L’année 1970 vit ainsi pour la première fois s’ouvrir une négociation annuelle sur les salaires, conclue en février par la signature d’un accord sur l’évolution des conditions de travail et des salaires au cours de l’année 1970, signé sans réserves par tous les syndicats. Mais l’année suivante, fait exceptionnel, le 11 janvier 1971, l’accord salarial fut signé par tous les syndicats.

Par Georges Ribeill

Le statut des agents et les négociations salariales (1950-1982)
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