CLISCI Joseph [CLISCI Iosif, dit]

Par Lynda Khayat

Né le 12 novembre 1915 à Cliscauti (Bessarabie), mort le 2 juillet 1943, après un attentat perpétré à Clichy (Seine, Hauts-de-Seine) contre les troupes occupantes ; mathématicien de formation ; militant communiste immigré, résistant, membre puis chef du 1er détachement FTP-MOI.

Portrait de Joseph Clisci
Portrait de Joseph Clisci
CDJC, CDLXXI 82

Orphelin de mère dès sa naissance et de père, comptable, élevé par sa grand-mère, Iosif Clisci reçut, enfant, une éducation religieuse juive. Inscrit d’abord au lycée de Hotin, il poursuivit ensuite ses études à Bucarest, où il obtint son baccalauréat avant d’entrer à l’École polytechnique. Militant de la Jeunesse communiste, il animait des cercles d’études marxistes, traduisant du français Le Manifeste communiste et L’Anti-Dühring. S’opposant à la terreur que faisaient régner la Sigurant, police secrète du régime, et la Garde de Fer, mouvement nationaliste, fasciste et antisémite, il fut arrêté par les autorités roumaines. Remis en liberté provisoire, dans l’attente de son procès, il réussit à prendre la fuite et fut condamné par contumace à cinq ans de prison. Il rejoignit la France et s’installa à Paris pour y poursuivre ses études, s’inscrivant à la Faculté des Lettres. Là, il adhéra au mouvement étudiant révolutionnaire et milita activement parmi les étudiants juifs étrangers. Collaborateur de la Naïe Presse, quotidien communiste de langue yiddish, il participait également aux activités du Club de la Jeunesse ouvrière juive (AYK), dépendant de la Kultur Liga, liée à la sous-section juive de la Main d’œuvre immigrée (MOI) du PCF.

Engagé dans l’armée française juste avant le déclenchement de la guerre, il fut affecté au 21e régiment de marche des volontaires étrangers, cantonné à Barcarès (Pyrénées-Orientales). Atteint d’une maladie pulmonaire, il fut réformé à la veille de l’invasion allemande. De retour dans la capitale, il se maria en décembre 1940 avec Henriette Tovarowsky, fille d’immigrés juifs bessarabiens, couturière de profession et militante communiste. Il participa aux premiers groupes de jeunes engagés dans la lutte armée, pratiquant des actes de sabotage. Membre puis chef de groupe au sein du 1er détachement des FTP-MOI, composé majoritairement de Roumains, il multiplia les actions : récupération d’armes sur l’ennemi, incendies et attentats notamment dans les garages et parcs occupés par les Allemands. Plusieurs de ses camarades furent appréhendés à la fin de l’année 1942, arrestations les obligeant à cesser provisoirement leur action et à procéder à la réorganisation du détachement, dont le commandement militaire lui fut alors confié.

À Clichy, le 2 juillet 1943 au matin, Iosif (pseudonyme dans la Résistance : Albert) participa à l’attaque d’un autobus, transportant une quarantaine de soldats allemands qui se dirigeaient vers l’hôpital Beaujon. Ses camarades et lui purent prendre la fuite, mais au cours de leur repli, un passant intervint pour tenter de l’arrêter, le ceinturant, alors que les militaires allemands faisaient feu dans sa direction, parvenant à le blesser. Il se réfugia alors dans un immeuble de la rue de l’Abreuvoir, tandis que deux de ses camarades s’enfuyaient, malgré le quadrillage de Clichy. La Feldgendarmerie de Neuilly-sur-Seine, arrivée peu après sur les lieux, fut prévenue en fin de journée, sur dénonciation, de l’endroit où il s’était réfugié. L’immeuble encerclé, Iosif Clisci se défendit aussitôt, faisant usage de son arme, lançant une grenade Mills qui atteignit un adjudant de la Feldgendarmerie. Pris sous le feu des Allemands, il aurait tenté de se suicider avec la dernière balle qui lui restait dans son arme, pour ne pas être pris vivant. Grièvement blessé, il fut transporté à l’hôpital Beaujon, où il décéda dans la soirée. Sa disparition désorganisa l’activité du 1er détachement des FTP-MOI.

Quant à sa femme, Henriette, dite Jacqueline dans la clandestinité, agent de liaison des FTP-MOI (matricule 10472), dont les parents furent arrêtés comme Juifs par la police française le 18 novembre 1943 et son frère un mois plus tard, tous internés au camp de Drancy et déportés à Auschwitz d’où ils ne revinrent pas, elle quitta à la suite de la mort de son mari son domicile légal de la rue Daubenton et se réfugia chez Denise Soleilbeau. Son fils, Serge, envoyé à la campagne, resta caché jusqu’à la fin de l’Occupation. Henriette Clisci fut arrêtée le 9 mars 1944 à son domicile de refuge. Conduite pour interrogatoire dans les locaux des brigades spéciales de la Préfecture, elle fut incarcérée ensuite à la prison de la Petite-Roquette, puis à celle de Fresnes, avant d’être internée le 24 juillet au camp de Drancy et déportée à Auschwitz, le 31 juillet 1944, où elle trouva la mort.

Le 7 juillet 1946, la municipalité de Clichy, en présence des Amis des FTPF, du Front national roumain en France et de l’association des originaires de Bessarabie, dévoila une plaque apposée sur l’immeuble de la rue de l’Abreuvoir, commémorant la mort de Iosif Clisci.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article20188, notice CLISCI Joseph [CLISCI Iosif, dit] par Lynda Khayat, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 28 mars 2021.

Par Lynda Khayat

Portrait de Joseph Clisci
Portrait de Joseph Clisci
CDJC, CDLXXI 82
Joseph Clisci
Joseph Clisci
Première version de la plaque
Immeuble de la rue de l’breuvoir à Clichy où Clisci trouva la mort.

SOURCES : Arch. Nat., F 9 art. 5665. — Fichier indiv. PPo. Seine, F 9 art. 5628, fichier familial ; art. 5685, art. 5734, fichiers du camp de Drancy. — Arch. PPo., BA 1752, occ. all. : attentats terroristes, vols d’explosifs sabotages, engins suspects (1941-1944) ; BA 2103, occ. all. : attentats (juillet-décembre 1943) ; BS 1 GB 85, affaire Andrietti. — CDJC, ML A 142, portrait d’Henriette et de Joseph Clisci ; ML A2 97, S-Lieutenant Yves, « Le Héros de Clichy » (coupure de presse, sd) ; ML B2 32, affiche invitant à l’inauguration d’une plaque en mémoire de Joseph Clisci, à Clichy, le 7 juillet 1946 ; CDLXXI 82, portrait de Joseph Clisci. — David Diamant, Combattants, héros et martyrs de la résistance, Éd. Renouveau, 1984, p. 118-120. — Boris Holban, Testament, Après quarante-cinq ans de silence, le chef militaire des FTP-MOI de Paris parle, Paris, Calmann-Lévy, 1989. — Les Roumains dans la Résistance française au cours de la Seconde Guerre mondiale (Souvenirs), Institut d’études historiques près du CC du PCR, Bucarest, Éditions Meridiane, 1971.
Franck Liaigre, Les FTP, Perrin, 2015, Cet ouvrage paru dix ans après la rédaction de cette notice affirme que qu’on ne sait rien la vie de Clisci (!!) et que les historiens ont fabulé sur sa mort. La lecture de la présente biographie prouve le contraire.

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