Oissery, Forfry et communes alentour (Seine-et-Oise, aujourd’hui Seine-et-Marne), 26 et 27 août 1944

Par Frédéric Stévenot, Michel Thébault

Le 26 août 1944, le bataillon commandé par Charles Hildevert fut décimé à Oissery par les forces allemandes. Ces combats et le ratissage effectué le jour même et le jour suivant dans les communes voisines, firent cent cinq morts (surtout des résistants mais aussi quelques civils massacrés) et soixante-cinq prisonniers ou disparus.

A la mi-août le réseau Armand-Spiritualist dépendant du SOE-F Buckmaster (Special Operations Executive, section française des services britanniques, appelée aussi Buckmaster du nom du chef de la section F, Maurice, James Buckmaster) s’organisa militairement grâce aux armes reçues et forma plusieurs compagnies, créant le 1er Régiment Franc de Paris. Le régiment de France ne prit pas part à l’insurrection parisienne, ce qui lui fut reproché par les FFI. La mission confiée par le S.O.E fut de réceptionner un important parachutage de matériels, d’armes et d’hommes qui devait avoir lieu à une quarantaine de kilomètres à l’est de Paris, à Saint-Pathus (Seine-et-Oise, aujourd’hui Seine-et-Marne), et de se porter ensuite, avec ces troupes, vers la région de Meaux pour couper la route à l’armée allemande qui refluait alors vers l’Est.

Le parachutage devait avoir lieu sur le terrain habituel de Saint-Pathus/Oissery aux alentours de l’étang de Rougemont. Au matin du 26 août, un convoi de vingt-cinq camions, le bataillon Hildevert, venant du Raincy se dirigea vers le lieu de rendez-vous par Villeparisis et Claye-Souilly. La formation fut repérée par les Allemands, en particulier par une unité allemande, la 49e Panzerbrigade S.S.
Le convoi arriva à Saint-Pathus vers 9 heures 30 - 10 heures, et prit position. Mais des groupes allemands puissamment armés le surprirent. Oissery et ses alentours furent le théâtre de violents combats, mais la disproportion des forces et des armements aboutit à un véritable massacre dans les rangs des résistants. Les combats firent cent cinq morts, dont le commandant Hildevert et ses deux fils tués par un obus de 88, et soixante-cinq prisonniers et disparus selon les estimations d’après-guerre. En particulier, la râperie de betteraves installée sur la commune fut le lieu du massacre de plusieurs dizaines de résistants pour la plupart blessés. En effet pendant les combats, les blessés se réfugièrent avec quelques prisonniers et des infirmières dans cette râperie. L’infirmerie de la râperie fut peu après investie par les soldats allemands et incendiée avec ses occupants. On en retira vingt-sept cadavres calcinés et pour certains jamais identifiés.

Le jour même et le lendemain 27 août, alors même que les forces américaines de la IIIème Armée US venant du sud approchaient, parvenant le 28 août à Saint-Pathus, les troupes allemandes procédèrent à un intense ratissage du secteur pour retrouver les résistants qui étaient parvenus à s’échapper. Des rescapés furent capturés à Saint-Mesmes, Vinantes, Monthyon, Saint-Soupplets, Saint-Pathus et fusillés sur le champ.

Gilles Primout (site internet. op. cit.) a dressé une liste des victimes (neuf cadavres brûlés à la Râperie ne furent pas identifiés ; parmi eux vraisemblablement les portés disparus figurant dans cette liste).

Liste des victimes :

  1. Jean-Marie Ardoli, 19 ans, rescapé de la bataille abattu à Saint-Mesmes
  2. Georges Bardon, 25 ans, tué à Oissery
  3. Gilbert Bataille, 19 ans, tué à Oissery (son frère, capturé, reviendra de déportation), impasse à Noisy-le-Grand (1964)
  4. Fernand Baudot, 38 ans, blessé à l’étang, achevé et brûlé à la Râperie. Allée à Livry-Gargan (1945)
  5. Mohamed Bess-Perdjani, soldat tunisien prisonnier de guerre qui s’est joint au bataillon ; tué sur le pont de la Thérouannne
  6. Jean Bleuzen, 28 ans, blessé à l’étang, achevé et brûlé à la Râperie
  7. Gaston Blois, 38 ans, porté disparu
  8. Ernest Bonin, 29 ans, tué à Oissery
  9. Pierre Bouyer, tué à Oissery
  10. Roger Briand, tué à Oissery
  11. Julien Bridier, 37 ans, tué à Oissery
  12. William Britton, 23 ans, tué par éclats d’obus à Oissery
  13. Henri Brumet (Brunet ?), tué à Oissery
  14. Lucien Brunel, tué à Oissery
    BUSSIERE Louis, fait prisonnier et exécuté sommairement.
  15. Albert Castelain, 28 ans, tué carrefour de Vinantes
  16. Robert Cerles, 18 ans, tué à Oissery
  17. Adrien Chaigneau, alias Jack Telmont, lieutenant de l’équipe Jedburgh, tué à l’étang (Saint-Cyrien promotion 1937)
    CHARRETON Roland, 19 ans, tué à Oissery
    CHAUSSADE Paul, tué à Oissery
  18. Robert Colombelle, 31 ans, rescapé de la bataille, abattu à Vinantes
  19. Henri Compagnon, 24 ans, tué à Oissery (il avait participé au sabordage de la flotte à Toulon en 1942)
  20. Bruno Cornelli, 19 ans : ouvrier agricole, il commet l’erreur se s’approcher d’un hangar en feu en compagnie du fils de son patron ; les deux jeunes gens sont abattus et brûlés à la Râperie
  21. Eugène Cornet, 40 ans, blessé à l’étang, achevé et brûlé à la Râperie
  22. Marie-Louise Cornet, née Filloux, 39 ans : infirmière du Bataillon, elle refuse d’abandonner Eugène, son mari blessé ; elle est fusillée et brûlée à la Râperie ; leur fils Louis, 16 ans, ne pourra identifier que les restes de son père
  23. Georges Corten, 18 ans, tué à Oissery
  24. André Courbard, blessé à Rougemont, achevé et brûlé à la Râperie
  25. Jean-Paul Couturier, 23 ans, tué à l’entrée d’Oissery
    DAMERON Michel, 24 ans, blessé à l’étang, achevé et brûlé à la Râperie
  26. Maurice Darras, 19 ans, rescapé de la bataille, abattu à Saint-Mesmes
  27. Paul Darras (frère du précédent), 20 ans, tué à Oissery, rue à Noisy-le-Grand
  28. Raymond Déjardin, 19 ans, rescapé de la bataille, abattu à Monthyon, rue à Noisy-le-Grand : Raymond Desjardin
    DELHOSTAL Jean, tué à Saint-Soupplets
    DENIS Charles, tué à Oissery
  29. M. Deroche, porté disparu
  30. André Duval, porté disparu
  31. André Ferlicot, 32 ans, tué à l’étang
    FIERENS Émile, rescapé de la bataille, fusillé à Saint-Soupplets.
  32. Gaston Fontaine, 38 ans, blessé à l’étang, achevé et brûlé à la Râperie
  33. M. François, tué à Oissery (il s’agit peut-être d’Adrien Chaigneau alias Jack Telmont, alias Jean-François)
  34. Maurice Fructus, tué à Oissery
    GAVEND Léon, fait prisonnier et exécuté sommairement à Oissery ou Forfry
  35. Auguste Geneviève, 24 ans, tué à Oissery
  36. José Giner, 41 ans, tué à Oissery
  37. Henri Girard, tué à Oissery
  38. Louis Gollion, 40 ans, blessé à l’étang, achevé et brûlé à la Râperie
  39. André Grelot, 18 ans, tué à Oissery
  40. Édouard Guenzi (Gueuze ?), tué à Oissery
  41. Maurice Guillemain, 50 ans, blessé à l’étang, achevé et brûlé à la Râperie
    GUILLOTEAUX Marcel, tué à Oissery
  42. Jean Guingel, porté disparu
  43. Émile Guyon père, 47 ans, tué à Oissery
  44. Emile Guyon fils, 21 ans, tué à Oissery
  45. Jean-Jacques Harbulot, tué à Oissery
  46. Marcel Harbulot, oncle du précédent, tué à Oissery
  47. André Hautcolas, 22 ans, tué à l’étang
  48. Charles Hildevert, 45 ans, tué avec ses deux fils à l’étang
  49. Georges Hildevert, 19 ans
  50. Roger Hildevert, 21 ans
  51. Michel Jannin, 18 ans, tué à Oissery
  52. Roger Joly, 24 ans, blessé à l’étang, achevé et brûlé à la Râperie
    LAMANT Jules exécuté sommairement à Forfry
    LAMANT Albert exécuté sommairement à Forfry
    LAMANT Louis exécuté sommairement à Forfry
  53. Jean Laplace, 30 ans, tué à Oissery
  54. Jean Laurent, 31 ans, porté disparu
  55. Robert Laurent, frère du précédent, 28 ans, blessé à l’étang, achevé et brûlé à la Râperie
    LAVETTI Marc, fusillé à Saint-Mesmes mais ne figure pas sur les effectifs du Bataillon
  56. Maurice Lavoignat, 26 ans, tué à l’entrée d’Oissery
  57. Fernand Leconte, porté disparu
  58. Hervé Legrand, 20 ans, tué à l’entrée d’Oissery
  59. Henri Lemble, tué à Oissery
  60. Pierre Lemoine, tué à Oissery
  61. Fernand Leroyer, 23 ans, blessé à l’étang, achevé et brûlé à la Râperie
  62. André Lesouef, tué à Oissery, mais n’appartiendrait au Bataillon
    LEURIDAN Florimond, responsable du groupe local, capturé près de la fontaine Marguerite pendant la bataille, conduit à Meaux où il fut fusillé
  63. Jean Lorin, 30 ans, porté disparu
  64. Maurice Lorin, 30 ans, blessé à l’étang, achevé et brûlé à la Râperie
  65. Des frères jumeaux ? Sur le tableau des effectifs ils sont nés tous les deux le 24 mars 1914. Ou erreur de prénom sur un présumé disparu qui sera finalement identifié parmi les cendres de la Râperie.
  66. Jules Lotte, 41 ans, tué à Oissery
  67. Albert Louveau, 25 ans, rescapé de la bataille, fusillé le lendemain à Saint-Mesmes
  68. Maurice Mamoud, prisonnier de guerre qui s’est joint au Bataillon ; tué sur le pont de la Thérouanne
  69. Robert Mathieu, 29 ans, tué à Oissery
  70. Lucien Mauzon, 34 ans, tué à Oissery (volontaire des corps francs en 1940)
    MAYEUR Raoul tué à Oissery
  71. Guy Meillasson, porté disparu
  72. Rémy Michel, 24 ans, rescapé de la bataille, fusillé à Saint-Soupplets
  73. José Michon, fils d’un fermier d’Oissery ; commet l’erreur de s’approcher, en compagnie d’un ouvrier agricole, d’un hangar en feu ; les deux hommes sont abattus puis brûlés à la Râperie
  74. René Morel, 40 ans, tué à Oissery
    NAYRAC Roger, tué à Oissery
    ONRAET Roger, réfractaire du STO comme Marc Lavetti, également abattu à Saint-Mesmes.
  75. Jean-Paul Orsetti, 37 ans, blessé à l’étang, achevé et brûlé à la Râperie
    PAPAZIAN Mercès, rescapé de la bataille, fusillé le 27 août à Saint-Mesmes
  76. Pierre Patron, porté disparu
    PERSICO Gilbert, rescapé de la bataille, fusillé à Saint-Soupplets.
    RICHARD Jean, tué à Forfry au lieu-dit La Longuenne
    RUELLE Alfred, tué au château de Forfry
  77. Eugène Schmidlin, 36 ans, blessé à l’étang, achevé et brûlé à la Râperie
  78. Maurice Schneiderlin, 19 ans, tué à Oissery
    SIMOENS Paul, tué à Oissery
  79. Georges Soudet (Souvet ?), 35 ans, tué à Oissery
    SPODEN Jean, blessé au combat, achevé et brûlé à la râperie.
  80. Gabriel Tcherny, tué à Oissery
    TESTA Angel, rescapé de la bataille, fusillé le lendemain à Saint-Mesmes
  81. Théo Verbois, porté disparu
    VERRONS Robespierre, tué au combat à Oissery.
    VINCENT Fernand, victime civile.
  82. Serge Wallet, tué à Oissery

Liste des déportés répertoriés par Gilles Primout :

BAUDET Marcel né le 6 août 1914 à Fismes (Marne), déporté vers le KL Sachsenhausen, mort dans ce camp le 28 février 1945.
BOUVANT Marcel né le 30 avril 1913 à Paris (Seine), déporté vers les KL Sachsenhausen puis Mauthausen, mort dans ce dernier camp le 5 mai 1945.
CALIN Albert né le 11 juillet 1905 à Lille (Nord), déporté vers les KL Dora puis Sachsenhausen, mort dans ce dernier camp (date inconnue).
CHENUT Roger né 26 janvier 1926 à Belfort (Territoire de Belfort), déporté vers le KL Langenstein, mort dans ce camp le 9 février 1945.
FOULON Georges né le 6 mars 1886 à Neuilly-sur-Marne, déporté vers le KL Sachsenhausen, mort dans ce camp le 3 mai 1945.
GOUSSARD Yves né le 2 janvier 1928 à Fort-de-France (Martinique), déporté vers les KL Sachsenhausen puis Bergen-Belsen, mort dans ce dernier camp en mars 1945.
GUEGNOUX Marcel
HUBERT André né le 31 juillet 1914 à Clichy-sous-Bois (Yvelines), déporté vers le KL Sachsenhausen, libéré à Schwerin le 2 mai 1945, rentré.
NARBEL Gabriel né le 20 septembre 1920 à Villeneuve-sur-Yonne (Yonne), déporté vers les KL Sachsenhausen puis Dachau, libéré à Dachau le 29 avril 1945, rentré.
SIMON Georges né le 28 juillet 1901 au Havre (Seine-Maritime), déporté vers les KL Sachsenhausen puis Neuengamme, libéré à Sandbostel le 29 avril 1945, rentré.
TARRAL né le 3 septembre 1920 à Romainville (Seine), déporté NN vers le KL Sachsenhausen, mort au Kommando de Klinker dépendant de ce camp le 10 avril 1945.
TROUVE Louis né le 1er janvier 1916 à Paris (Seine), déporté, mort à Sandbostel le 27 avril 1945.
VINTER Charles né le 23 novembre 1922 à Pavillon-sous-Bois (Seine), déporté vers le KL Sachsenhausen, libéré le 3 mai 1945, rentré.
VINTER René né le 3 octobre 1924 à Pavillon-sous-Bois (Seine), déporté vers le KL Sachsenhausen, libéré le 3 mai 1945, rentré.
WASTERLAIN Marcel né le 24 décembre 1898 à Aubervilliers (Seine), déporté vers les KL Sachsenhausen puis Mauthausen, mort dans ce dernier camp le 12 avril 1945.

On peut trouver plusieurs plaques et monuments relatifs au drame à Oissery et Forfry, commune voisine. Le conseil municipal de la première commune décida d’attribuer la date du 26 août 1944 à l’une des rues.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article201898, notice Oissery, Forfry et communes alentour (Seine-et-Oise, aujourd'hui Seine-et-Marne), 26 et 27 août 1944 par Frédéric Stévenot, Michel Thébault, version mise en ligne le 17 avril 2018, dernière modification le 25 septembre 2021.

Par Frédéric Stévenot, Michel Thébault

SOURCES. Sites Internet : notice sur OisserySite de Gilles Primout, art. « Oissery, un dommage collatéral ? » — Site de la Fondation pour la Mémoire de la déportation [bddm.org] — Mémoriaux de Seine-et-Marne, sur Oissery et sur le groupe Hildevert. — Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis, Un nom, une rue, une histoire, AMRN 93 Éditions de l’Atelier, 2004.— Mémoire des Hommes. — Mémorial genweb.

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