Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason
Né le 22 décembre 1923 à Saint-Lubin-des-Joncherets (Eure-et-Loir), fusillé par condamnation le 21 février 1944 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; ouvrier agricole ; militant des Jeunesses communistes ; résistant FTP-MOI, un des condamnés du procès dit de l’Affiche rouge.
Fils de Léon, ouvrier d’usine et de Valentine, née Daniou, tisserande, Georges Cloarec vivait et travaillait comme ouvrier agricole à Droisy-par-Nonancourt (Eure). En septembre 1943, craignant d’être requis au Service du travail obligatoire (STO), il alla habiter chez son oncle Louis Cloarec 30 rue du 14-Juillet à Alfortville (Seine, Val-de-Marne). Il rencontra un ouvrier qu’il connut à Nonancourt, Luigi Marconi à la sortie des Tréfileries d’Ivry où il travaillait et lui exposa sa situation. Marconi le mit en contact avec Arthur (Eugène Martinelli) qui lui proposa d’entrer dans les FTP qui luttaient contre les Allemands. Permanent de l’organisation il serait rétribué deux mille trois cents francs par mois plus des tickets d’alimentation. Il fut affecté au 3e détachement italien des FTP-MOI.
Sous l’identité de Philippe Laurent, Georges Cloarec fit la connaissance de René (Robert Witchitz), Paul (Spartaco Fontanot), Marcel (Cesare Luccarini) et de Colette (Tuba Klesczelski) qui apportait les armes avant chaque action. Sous le pseudonyme de Marc, matricule 10620, il participa à sa première action. Les 18 et 19 octobre il effectua en compagnie de Robert Witchitz une mission de reconnaissance au 62 rue Caumartin à Paris (IXe arr.) où un restaurant était réquisitionné par les Allemands. Deux gardiens de la paix français étaient de faction devant l’établissement. Le 20, il retrouva vers 18 h 45, place de la Trinité, Spartaco Fontanot, Cesare Luccarini et Tuba Klesczelski qui apporta les armes et lui donna une grenade et un revolver. Vers 19 h 15 il passa une première fois devant le restaurant. Au deuxième passage, il lança la grenade contre la vitrine qui vola en éclats ; il entendit l’explosion. Tous se retrouvèrent place de la Trinité où Tuba Klesczelski récupéra les armes. Cet attentat ne fit aucun blessé.
Il effectua une nouvelle mission de reconnaissance le 29 octobre avec Cesare Luccarini à Argenteuil (Seine-et-Oise, Val-d’Oise) devant l’usine où travaillait Palu, membre du PPF. Le lendemain, Antoine vint en bicyclette distribuer les armes à Georges Cloarec, Spartaco Fontanot, Cesare Luccarini et Robert Witchitz ; ce dernier était chargé de tirer. Palu sortit à midi. Witchitz tira mais le rata. Tous se replièrent sans problème.
Lors d’une opération de récupération de bicyclettes le 4 novembre vers 6 h 30 dans un garage à Vincennes, sept FTP armés étaient réunis pour récupérer les précieuses machines : Thomas Elek, Cesare Luccarini, Robert Witchitz, Rino Della-Negra, Spartaco Fontanot, Georges Cloarec et Alfredo Terragni. Le propriétaire n’opposa pas de résistance, et cinq d’entre eux dont Cloarec repartirent sur une bicyclette.
Le 13 novembre, Georges Cloarec avait rendez-vous avec Robert Witchitz à 17 heures au métro Reuilly-Diderot. Trois inspecteurs de la BS2 l’attendaient et ils l’arrêtèrent. Cloarec ignorait qu’en début d’après-midi, les policiers avaient arrêté Witchitz rue La Fayette. Depuis le 10 novembre, Georges Cloarec habitait sous le nom de Philippe Laurent, sa fausse identité, au 15 boulevard Lamouroux à Vitry-sur-Seine.
Emmené dans les locaux des Brigades spéciales à la préfecture de police, il fut battu plusieurs fois lors des interrogatoires. Georges Cloarec fut l’un des vingt-quatre accusés qui comparurent le 18 février 1944 devant le tribunal du Gross Paris qui siégeait rue Boissy-d’Anglas. La presse collaborationniste dont Le Matin s’en fit l’écho : « Le tribunal militaire allemand juge 24 terroristes ayant commis 37 attentats et 14 déraillements. Un Arménien, Missak Manouchian dirigeait cette tourbe internationale qui assassinait et détruisait pour 2 300 francs par mois. »
Georges Cloarec fut passé par les armes le 21 février 1944 à 15 h 29 au Mont-Valérien avec les vingt-deux autres condamnés à mort. Son inhumation eut lieu dans le carré des corps restitués aux familles dans le cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne).
Le nom de Georges Cloarec figure sur les plaques commémoratives dédiées au groupe Manouchian au 19 rue au Maire à Paris (IIIe arr.), à Marseille, près de la gare d’Évry-Petit-Bourg (Essonne) où furent arrêtés Missak Manouchian et Joseph Epstein (colonel Gilles) et au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis).
Son nom figure aussi sur le monument aux morts de La Madeleine-de-Nonancourt (Eure).
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Dernière lettreLe 21 février 1944Chers oncle et tante,Je vous écris ces deux mots pour vous faire savoir que je vais être fusillé tantôt à Fresnes, à trois heures. Mais il ne faut pas vous en faire pour moi car, voyez-vous, moi, cela ne m’a rien fait d’apprendre que je serais fusillé ; j’ai fait mon devoir de soldat.Cher oncle, je te fais savoir que j’ai écrit à papa, mais je ne dis pas à mes parents que je vais être fusillé. Tu n’auras qu’à leur dire gentiment. Ce serait trop dur pour eux d’apprendre si vite. Surtout, fais bien attention, quand tu le diras à mon oncle et à ma tante Marie, de ne pas les choquer de trop. Souhaite bien le bonjour de ma part aux camarades.Je vous quitte pour la vie.Votre neveu et cousin qui vous aime,GeorgesIl n’est rien de plus beau que de mourir pour laFrance. Adieu.
Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason
SOURCES : Arch. PPo., 77W 2122, BA 1752. – DAVCC, Caen, Boîte 5, Liste S 1744 098/44 (Notes Thomas Pouty). – Le Matin, 19 et 20 février 1944, 21 février 1944, 22 février 1944. – Boris Holban, Testament, Calmann-Lévy, 1989, p. 292. – Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger, les immigrés de la MOI dans la Résistance, Fayard, 1994. – Lettres de fusillés, Éditions France d’abord, 1946. — Site Internet Mémoire des Hommes. – Mémorial GenWeb. – État civil, Saint-Lubin-des-Joncherets.