COCHARD Émile, Marius

Par Maurice Moissonnier

Né le 30 mai 1904 à Saint-Rambert-l’Île-Barbe (Rhône), mort le 7 mars 1985 à Hyères (Var) ; ouvrier de la métallurgie (ajusteur) et du textile, syndicaliste et communiste du Rhône ; résistant.

Autobiographie communiste d’institution, dossiers du Komintern, Rgaspi, Moscou. Fiche d’évaluation.

Émile Cochard est né dans une famille ouvrière de la banlieue lyonnaise. Son père, Jean, Antoine, était tourneur sur métaux avant de devenir commerçant et sa mère, Marie, Annette Fraisse était cuisinière, sans profession au moment de la naissance. La famille - qui comptait quatre enfants - était porteuse de traditions républicaines et socialistes, un grand-père de Cochard avait connu la proscription sous l’Empire et l’exil à Guernesey, le père était un socialiste guesdiste qui avait été conseiller municipal à Saint-Rambert-l’Île-Barbe de 1904 à 1929. Le jeune Émile, bien que baptisé à l’insu de son père, fut élevé sans aucun contact avec la religion. Militant du Parti ouvrier français puis jauressien en 1914, le père Cochard (qui emmenait son jeune fils aux manifestations) suivit le Parti socialiste dans l’union sacrée mais, sur la fin de la guerre, fut sensible à l’influence kienthalienne. Il recevait La Vague de Brizon que le jeune Émile lisait déjà avec intérêt. En 1937, son père était président de la section de la Libre pensée de Neuville-sur-Saône.

Après son certificat d’études, Émile Cochard entra à l’École primaire supérieure, puis fréquenta le lycée Ampère jusqu’en seconde. À ce moment-là, à seize ans, il entra à l’École des apprentis mécaniciens de la marine à Lorient et, contracta un engagement. À Toulon, en relation avec Barbaroux, il connut d’anciens mutins de la Mer Noire avec lesquels il eut de longues discussions politiques : ses origines familiales et les amitiés de cette époque expliquent l’attitude favorable qu’il adopta dès ce moment à l’égard de la Révolution soviétique et l’attention qu’il accorda aux premières luttes du Parti communiste contre les guerres de Syrie et du Maroc, sans pour autant y participer directement. Il quitta la marine avec le grade de second maître mécanicien et alla d’abord travailler dans la région parisienne. Il adhéra aussitôt au Secours rouge.
Émile Cochard se maria le 1er mai 1928 à Argenteuil (Seine-et-Oise, Val-d’Oise) avec Olympe Chassinand, sans profession. "N’est pas au parti mais y sympathise beaucoup". Le couple eut trois enfants, un garçons (vers 1927) et deux filles (vers 1926 et 1931).
C’est cette même année 1928 qu’il adhéra au Parti communiste à Argenteuil et fut affecté à la cellule « 1905 », juste à temps pour participer à la campagne des législatives de 1928 - conduite selon la tactique « classe contre classe » - dans la circonscription où André Marty fut battu de justesse au deuxième tour par le comte de Flers. Il participa aussi à la bataille pour le sauvetage de l’Humanité et contribua à la naissance, dans le « rayon » d’Argenteuil, d’un CDH (Comité de défense de l’Humanité). Au début des années trente, quand éclata la grande crise économique, Cochard connut une période difficile. Malade, il subit deux opérations en deux ans. Il s’était marié et trois naissances successives à son foyer ajoutèrent à ses charges, contribuant à l’écarter momentanément de l’activité militante. Il revint alors à Lyon et s’installa dans le faubourg de Vaise. Lorsqu’il reprit son action politique, il connut quelques déboires : en désaccord avec les orientations et les méthodes qui avaient cours dans la période dite « du groupe Barbé-Celor », il fut écarté des responsabilités et son rôle fut alors très effacé. Il cessa de prendre sa carte entre 1929 et 1936.
Il contribua néanmoins au développement à Vaise d’un comité Amsterdam-Pleyel, seul organisme unitaire d’un quartier où les socialistes étaient largement majoritaires et où les rapports socialistes-communistes restaient très tendus. En 1934-35, l’activité de Cochard s’intensifia : la lutte contre les militants des ligues, la bataille unitaire, des responsabilités syndicales l’accaparèrent de plus en plus. En 1935, il fonda à l’usine Rhodiacéta de Vaise, où il travaillait, le syndicat unitaire et devint le second d’Édouard Aubert*, le dynamique secrétaire du textile CGTU. Licencié en raison de son activité en mars 1936, il consacra son temps au service du PC (vente de l’hebdomadaire La Voix du Peuple) et à la consolidation du syndicat. Il participa à la réunion au cours de laquelle, le Cartel autonome du Bâtiment donna son adhésion à la CGTU (pour cet épisode voir Hildebert Chaintreuil*). Il joua un rôle très actif lors des grèves « sur le tas » de l’été 1936, représenta dans les négociations les travailleurs du Textile et fut signataire des contrats collectifs conclus à l’époque. En 1937, il devint secrétaire du syndicat textile CGT Lyon et banlieue. Il commençait à être un militant en vue, c’est-à-dire, aussi, une cible pour les éléments fascisants : c’est ainsi qu’il fut victime de deux agressions commises par des hommes de main des ligues. Au moment de la guerre civile espagnole il fit - avec E. Aubert - acte de candidature pour les Brigades internationales mais le secrétariat fédéral du Parti s’opposa à un départ qui aurait décapité le syndicat CGT du Textile. En revanche, Cochard se vit confier des responsabilités particulières dans la collecte de vivres et d’argent pour les combattants au service de la République espagnole. Avec « la pause » et la conférence de Munich, les relations avec les socialistes se tendirent, et il eut l’occasion de s’opposer publiquement à André Philip, député du Rhône, au cours de réunions tenues à Vaise. Après l’échec de la grève du 30 novembre 1938, et la signature du Pacte germano-soviétique, Cochard rencontra dans la lutte politique de grandes difficultés.
Émile Cochard travaillait à Lyon, rue Bataille à l’entreprise REP lorsque commença la guerre. Il fut mobilisé dès le 2 septembre à Toulon où il essaya vainement de prendre contact avec le Parti communiste devenu clandestin après sa dissolution et il ne parvint qu’à retrouver quelques militants lyonnais comme Aulagne* et Vallier*. Sa mobilisation précoce lui évita sans doute de connaître l’internement au fort Barraux qui fut le lot de la majeure partie des dirigeants lyonnais mais, en octobre 1939, au cours d’une de ses permissions, son domicile fut perquisitionné. Il était aux arrêts de rigueur en raison des propos qu’il avait tenus publiquement au moment de la débâcle lorsqu’il fut démobilisé le 11 juillet 1940. Dès le 13 décembre, en tant que suspect, il fut arrêté et interné à Nexon (Haute-Vienne) d’où il fut libéré, le 1er octobre 1941 à la suite notamment de pétitions signées à Vaise. Après avoir trouvé du travail à Vénissieux, à l’entreprise Sigma, il y reconstitua le syndicat clandestin et le Parti. Le 13 octobre 1942, après avoir joué un rôle décisif dans la mise en grève de l’usine Sigma, il prit la parole malgré la présence autour de l’entreprise d’une unité de GMR et de trois commissaires de police dirigés par Cussonac, l’un des chefs de la répression politique dans la région lyonnaise. Une telle audace le contraignit à entrer définitivement dans la clandestinité. Entre novembre 1942 et janvier 1943, il fut chargé de la direction politique du PC dans la région sud de Lyon, puis, à partir de janvier 1943, dans la région Isère-Hautes-Alpes. Le 29 mai, il fut envoyé en Haute-Savoie pour y diriger l’action des FTPF. Sous le nom de Jacques Fraisses, il rejoignit Aix-les-Bains le 3 juin et prit le commandement du 1er sous-secteur FTP. Il organisa la résistance armée dans la haute vallée de l’Arve et mit sur pied un service de renseignements et un service technique. Sous sa responsabilité se créèrent cinq compagnies de francs-tireurs sédentaires dans les localités de Thonon, Evian, Sciez, Yvoire, Annemasse, Cluses, Scionzier, Chedde, La Roche et Bonneville : en septembre 1943, il y avait, à la suite de son action, 850 FTPF immatriculés dans son sous-secteur. C’est à Saint-Julien-en-Genevois, le 15 septembre, vers neuf heures du soir qu’à l’issue d’une réunion qu’il venait de tenir avec des douaniers, la police allemande parvint à l’arrêter. Transféré au château de Gaillard, il fut torturé jusqu’à deux heures du matin sans qu’on puisse lui faire dire quelque chose d’important. Transféré à Lyon, au fort Montluc, puis à Compiègne, il fut déporté le 14 décembre 1943 à Buchenwald.
Il fut libéré le 2 mai 1945. À son retour de déportation, en dépit d’une santé fortement ébranlée, Émile Cochard siégea au comité départemental de Libération du Rhône avec M. Tardivier* et J. Gay*, puis, en mai 1945, fut élu secrétaire de l’UD-CGT du Rhône. C’était sans doute présumer de ses forces. Très fatigué, il fut contraint d’abandonner cette responsabilité et, en 1946, reçut la double charge de secrétaire et de trésorier de l’Union textile CGT. Entre 1952 et 1958, il fut élu secrétaire politique de la section de Vaise du PC et, de 1953 à 1961, assuma la responsabilité du CDH de Vaise. Au sein de la Fédération nationale des Déportés, internés, résistants et patriotes (FNDIRP), il fut successivement promu en 1945 membre du bureau du comité du Rhône, secrétaire général de la section départementale du Rhône de 1961 à 1964, membre du comité directeur national, président d’honneur de la section départementale du Rhône et secrétaire de la 9e section Lyon-Banlieue nord. Entre 1947 et 1951, il fut en outre administrateur de la caisse d’allocations familiales de Lyon. Le 20 avril 1958, lors des élections cantonales, il fut candidat du Parti communiste dans le 5e canton de Lyon.
En raison de son activité dans la Résistance, il avait été élevé à la dignité de chevalier de la Légion d’honneur et il reçut la Croix de guerre avec palme.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article20227, notice COCHARD Émile, Marius par Maurice Moissonnier, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 15 février 2022.

Par Maurice Moissonnier

Autobiographie communiste d’institution, dossiers du Komintern, Rgaspi, Moscou. Fiche d’évaluation.
Première page.

SOURCES : RGASPI, Moscou, archives biographiques du Komintern, 495 270 5560, sans date mais sans doute 1937, classé A1.IHS-CGT, Rhône-Alpes, fonds UD. — R. I. 3, Francs-Tireurs et partisans de la Haute-Savoie, Éditions France d’Abord, s.d. — Enquête auprès de l’intéressé et documents privés. — Fiche avec photographie dans le cédérom La Résistance en Haute-Savoie, AERI, 2006. — Notes de Jean-Pierre Besse et d’Aude Le Goupil. — État civil de Saint-Rambert.

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