PÉLISSIER Louis, alias « Carton », « Martin »

Par André Balent

Né le 21 décembre 1901 à Toulouse (Haute-Garonne), mort fusillé sommaire par les Allemands à Saint-Céré (Lot) le 8 juin 1944 ; militaire de carrière ; résistant de la Haute-Garonne et de la R4 : Combat, MUR, AS, réseau Morhange, adjoint au délégué militaire régional (R 4) ; compagnon de la Libération à titre posthume.

Louis Pélissier (1901-1944)
Louis Pélissier (1901-1944)
Source : Site assn.org

Louis Pélissier est né d’un père inconnu. Sa mère, Joséphine, Marie, Valérie Pélissier était née à Tonnac (Tarn) le 9 septembre 1868. Domiciliée à Carmaux (Tarn) où elle était domestique, elle vint accoucher à Toulouse où naquit son fils Louis le 21 décembre 1901. Elle vint déclarer, accompagnée de deux témoins la naissance de son fils à l’état civil de Toulouse le 4 janvier 1902. Pour cette raison l’acte de naissance figure sur le registre des naissances de Toulouse de l’année 1902. Toutefois, même si le site de l’ordre de la Libération indique que si Pélissier était « fils de mineur » [de charbon] (sans doute de Carmaux), il ne fut jamais reconnu par son père et porta toujours le patronyme maternel. Louis Pélissier était marié avec Alice, Angèle Duranton. Celle-ci participa aussi aux activités du réseau Morhange.

Pendant son service militaire (1922-1923), Louis Pélissier fut élève officier de réserve à l’école de Saint-Maixent (Deux-Sèvres). Il le termina avec le grade de sous-lieutenant.

Un an plus tard, il contracta un engagement de deux ans comme sergent au 15e régiment d’Infanterie (RI) le régiment d’Albi, rattaché à la région militaire de Montpellier. En octobre 1926, il fut affecté au 95e RI de Bourges (Cher). Il accéda au grade de lieutenant en 1928.

Louis Pélissier participa à la drôle de guerre et à la campagne de France dans les rangs du 149e RI de forteresse (RIF). Celui-ci, de septembre 1939 à juin 1940 était affecté sur la ligne Maginot. Il tenait un front de 11 km dans le secteur de Crusnes (Meurthe-et-Moselle), avec deux gros ouvrages, Fermont et Latiremont, un fort plus petit, la Ferme Chappy, et une dizaine de casemates. Le 149e RIF livra de durs combats contre les Allemands, du 13 au 18 juin 1940. Pélissier commandait le 1er bataillon du régiment Le 16 juin, il participa à une action d’éclat qui lui valut une citation à l’ordre du bataillon. Ce jour-là, il franchit les barbelés des lignes ennemies afin de capturer des soldats allemands blessés. Lui même fut blessé d’une balle dans le dos. Il fut soigné alors que son régiment fut dissous après le 18 juin qui vit la fin du combat de Damannes et alors que le grand fort de Latiremont, invaincu, ne se rendit que le 27 juin, cinq jours après la signature de l’armistice.

Louis Pélissier, après sa convalescence, fut affecté en juillet 1940 au 23e RI de l’armée d’armistice, en garnison à Toulouse. Il commanda la 5e compagnie. Il fut un des officiers de la 17e division militaire qui, en accord avec le colonel Noetinger, s’engagèrent progressivement dans la Résistance. Il commença par participer très activement à l’organisation du camouflage du matériel (armes, munitions, stocks d’essence), chez des particuliers, à Toulouse même ou dans la campagne environnante. Pendant l’été 1942, il connut Jules Pêcheur, un industriel lorrain replié à Toulouse où il dirigeait une entreprise de transports routiers, avenue Lespinet. Le garage de Pêcheur reçut des véhicules et d’autres matériels de l’armée camouflés. Bientôt, il approfondit et diversifia son action résistante qui devait englober bientôt l’ensemble de la R4.

Ce fut Pêcheur qui mit Pélissier en contact avec le mouvement Combat et l’AS, organisations auxquelles il adhéra bientôt et au sein desquelles il fut très actif. Tout en conservant des liens avec des militaires favorables à la Résistance, il fut responsable militaire de Combat puis des MUR, ce qui l’amena à jouer un rôle important dans l’Armée secrète (AS). Présent à la fois dans l’AS et dans des réseaux, Pélissier étendit don influence à l’ensemble de la R4 et son rôle fut d’une importance capitale. En décembre 1942, il devint (officieusement pour Michel Goubet) chef de l’AS de la R4 avec pour adjoint Albert Sarda de Caumont. Michel Goubet, historien de la Résistance toulousaine, le juge (CDROM, op. cit.) « méfiant, voire hostile aux orientations progressistes de la Résistance ». Mais, lorsqu’il fut à la tête des groupes francs de la R4 — il remplaça à ce poste Marcel Joyeux alias « Joly » —, et, officieusement, pendant un moment de l’AS de cette région, il s’entendit bien avec le socialiste François Verdier chef régional des MUR. Pour Serge Ravanel homme de gauche, Pélissier, « ce capitaine d’active, dynamique, intelligent, avait beaucoup d’ascendant. Cependant son état d’esprit ne correspondait pas aux orientations de l’ état-major national. Pour lui l’action ne pouvait être efficace que si elle était menée par des professionnels : les GF [groupes francs] ainsi que quelques maquis et groupes de ville bien encadrés » (op. cit., p. 209). Lorsqu’il devint l’adjoint de Schlumberger, Ravanel pensa qu’il faisait désormais partie de ses opposants au sein de Résistance non-communiste de la R4 (op. cit., p. 217). Il s’était replié pour l’essentiel sur les GF de la R4 et le réseau Morhange. Toutefois, dès la fin de 1942, Pélissier avait aussi coopéré avec le capitaine André Pommiès du 18e RI de Pau (Basses-Pyrénées / Pyrénées-Atlantiques) chargé de la « mobilisation secrète » de l’Armée dans les Landes, les Basses-Pyrénées et les Hautes-Pyrénées. Après l’occupation de la zone sud par les forces allemandes et italiennes, Pommiès, promu commandant, fonda, le 17 novembre 1942, le Corps franc Pommiès dans toute la R4. Ce groupe de résistance armée fut affilié à l’ORA à partir de février 1943. Pommiès jugeait ainsi Pélissier : « être franc, énergique, taciturne, désintéressé ». Pélissier travailla avec Pommiès en liaison avec les militaires de l’ancienne subdivision militaire de la Haute-Garonne de l’armée dissoute.

Le lendemain de l’occupation de Toulouse par les forces allemandes en novembre 1942, Pélissier, transporta dans des camions de Pêcheur, afin de les cacher, les armes du 23e RI qui allait bientôt être dissous. Au début de 1943, connu désormais sous le pseudonyme de « Carton », il s’attela en qualité de chargé de mission de première classe (avec le grade de capitaine) à l’organisation de l’AS à Toulouse et dans la Haute-Garonne et à celle du COPA (Centre d’organisation de parachutage et d’atterrissage) de la R4 : il rechercha des terrains qu’il trouva dans le Gers et les Landes et qu’il fit homologuer par le BCRA (Bureau central de renseignement et d’action, dépendant de la France libre). Pressenti, en avril 1944, pour diriger l’AS (et bientôt des Corps francs de libération, les CFL) pour l’ensemble de la R4, il fut finalement écarté. Finalement, à cette date, chargé de mission avec le grade de commandant, il devint l’adjoint de Bernard Schlumberger (1911-1945) délégué militaire régional de la R4 dépendant du BCRA.

Louis Pélissier intégra par ailleurs, en juin 1943, le réseau Morhange formé à Toulouse, avec des antennes dans le Gers et dans le Donnezan, en Ariège. Ce réseau créé et animé par Marcel Taillandier dépendait des services secrets de l’armée d’armistice passés à la résistance sous la couverture des Travaux ruraux. Il était donc rattaché au « poste TR — Travaux ruraux — 117 » de Toulouse. Michel Goubet (op. cit., CDROM) indique que, pour certains, Pélissier aurait été le véritable « père » du réseau Morhange. Mais, ce ne fut pas le cas, car il ne disposait pas, comme Marcel Taillandier, d’un contact préalable très étroit avec les services de renseignements du commandant Paul Paillole. Pélissier ne faisait pas partie des 16 agents permanents d’action directe X (dont Taillandier, « X 1 »). Cependant Pélissier qui avait tissé des liens privilégiés avec Taillandier devint, en juin 1943, le chef du groupe franc de Morhange destiné à l’ « action directe ». Pélissier participa à diverses actions « spéciales » de Morhange. La plus spectaculaire fut celle du « courrier de Nice », le 2 janvier 1944 (Voir Mercié Marcel) que Pélissier mena à bien avec Taillandier. Notons cependant, que, en dépit de sa proximité avec Taillandier, Pélissier agent du réseau destiné aux « actions directes » ne fit jamais partie du groupe restreint des seize agents permanents « X » d’action directe de Morhange.

Ce fut en sa qualité d’adjoint au DMR que, le 6 juin 1944 il quitta Toulouse pour le Lot en automobile accompagné par le lieutenant Jean Cressot afin d’inspecter le terrain de parachutage « Chénier » et de récupérer des armes. Ils étaient suivis par un camion à bord duquel avaient pris place six hommes du maquis Pol-Roux (AS) désigné par le nom de son chef et créateur, situé pourtant loin de Saint-Céré, puisque implanté à l’ouest du Tarn, dans le Sidobre et les Monts de Lacaune. Le choix de faire appel à des membres d’un maquis aussi éloigné du terrain d’atterrissage s’explique par le fait que le PC de Bernard Schlumberger, le DMR de la R4, et le supérieur direct de Louis Pélissier, se trouvait à Vabre où était implanté le maquis Pol-Roux et que les armes récupérées lui étaient destinées. Le camion était parti avec six maquisards de Saint-Pierre-de-Trivisy (Tarn), commune limitrophe de Vabre. Près de Saint-Céré (Lot), les occupants des deux véhicules de la Résistance rencontrèrent un convoi allemand partiellement blindé (de la 2e division SS blindée Das Reich à qui le général Blaskowitz, commandant l’Armeegruppe G, avait donné l’ordre, ce même jour, de détruire les maquis du sud-ouest du Massif Central (le 11 juin, il leur ordonna de de gagner au plus vite le front de Normandie). Pour certains, ils étaient de retour du terrain de parachutage avec le camion chargé d’armes ; pour d’autres, notamment pour les occupants du camion qui purent s’échapper et témoigner, le convoi s’était d’abord arrêté à Saint-Céré afin de réparer des crevaisons au garage de Paul Gambade, et se dirigeait vers le terrain d’atterrissage. Cette version semble la plus vraisemblable. En effet, après cette réparation, Germain Records, du maquis de Vabre et résident à Graulhet (Tarn) fut invité à s’installer dans l’automobile des deux officiers, Pélissier et Cressot, ce qui lui fut fatal. Les véhicules se dirigèrent ensuite vers Sousceyrac. Le camion prit à son bord le forgeron de Frayssines, village proche de Saint-Céré, ce qui les retarda et fut à l’origine de leur rencontre avec un convoi de la division Das Reich comprenant trois autochenillettes, trois automitrailleuses et une trentaine de camions. Les Allemands découvrirent une arme dans l’automobile. Après la rencontre inopinée avec les Allemands, les occupants du camion, purent, après avoir abandonné leur véhicule, se camoufler et, pour quatre d’entre eux — dont Maurice Julien et Georges Chamayou, d’Esperausses (Tarn) — , rallier à pied leur maquis tarnais à Saint-Pierre-de-Trivisy après avoir été abrités pendant deux jours par les habitants de Sousceyrac. Les trois occupants de la voiture de tête furent capturés. Pélissier, et Records furent fusillés au bas de la route de Saint-Laurent et Cressot à un kilomètre de là, au lieu-dit Beaune. Leurs corps furent laissés sur place pendant vingt-quatre heures. Mlle Brun, de la Croix-Rouge obtint des occupants qu’ils fussent inhumés à Saint-Céré.

Le 30 septembre 1944, Louis Pélissier eut droit, à Toulouse, à des obsèques solennelles. Il fut ensuite ré-inhumé au cimetière d’Albi (Tarn). À titre posthume, Louis Pélissier fut élevé au grade de lieutenant-colonel, à celui de chevalier de la Légion d’honneur et devint Compagnon de la Libération. Il reçut aussi la médaille de la Résistance avec rosette et la Croix de guerre. Le 2 mai 1948 la rue Duranti, de Toulouse, devint la rue Louis-Pélissier. Le 19 juin 1966, lors d’une cérémonie, André Pommiès, désormais général, fit de lui un vibrant hommage.

Le nom de Louis Pélisssier est gravé, avec ceux de Jean Cressot et Germain Records sur la stèle érigée à Saint-Céré (Lot) en mémoire de leur exécution sommaire le 8 juin 1944. Il figure également à Ramatuelle (Var) sur le monument commémoratif des services spéciaux (1939-1945).

Voir : Saint-Céré (8 juin 1944)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article202301, notice PÉLISSIER Louis, alias « Carton », « Martin » par André Balent, version mise en ligne le 26 avril 2018, dernière modification le 3 avril 2022.

Par André Balent

Louis Pélissier (1901-1944)
Louis Pélissier (1901-1944)
Source : Site assn.org
Louis Pélissier (1901-1944) : fausse carte de policier établie au nom de Louis Martin
Louis Pélissier (1901-1944) : fausse carte de policier établie au nom de Louis Martin
Source : Site Memorial François Verdier

SOURCES : Arch. com. Toulouse, 1 E 604, état civil, acte de naissance de Louis Pélissier. — José Cubero, La résistance à Toulouse et dans la région R4, Bordeaux, Éditions Sud-Ouest, 415 p. [p. 358]. — Jean Estèbe, Toulouse, 1940-1944, Paris, Perrin, 2001, 358 p. [p. 97, p. 161, p. 180.] — Michel Goubet, « Pélissier Louis (alias ‘‘Carton’’ , ‘‘Martin’’) », in Michel Goubet et Pierre Léoutre (dir.), La Résistance en Haute-Garonne, CD-ROM, Paris, AERI (Association pour des études sur la Résistance intérieure). — Henri Noguères (avec la collaboration de Marcel Degliame-Fouché et Jean-Louis Vigier), Histoire de la Résistance en France, Paris, Robert Laffont, cinq volumes, 1967-1981 ; tome 2, L’armée de l’ombre, Juillet 1941-octobre 1942, 2e édition, 1969, p. 551 ; tome 3, Et du Nord au Midi … Novembre 1942-septembre 1943, 1972, 717 p. [p. 94, p. 260, p. 570] ; tome 4, Formez vos bataillons ! Octobre 1943-mai 1944), Paris, Robert Laffont, 1976, 710 p. [p. 327] ; tome 5, Au grand soleil de la Libération. 1er juin 1944-15 mai 1945 Paris, Robert Laffont, 1981, 923 p. [p. 117]. — Guy Penaud, La Das Reich : la 2e SS Panzerdivision, préface d’Yves Guéna et introduction de Roger Ranoux, Périgueux, La Lauze, 2005, pp. 164-165, p. 512. — Serge Ravanel, L’esprit de Résistance, Paris, Le Seuil, 1995, 444 p. [pp. 208-210, 213, 215, 217, 218, 246, 271]. — Site Compagnons de la Libération (ordredeleliberation.fr) consulté le 21 avril 2018. — Site assn.org (Amicale des services secrets de la défense nationale), Monument national, mémorial de Ramatuelle (Var) consulté le 21 avril 2018. — Site Memorial Verdier (françoisverdier-liberationsud.fr) consulté le 21 avril 2018. — Site Maquis de Vabre (www.maquisdevabre.fr), consulté le 25 avril 2018. — Site MemorialGenWeb consulté le 25 avril 2018.

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