MARIANI François

Par Pierre-Jean Delavalle

Né le 6 novembre 1912 à Vero (Corse du sud), mort 11 avril 1960 à Toulon (Var) ; marin puis encaisseur de l’Union électrique rurale en Corse puis agent EDF ; syndicaliste CGT ; résistant.

Le père de François Mariani était militaire dans l’armée coloniale (Infanterie de marine) Sa mère décéda en 1915 à Télepte (Tunisie). François et sa sœur furent placés dans un orphelinat à Tunis avant de regagner la Corse en 1916.
Il fréquenta l’école communale à Vero (Corse du Sud) et obtint son certificat d’études primaires en 1923 avant de faire des études secondaires au Petit Séminaire d’Ajaccio (1923-1927), bon en mathématiques et en latin, il apprit l’italien et le grec. Il quitta le Séminaire en 1927, en fin de classe de seconde.

En 1928, François Mariani s’engagea dans la Marine pour 5 ans. Il intégra la rude École des mousses (Brest) ou l’apprentissage passait par les avirons, la voile, la culture physique. Il obtint son Brevet de radio-électricien de la marine de guerre en septembre 1929.
Il fut radio à bord du croiseur l’Armorique, puis à l’aéro-navale à Saint-Raphaèl (Var) avant d’être affecté au 2e dépôt de Saigon puis d’être radio à bord de l’Avalanche, escorteur effectuant des relevés hydrographiques sur le Mékong (Laos, Cambodge).
Il poursuivit sa vie de marin dans la Marine marchande. En 1932, il fut engagé comme radio à bord du cargo Commandant Damiani (Méditerranée) puis du paquebot long courrier l’Athos II.
Mais en 1933, il eut des jours difficiles à Marseille, où le chômage sévissait, y compris parmi les inscrits maritimes.
Il trouva du travail comme gardien de nuit sur divers chantiers (Saint Just, Cap pinède). De 1934 à 1939, il réembarqua à bord de pétroliers (extrême orient - Marseille)
En 1935 François Mariani épousa Barberine Orsoni qui sera à ses cotés durant la Résistance à l’occupant en 1942-1943. Barberine Mariani (née Orsoni) :
était née le 1er avril 1916 à Vero (Corse du Sud) ; elle mourut le 9 mai 1983 à La Garde.

François Mariani participa aux grèves des marins en 1936-1937. Ainsi les marins mirent « sac a terre » à Diego Suarez, les compagnies maritimes refusant d’appliquer la loi des 40 heures. Père d’une petite fille en 1935, il quitta définitivement la marine marchande et envoya ses dernières photos de Shanghai en 1939.

En 1940, il fut recruté à l’Union Électrique Rurale (Ajaccio -Corse) comme encaisseur. À moto, il effectua des relevés, des encaissements pour la Compagnie, dans le sud de la Corse.
Mobilisé le 27 avril 1940 au 152e dépôt de Chasseurs alpins (Nice) démobilisé en juillet 1940, il regagna la Corse – alors en « zone libre » - mais où les divisions de Mussolini débarquèrent en novembre 1942. L’ile fut occupée par 80 000 Italiens (3 divisions) et 10 000 soldats allemands.

En décembre 1942 François Mariani, comme d’autres électriciens, n’accepta pas la défaite. Il rejoignit un réseau de renseignements auprès de la « mission Pearl Harbour » arrivée clandestinement d’Alger par le Sous-marin Casabianca et dirigée par le Commandant De Saule.(mission équipée d’un poste émetteur). Il participa à des distributions de tracts clandestins, à des collectes et distribution d’armes et de munitions, Mariani hébergera Griffi et son émetteur (à Ajaccio, et à Vero).

De décembre 1942 à juin 1943, sa connaissance des matériels permit une aide quotidienne au radio Pierre Griffi (celui-ci sera fusillé par les « chemises noires » le 18 aout 1943 après avoir lançé 286 messages de renseignements sur les forces ennemies).
Arrêté à Ajaccio en même temps que le radio Griffi le 11 juin 1943, Mariani fut détenu durant près de 3 mois. Interrogé et traduit (Bastia) devant le tribunal militaire du XVe corps Italien le 16 aout 1943 il ne devra son salut qu’au courage du radio Griffi et bien sûr à l’action des patriotes qui libérèrent la Corse dès le 9 septembre 1943.

Libéré en septembre 1943, Mariani gagna Vero. Avec un groupe armé, il installa (selon directives d’Alger) la « délégation spéciale »(municipalité du Front National de libération) avec prise de contrôle de la Mairie, de la Poste, du « ravitaillement ». François prit ensuite position avec le groupe armé sur la nationale 193, afin d’empêcher un éventuel repli Italien. Bastia tomba aux mains des Résistants le 4 octobre 1943.
François Mariani retrouva l’Union électrique rurale qui avec trois autres compagnies insulaires fut nationalisée en 1946, avec la naissance d’EDF.

Magasinier à EDF à partir de 1947, il accompagna toutes les étapes de l’électrification de la Corse avec ses deux premiers grands barrages et ses deux principales centrales thermiques, les lignes de transport, les postes de transformation, et l’alimentation électrique des villages reculés.
Il militait activement à la CGT. Trésorier, il travailla à l’équilibre financier de la Mutuelle (CAS) et eut des rencontres avec Marcel Paul et Mr. Smagghe, pour l’obtention de subventions d’équilibre.

En 1950, Mariani prit part au large mouvement de défense de militants syndicaux sanctionnés, certains traduits devant les Tribunaux ( pétition de soutien à Antoine Carella et Joseph Chiappe) que la mobilisation parvint à faire libérer le 29 mars.

Du 6 aout au 27 août 1953, Mariani participa à la longue grève des électriciens et gaziers (grève / coupures de courant / réquisition de grévistes par la gendarmerie). Il prit part aux deux conflits de l’année 1955 : contre le projet de fermeture des Chemins de fer Corses, puis sur le contentieux des salaires et la revendication d’augmentation de la prime de productivité. En 1958, il fut des manifestations de soutien au Docteur Noël Franchini, conseiller général PCF dont les fenêtres avaient été mitraillées. Cette année 1958 fut marquée par la montée de l’extrême droite, le « putsch » de généraux sur Alger, la prise de la Préfecture d’Ajaccio par les parachutistes du Colonel Thomaso, le Préfet de Corse aux mains des « paras » – la résistance des communistes et de la CGT en Corse et au plan national, les manifestations réprimées.

De 1960 à 1962, François Mariani prit part aux initiatives pour la paix en Algérie. La centrale thermique d’Aspretto et les dépôts d’hydrocarbures furent investis par la troupe (lors des deux putchs militaires d’Alger notamment) mitrailleuses couvrant le bord de mer, postes dans la colline, autour des Parcs à mazout). Électriciens et gaziers furent soumis a des multiples contrôles.

François Mariani fit valoir ses droits à la retraite en 1966. Retraité à Vero, passionné d’histoire, il participa à la vie communale. Actif à l’ANACR (anciens combattants de la Résistance) participant aux commémorations et à quelques enregistrements , témoignages sur la Résistance. Il fut un temps secrétaire de Mairie. Il obtint que le nom de Pierre Griffi (officier radio fusillé à Bastia en 1943) soit donné à place de la Mairie de Vero où Pierre Griffi avait séjourné trois mois dans la plus totale clandestinité.
François Mariani mourut en 1960.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article202371, notice MARIANI François par Pierre-Jean Delavalle, version mise en ligne le 27 avril 2018, dernière modification le 23 juillet 2018.

Par Pierre-Jean Delavalle

SOURCES : Attestation de C. Giudicelli officier FFC du 5 février 1954 / Attribution médaille militaire , François Mariani décret 5.01.1955 (JO du 7 janvier 1955). — Témoignage de Don Marc Sodini, compagnon de captivité caserne Battesti (1943). — Sur l’électrification de la Corse : lire : Une ile des hommes la lumière, CMCAS, Delavalle-Campocasso, Ed Albiana, 2002.

Version imprimable