THIRY Frédéric-Joseph. [Belgique]

Par Freddy Joris

Dison (pr. Liège, arr. Verviers), 21 mars 1843 − Verviers (pr. Liège, arr. Verviers), 15 octobre 1923. Ouvrier textile, fondateur et animateur de la section de la Première Internationale à Verviers, militant socialiste.

Fils d’un marchand de flocons et de déchets de laines de Dison, Frédéric-Joseph Thiry fréquente durant plusieurs années l’école des Frères des Écoles chrétiennes avant d’entrer à l’usine comme tisserand. Il entame son action militante en publiant anonymement en octobre 1867 une brochure d’une trentaine de pages intitulée L’Avenir des travailleurs, dans laquelle il critique violemment les inégalités de classes et fait écho à l’existence d’une organisation internationale ouvrière, une section belge de l’Association internationale des travailleurs (AIT) existant à Bruxelles depuis 1865. Cette brochure contribue fortement à la naissance du mouvement ouvrier organisé à Verviers.

En novembre 1867, Frédéric-Joseph Thiry est, avec notamment Pierre Fluche, parmi les fondateurs d’une organisation ouvrière verviétoise, la Société des Francs-ouvriers, qui publie dès décembre un mensuel qui sera publié jusqu’en 1880, Le Mirabeau. Thiry en est le premier éditeur responsable. Cet acte public lui vaut la perte de son emploi et entraîne le boycott de son père par sa clientèle patronale habituelle.

Exclu de la rédaction du Mirabeau et du Comité des Francs-ouvriers en octobre 1868 pour des divergences idéologiques et des querelles financières, alors que ces derniers adhèrent à l’Internationale et commencent à jeter les bases de la Fédération verviétoise (qui sera une des plus dynamiques et des plus extrémistes de la section belge), Frédéric-Joseph Thiry anime, à partir de 1869, la première d’une longue série de dissidences dans l’histoire du mouvement ouvrier verviétois. Dans les colonnes de l’éphémère mensuel, Le Martinet, qu’il rédige notamment, avec le futur conseiller communal socialiste et vice-président du Conseil provincial de Liège, Roch Germay, Thiry développe la thèse de la collectivisation du sol à laquelle il restera toujours attaché, et à la gratuité du crédit comme outils indispensables, avec l’association, pour l’émancipation des prolétaires.

Marié à Pétronille Wynant dont il a un fils, Frédéric-Joseph Thiry, désormais domicilié à Verviers, figure encore en 1873 parmi les quelques quatre cents principaux militants verviétois identifiés alors par la police.

Après avoir échoué dans sa tentative de s’installer comme fabricant puis teinturier de produits textiles à Thimister (arr. Verviers), son atelier ayant été incendié, Frédéric-Joseph Thiry émigre aux États-Unis pour plusieurs années. Il ne rentre à Verviers que dans les années 1880 pour s’y réinstaller comme fabricant de soieries. À la fin de la décennie, il renoue avec l’ancien cofondateur du Mirabeau et des Francs-ouvriers, Pierre Fluche, fondateur d’une boulangerie coopérative et d’un cercle politique affiliés au Parti ouvrier belge (POB).

Rentré dans les rangs socialistes, Frédéric-Joseph Thiry figure en 1890 parmi les principaux membres du Cercle des capacitaires et des censitaires réunis, fondé par Pierre Fluche, Roch Germay et Adolphe Gierkens lequel sera un des quatre députés verviétois élus lors des premières élections législatives au suffrage universel à vote plural. Il fait partie aussi du Groupe verviétois pour le suffrage universel. En 1892, Thiry anime un nouvel hebdomadaire socialiste, La Libre tribune, qui prône, comme Pierre Fluche, le rapprochement avec les petits commerçants dans l’action politique et électorale plutôt que privilégier l’action des coopératives.

Après une nouvelle éclipse sur le plan de l’action politique, Frédéric-Joseph Thiry, toujours fidèle à son idée maîtresse de collectivisation du sol – « mettre les bras inoccupés sur les terres incultes pour faire disparaître la misère » −, réapparait près de vingt ans plus tard en 1911 dans les colonnes du quotidien syndicaliste verviétois, Le Travail. Après quelques mois, il est privé de cette tribune pour des divergences idéologiques encore. Thiry se présente seul à la tête d’une liste socialiste dissidente aux élections législatives de 1914, en animant une nouvelle revue, La Terre. Veuf ayant perdu son fils unique, il a alors septante-et-un ans. Sa candidature est abondamment tournée en dérision dans la presse satirique locale qui lui prédit à juste titre un échec (une « buse ») et le surnomme « Thirybûse ».

Frédéric-Joseph Thiry, fondateur du Mirabeau et des Francs-ouvriers, disparait ensuite de la scène en raison de la Première Guerre mondiale. Il meurt le 15 octobre 1923 à l’âge de quatre-vingts ans, complètement oublié ou volontairement ignoré par les militants socialistes de l’époque.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article202672, notice THIRY Frédéric-Joseph. [Belgique] par Freddy Joris, version mise en ligne le 4 mai 2018, dernière modification le 26 mars 2024.

Par Freddy Joris

SOURCE : JORIS F., « Frédéric-Joseph Thiry dit Thirybuse (1843-1923) », Annales de la Fondation Adolphe Hardy, n° 5, Dison, 1995, p. 65-92.

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